pr��s nulle, la consternation de sa moisson mis��rable, terrible sous cette chaleur d'Afrique qui prenait un aspect de fin du monde! Et puis des fl��aux que la science croyait avoir conjur��s et devant lesquels elle se d��clare impuissante, des varioles foudroyantes, horribles, l'incendie des bois environnants ��levant ses fanaux sinistres autour de l'horizon, des loups effar��s venant se r��fugier le soir dans nos maisons! Et puis des orages furieux brisant tout, et la gr��le meurtri��re achevant l'oeuvre de la s��cheresse!
Et tout cela n'��tait rien, rien en v��rit��! Nous regrettons ce temps si pr��s de nous dont il semble qu'un si��cle de d��sastres nous s��pare d��j��. La guerre est venue, la guerre au coeur de la France, et aujourd'hui Paris investi! Demain peut-��tre, pas plus de nouvelles de Paris que de Metz! Je ne sais pas comment nos coeurs ne sont pas encore bris��s. On ne se parle plus dans la crainte de se d��courager les uns les autres.
17 septembre.
Aujourd'hui pas de lettres de Paris, pas de journaux. La lutte colossale, d��cisive, est-elle engag��e? Je me l��ve encore avec le jour sans avoir pu dormir un instant. Le sommeil, c'est l'oubli de tout; on ne peut plus le go?ter qu'au prix d'une extr��me fatigue, et nous sommes dans l'inaction! On ne peut s'occuper des campagnes apparemment; rien pour organiser ce qui reste au pays de volont��s encore palpitantes, rien pour armer ce qui reste de bras valides. Il n'y en a pourtant plus gu��re; on a d��j�� appel�� tant d'hommes! Notre paysan a pleur��, fr��mi, et puis il est parti en chantant, et le vieux, l'infirme, le patient est rest�� pour garder la famille et le troupeau, pour labourer et ensemencer le champ. Beaut�� m��lancolique de l'homme de la terre, que tu es frappante et solennelle au milieu des temp��tes politiques! Tandis que le riche, vaillant ou d��courag��, abandonne son bien-��tre, son industrie, ses esp��rances personnelles, pour fuir ou pour combattre, le vieux paysan, triste et grave, continue sa tache et travaille pour l'an prochain. Son grenier est �� peu pr��s vide; mais, f?t-il plein, il sait bien que d'une mani��re ou de l'autre il lui faudra payer les frais de la guerre. Il sait que cet hiver sera une saison de mis��re et de privations; mais il croit au printemps, lui! La nature est toujours pour lui une promesse, et je l'ai trouv�� moins affect�� que moi en voyant mourir cet ��t�� le dernier brin d'herbe de son pr��, la derni��re fleurette de son sillon. J'avais un chagrin d'artiste en regardant p��rir la plante, la fleur, ce sourire pur et sacr�� de la terre, cette humble et perp��tuelle f��te de la saison de vie. Tandis que je me demandais si le sol n'��tait pas �� jamais dess��ch��, si la s��ve de la rose n'��tait pas �� jamais tarie, si je retrouverais jamais l'ancolie dans les foins ou la scutellaire au bord de l'eau tarie, il ne se souciait, lui, que de ce qu'il pourrait faire manger �� sa ch��vre ou �� son boeuf durant l'hiver; mais il avait plus de confiance que moi dans l'in��puisable g��n��rosit�� du sol. Il disait:
--Qu'un peu de pluie nous vienne, nous s��merons vite, et nous recueillerons en automne.
Mon imagination me montrait un cataclysme l�� o�� sa patience ne constatait qu'un accident. Il ne s'apercevait gu��re du luxe ��vanoui, du bleuet absent des bl��s, du lychnis rose disparu de la haie. Il arrachait une poign��e d'herbe avec la racine s��che, et apr��s un peu d'��tonnement, il disait:
--L'herbe pourtant, l'herbe ?a ne peut pas mourir!
Il n'a pas la compr��hension raisonn��e, mais il a l'instinct profond, in��branlable, de l'imp��rissable vitalit��. Le voil�� en pr��sence de la famine pour son compte, aux prises avec les aveugles ��ventualit��s de la guerre: comme il est calme! Au milieu de ses pr��jug��s, de ses ent��tements, de son ignorance, il a un c?t�� vraiment grand. Il repr��sente l'esp��ce avec sa persistante confiance dans la loi du renouvellement.
Boussac (Creuse), 20 septembre.
On dit que r��capituler ses maux porte malheur. Cela est vrai pour nous aujourd'hui. La variole s'est d��clar��e foudroyante, ��pid��mique autour de nous; nous avons renvoy�� les enfants et leur m��re, et aujourd'hui force nous est de les rejoindre, car le fl��au est install�� pour longtemps peut-��tre, et nous ne pouvons vivre ainsi s��par��s. Nous voil�� fuyant quelque chose de plus aveugle et de plus m��chant encore que la guerre, apr��s avoir tent�� vainement d'y apporter rem��de; h��las! il n'y en a pas; le paysan chasse le m��decin ou le voit arriver avec effroi. Partons donc! Une balle n'est rien, elle ne tue que celui qu'elle frappe, mais ce mal subit qu'il faut absolument communiquer �� l'��tre d��vou�� qui vous soigne, �� votre enfant, �� votre m��re, �� votre meilleur ami!... Il faut donc alors mourir en se ha?ssant soi-m��me, en se maudissant, en
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