Jim Harrison, boxeur | Page 3

Sir Arthur Conan Doyle
à vos oreilles, alors donnez la main, et... en
route.
Mais je dois vous prévenir: si vous vous attendez à trouver sous la
plume de votre guide bien des choses attrayantes, vous vous exposez à
une désillusion.
Lorsque je jette les yeux sur les étagères qui supportent mes livres, je
reconnais que ceux-là seuls se sont hasardés à écrire leurs aventures,
qui furent sages, spirituels et braves.
Pour moi, je me tiendrais pour très satisfait si l'on pouvait juger que
j'eus seulement l'intelligence et le courage de la moyenne.

Des hommes d'action auraient peut-être eu quelque estime pour mon
intelligence et des hommes de tête quelque estime de mon énergie.
Voilà ce que je peux désirer de mieux sur mon compte.
En dehors d'une aptitude innée pour la musique, et telle que j'arrive le
plus aisément, le plus naturellement, à me rendre maître du jeu d'un
instrument quelconque, il n'est aucune supériorité dont j'aie lieu de me
faire honneur auprès de mes camarades.
En toutes choses, j'ai été un homme qui s'arrête à mi-route, car je suis
de taille moyenne, mes yeux ne sont ni bleus, ni gris, et avant que la
nature eût poudré ma chevelure à sa façon, la nuance était intermédiaire
entre le blanc de lin et le brun.
Il est peut-être une prétention que je peux hasarder; c'est que mon
admiration pour un homme supérieur à moi n'a jamais été mêlée de la
moindre jalousie, et que j'ai toujours vu chaque chose et l'ai comprise
telle qu'elle était.
C'est une note favorable a laquelle j'ai droit maintenant que je me mets
à écrire mes souvenirs.
Ainsi donc, si vous le voulez bien, nous tiendrons autant que possible
ma personnalité en dehors du tableau.
Si vous arrivez à me regarder comme un fil mince et incolore, qui
servirait à réunir mes petites perles, vous m'accueillerez dans les
conditions mêmes où je désire être accueilli.
Notre famille, les Stone, était depuis bien des générations vouée à la
marine et il était de tradition, chez nous, que l'aîné portât le nom du
commandant favori de son père.
C'est ainsi que nous pouvions faire remonter notre généalogie jusqu'à
l'antique Vernon Stone, qui commandait un vaisseau à haut gaillard, à
l'avant en éperon, lors de la guerre contre les Hollandais.
Par Hawke Stone et Benbow Stone, nous arrivons à mon père Anson
Stone qui à son tour me baptisa Rodney Stone en l'église paroissiale de
Saint-Thomas, à Portsmouth, en l'an de grâce 1786.
Tout en écrivant, je regarde par la fenêtre de mon jardin, j'aperçois mon
grand garçon de fils, et si je venais à appeler «Nelson!», vous verriez
que je suis resté fidèle aux traditions de famille.
Ma bonne mère, la meilleure qui fut jamais, était la seconde fille du
Révérend John Tregellis, curé de Milton, petite paroisse sur les confins
de la plaine marécageuse de Langstone.

Elle appartenait à une famille pauvre, mais qui jouissait d'une certaine
considération, car elle avait pour frère aîné le fameux Sir Charles
Tregellis, et celui-ci, ayant hérité d'un opulent marchand des Indes
Orientales, finit par devenir le sujet des conversations de la ville et
l'ami tout particulier du Prince de Galles.
J'aurai à parler plus longuement de lui par la suite, mais vous vous
souviendrez dès maintenant qu'il était mon oncle et le frère de ma mère.
Je puis me la représenter pendant tout le cours de sa belle existence, car
elle était toute jeune quand elle se maria.
Elle n'était guère plus âgée quand je la revois dans mon souvenir avec
ses doigts actifs et sa douce voix.
Elle m'apparaît comme une charmante femme aux doux yeux de
tourterelle, de taille assez petite, il est vrai, mais se redressant quand
même bravement.
Dans mes souvenirs de ce temps-là, je la vois constamment vêtue de je
ne sais quelle étoffe de pourpre à reflets changeants, avec un foulard
blanc autour de son long cou blanc, je vois aller et venir ses doigts
agiles pendant qu'elle tricote.
Je la revois encore dans les années du milieu de sa vie, douce, aimante,
calculant des combinaisons, prenant des arrangements, les menant à
bonne fin, avec les quelques shillings par jour de solde d'un lieutenant,
et réussissant à faire marcher le ménage du cottage du Friar's Oak et à
tenir bonne figure dans le monde.
Et maintenant, je n'ai qu'à m'avancer dans le salon, pour la revoir
encore, après quatre-vingts ans d'une existence de sainte, en cheveux
d'un blanc d'argent, avec sa figure placide, son bonnet coquettement
enrubanné, ses lunettes a monture d'or, son épais châle de laine bordé
de bleu.
Je l'aimais en sa jeunesse, je l'aime en sa vieillesse, et quand elle me
quittera, elle emportera quelque chose que le monde entier est
incapable de me faire oublier. Vous qui lisez ceci, vous avez peut-être
de nombreux
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