n'est
admirable que dans la peinture des méchants, de la méchanceté... Sue,
il me fait l'effet d'un enfant qui crève les yeux à un pierrot!»
--L'histoire n'est pour certains historiens qu'un arsenal d'épingles.
--Le monde est généralement représenté comme un théâtre et un lieu
d'action. C'est bien plutôt une halle et un repos des activités vitales et
amoureuses dans la musique, dans la compagnie, dans les banalités de
la politesse et des mots.
* * * * *
_9 mars_.--Quand on étudie l'embryon humain dans les grossissements
de figurations en cire, et qu'on suit, de la tache embryonnaire à l'enfant,
le développement de l'être, il semble que l'on ait devant soi la racine, le
germe de deux arts: l'art du Japon, l'art du moyen âge.
Ce qui commence à baigner dans le liquide amniotique, l'embryon de
quelques semaines, cette espèce de sangsue dressée sur sa queue courbe,
est une vraie chimère qu'on dirait taillée dans du jade, dans une
amalgatolithe rose. Il y a de la fantaisie baroque de monstre dans cette
tête grotesque et terrible, où la forme sort d'un trou et d'une enflure, où
la bouche s'ouvre dans le rinceau d'un mascaron, où les petits yeux
jaillissent des tempes comme deux petites perles de verre bleu.
Puis cela devient cette espèce de petite taupe hydrocéphale, à la chair,
mamelonnée et tuberculeuse. Le foetus enfin, dessine l'être créé et le
laisse apparaître: la tête n'écrase plus les membres, le corps se fonde et
s'établit; et voici, à quelques mois, l'enfant à peu près tel qu'il doit
naître. On le voit, dans la coupe verticale de l'utérus, comme ces figures
incrustées et pliées dans le cadre des médaillons d'un choeur de
cathédrale du XVe siècle.
L'oppression de la pose de ces petits êtres, leur ramassement, les gestes
d'instinct de l'enfance dans son premier lit, les ratatinements frileux, les
croisements étroits de bras et de jambes, les attitudes inconscientes de
sommeil et de prière, cette ébauche naïve de la vie rudimentaire, cette
expression de souffrance d'un corps angéliquement
douloureux!--n'est-ce pas le style du moyen âge, le sentiment de cet art,
qu'on croirait par moments n'avoir eu pour modèle qu'un peuple de
figures à demi formées et comme une race de vivants embryonnaires?
* * * * *
_10 mars_.--Pense-t-on à tout ce qui sera jeté à l'avidité de cette
curiosité moderne sur la vie intime des personnes, quand peut-être
avant cent ans, le notaire, le médecin, le confesseur, écriront des
mémoires qui n'attendront peut-être pas vingt ans après leur mort, pour
voir le jour.
* * * * *
--Les assemblées, les compagnies, les sociétés peuvent toujours moins
qu'un homme. Toutes les grandes choses de la pensée, du travail, sont
faites par l'effort individuel, aussi bien que toutes les grandes choses de
la volonté. Le voyageur réussit là, où les expéditions échouent, et ce
sont toujours des explorateurs solitaires, un Caillé, un Barth, un
Livingstone, qui conquièrent l'inconnu de la terre.
* * * * *
--C'est une remarque juste, que l'homme commence à rechercher dans
la maîtresse, l'aspect coquin, l'air _mauvaise p..._ tandis que, plus tard,
il est attiré par l'expression de la bonté chez la même femme, comme
s'il cherchait à mettre la figure du mariage, dans le concubinage.
* * * * *
_14 mars_.--Aujourd'hui, j'entends pour la première fois, Girardin sortir
de ses petites phrases axiomatiques, de ses monosyllabes ironiques, de
son mutisme ordinaire.
Il expose son système de la liberté illimitée de la presse, avec une verve
froide, une ténacité humoristique, un sang-froid vraiment curieux dans
la riposte. Avec son système, il affirme tuer, et l'affirmation me semble
juste, deux partis sur trois dans l'opposition: les journaux légitimistes
sombrant dans le nombre des feuilles paraissant, et l'orléanisme
mourant de ce qu'il n'a plus rien à demander;--l'orléanisme auquel il
porte par là-dessus un coup tout à fait mortel, en faisant racheter par le
gouvernement les charges de notaires, d'avoués, d'agents de change, et
de toutes ces fonctions privilégiées, faisant des charges libres et
accessibles à toute la jeunesse, qui est le grand appoint du parti. Quant
au républicanisme opposant, il lui semble que la demi-liberté dont il
jouit, fait parfaitement son jeu, et il se demande si l'immense diffusion
de l'hostilité ne lui nuirait pas. En somme, c'est l'idée de l'innocuité du
poison pris à haute dose.
Tout cela, cette théorie qui peut paraître une utopie, exposée sans
grands mots, très pratiquement, avec des comparaisons comme celle-ci,
sur le double emploi des préfets et des sous-préfets: «Je dis au
domestique qui commande aux autres: Voulez-vous me donner un verre
d'eau? Et je l'entends crier dans l'escalier: «Approchez donc un «verre
d'eau à Monsieur!» Ce sont vos préfets et vos sous-préfets!
* * * * *
--Fournisseur de rébus pour assiettes,--c'est un état à Paris.
* * * * *
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