de bouleau les avait suivis partout, et quand ils eurent compt�� et recompt�� les brillantes pi��ces d'or, fruits l��gitimes de leurs travaux, et achet�� des cadeaux, qui pour le vieux p��re ou la vieille m��re de Lavaltrie, qui pour une charmante soeur ou une fianc��e encore plus ch��re, nos voyageurs reprirent d'une main gaillarde l'aviron du canotier et se dirig��rent en chantant vers le village natal.
Nos lecteurs ont d��j�� reconnu Pierre Mont��pel et ses compagnons, dans les hommes du canot qui arrivaient au pays en r��p��tant le refrain populaire:
Canot d'��corce qui va voler.
Il y avait f��te, ce soir-l�� dans la spacieuse demeure du p��re Mont��pel. Tout le village avait appris le retour des ?jeunes gens? et chacun s'empressait de venir leur serrer la main.
Le p��re Mont��pel lui-m��me ��tait plus heureux qu'il ne voulait l'avouer. Il avait dit �� son fils en lui serrant la main:
--Pierre, je suis heureux, tr��s heureux de te voir de retour sain et sauf. Ta m��re et moi, nous avons souvent pri�� la Vierge de te prendre sous sa sainte protection. Elle a exauc�� nos pri��res. Sois le bienvenu, mon gar?on, sous le toit paternel!
Et le vieillard se d��tourna pour essuyer une larme de joie. La m��re n'��tait peut-��tre pas plus heureuse, mais elle ��tait plus expansive. Elle sauta au cou de son enfant et l'embrassant avec effusion, elle ne put que prononcer ces mots:
--Pierre! mon enfant! mon fils!
Et la brave femme pleurait de joie en serrant son fils unique sur son coeur.
Les voisins accourus entouraient le jeune homme et l'assi��geaient de leurs d��monstrations sympathiques.
Sur la proposition du ma?tre d'��cole qui se trouvait pr��sent, il fut r��solu de rassembler s��ance tenante les six voyageurs dans le grand salon de la maison du p��re Mont��pel, et d'improviser en l'honneur de leur arriv��e un bal et un souper auxquels seraient invit��es toutes les fillettes des alentours.
Un hourra fr��n��tique vint appuyer la proposition du ma?tre d'��cole, et les jeunes fermiers se s��par��rent pour aller porter la bonne nouvelle dans les fermes environnantes, et ramener les jeunes filles pour organiser la danse. Le m��n��trier du village, un brave homme nomm�� Cl��ophas, que les jeunes gens avaient baptis�� du sobriquet expressif de Crin-crin, fut juch�� sur une table, et apr��s avoir accord�� son instrument, attaqua un cotillon qui fit bondir gar?ons et filles dans le tourbillon de la danse nationale.
Les voyageurs ��taient naturellement les lions de la soir��e, et les jeunes filles lorgnaient avec timidit�� la mine hardie, l'oeil vif et le teint bronz�� des b?cherons de l'Outaouais.
On sauta, on dansa, on introduisit les ?jeux de soci��t��?; et il ��tait minuit lorsque madame Mont��pel vint annoncer d'une voix rendue tremblante par l'��motion qu'elle avait ressentie:
--Enfants! le souper est servi. Approchez tous Buvez un verre et mangez bien en l'honneur des voyageurs.
Il ne fut pas n��cessaire de r��p��ter l'invitation, et chacun s'empressa de prendre place autour d'une table immense surcharg��e de grands plats du rago?t national, de beignes et de pat��s traditionnels. Les invit��s sur la demande du p��re Mont��pel remplirent leurs verres et trinqu��rent �� la sant�� des h��ros de la f��te.
Le ma?tre-d'��cole fit m��me un joli discours en r��ponse �� cette sant��, et chacun fit honneur aux mets app��tissants pr��par��s par madame Mont��pel, qui avait la r��putation d'��tre la meilleure ?fricoteuse? des environs.
Apr��s avoir bu et mang�� copieusement, il est de rigueur dans les r��unions sociales, dans les campagnes du Canada fran?ais, que chacun des convives raconte une anecdote, un r��cit, une histoire.
Pierre Mont��pel apr��s avoir remerci�� les convives, prit la parole au nom de ses camarades de voyage, et raconta les d��tails de leur ?hivernement? et de leur descente p��rilleuse dans les rapides de l'Outaouais et du Saint-Laurent. Le jeune homme qui, comme nous l'avons dit d��j��, poss��dait les avantages d'une ��ducation assez soign��e, fit un r��cit vari��, instructif et int��ressant.
Chacun raconta ensuite une anecdote, et ceux qui ne surent pas remplir cette partie du programme, furent forc��s, bon gr��, mal gr��, de chanter un couplet.
Quand arriva le tour du ma?tre-d'��cole, les convives furent unanimes pour lui demander de raconter la l��gende du ?Fant?me de l'avare?. Cette l��gende redite cent fois et que chacun connaissait d��j�� ��tait toujours int��ressante dans la bouche du magister, qui ��tait le conteur le plus populaire du pays.
Le brave instituteur ne se fit pas prier, et apr��s avoir rajust�� ses lunettes et touss�� pendant trois fois, il recommanda un silence absolu et prit la parole en ces termes:
V
Le fant?me de l'avare
Pendant qu'un vent glac�� pleurait dans le grand orme, La porte s'entr'ouvrit, puis une ��trange forme S'avan?a lentement parmi les invit��s: ?Mon fr��re ne sait point que les cieux irrit��s Punissent le chr��tien qui ne fait pas l'aum?ne?, Dit le nouveau venu, relevant son front jaune.
(Les Vengeances, L.P. LeMay)
[L��on-Pamphile LeMay, Les Vengeances, chant septi��me (vers 1-6), Qu��bec, Darveau, 1875.]
Vous connaissez tous, vieillards et jeunes
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