envoie, et que c'est vous qui me les avez donnés.?
[Illustration: ?L'institutrice a vu la louve.?]
Et Jean cherchait sa bourse pour retirer la pièce d'or.
L'éTRANGER.
Attends, mon gar?on; laisse tes vingt francs dans ta bourse, il n'y a pas besoin de te presser. Et d'abord, puisque je suis un voleur, ne crains-tu pas que je te vole ton argent?
JEAN.
Oh non! monsieur! D'abord vous n'êtes pas un voleur, puisque vous donnez au lieu de prendre; et puis, vous seriez un voleur pour tout le monde, que vous ne le seriez jamais pour moi.
L'éTRANGER.
Pourquoi donc?
JEAN.
Parce que vous m'avez fait du bien, monsieur; on s'attache aux gens auxquels on a fait du bien, et il me semble qu'on n'a plus jamais envie de leur faire du mal.
L'éTRANGER.
écoute, mon brave petit Jean; je ferais bien volontiers ta commission, mais je ne sais pas où trouver ta mère.
JEAN.
A Kérantré, monsieur; vous demanderez la veuve Hélène, la mère du petit Jean; tout le monde vous l'indiquera.
[Illustration: ?Daniel, le garde, a rencontré le loup.?]
L'éTRANGER.
Mais, mon ami, je ne sais pas où est Kérantré.
JEAN.
Comment, vous ne connaissez pas Kérantré? Demandez à Kénispère, chacun conna?t ?a.
L'éTRANGER.
Je ne sais pas davantage où est Kénispère.
JEAN.
Vous ne connaissez pas Kénispère, près d'Auray et de Sainte-Anne?
L'éTRANGER.
Je ne connais rien de tout cela.
JEAN.
Ni le sanctuaire de Mme Sainte-Anne?
L'éTRANGER.
Ni le sanctuaire.
JEAN.
Ni la fontaine miraculeuse de Mme Sainte-Anne?
L'éTRANGER.
Ni la fontaine, ni rien de Mme Sainte-Anne.
JEAN.
Mais vous n'êtes donc pas du pays, monsieur?
L'éTRANGER.
Non, je ne suis arrivé qu'hier soir; je suis descendu à Auray, à l'h?tel, et je me promenais pour voir le pays, qui m'a semblé joli, lorsque je t'ai vu entrer à la chapelle; je t'y ai suivi, et je me suis placé dans un coin obscur. Tu priais avec tant de ferveur et tu pleurais si amèrement, que j'ai de suite pris intérêt à toi; tu as parlé haut en priant, et ce que tu disais a augmenté cet intérêt. Ton cousin est venu; j'ai entendu votre conversation. J'ai fait le voleur pour vous donner une le?on de prudence; il ne faut jamais compter son argent sur les grandes routes, ni dans les auberges, ni devant des inconnus. Je viens dans le pays pour voir l'église de Sainte-Anne qui va être reconstruite. Je veux voir le vieux sanctuaire avant qu'on le détruise.
JEAN.
J'avais donc raison! Vous n'êtes pas un voleur! Je l'avais deviné bien vite à votre mine. Mais, monsieur, puisque vous restez dans le pays, voulez-vous tout de même donner à maman les vingt francs que voici.?
Jean lui tendit les vingt francs. L'étranger sembla hésiter; mais il les prit, les remit dans sa poche, et serra la main de Jean en disant:
?Ils seront fidèlement remis; je te le promets.
--Merci, monsieur?, répondit Jean tout joyeux.
Ils continuèrent leur route: Jean gaiement; l'étranger avec une satisfaction visible, et témoignant une grande complaisance pour son petit protégé; Jeannot, triste et ennuyé du guignon qui le poursuivait et le mettait toujours au-dessous de Jean.
?Voyez, pensa-t-il, cet étranger, qui ne le conna?t pas plus qu'il ne me conna?t, se prend de go?t pour lui, et moi il ne m'aime pas; il appelle Jean mon ami, mon brave gar?on, et moi, pleurard, pleurnicheur, jaloux! Il cause avec Jean; il semblerait qu'ils se connaissent depuis des années! Et moi, il ne me parle pas, il ne me regarde seulement pas. C'est tout de même contrariant; cela m'ennuie à la fin. A Paris, je tacherai de me séparer de Jean, et de me placer de mon c?té.?
Ils arrivèrent à la ville; il était dix heures. L'étranger les mena à l'h?tel où il était descendu. Il fit servir un déjeuner bien simple, mais copieux. Ils mangèrent du gigot à l'ail, une omelette au lard, de la salade, et ils burent du cidre. Quand le repas fut terminé, l'étranger se leva.
?Jean, dit-il, quand tu seras à Paris, tu viendras me voir; je te laisserai mon adresse; j'y serai dans huit jours. Où logeras-tu?
JEAN.
Je n'en sais rien, monsieur; c'est comme le bon Dieu voudra.
L'éTRANGER.
Où demeure ton frère Simon?
JEAN.
Rue Saint-Honoré, n° 263.
L'éTRANGER.
C'est bien, je ne l'oublierai pas.... Montre-moi donc ta bourse, que je voie si ton compte y est.?
Jean la lui présenta sans méfiance.
?Jean, dit l'étranger, veux-tu me faire un présent?
JEAN.
Bien volontiers, monsieur, si j'avais seulement quelque chose à vous offrir.
L'éTRANGER.
Eh bien, donne-moi ta bourse, je te donnerai une des miennes.
JEAN.
Très volontiers, monsieur, si cela vous fait plaisir: elle n'est malheureusement pas très neuve; c'est M. le curé qui l'a donnée à maman pour mon voyage.?
L'étranger prit la bourse après l'avoir vidée.
?Attends-moi, dit-il, je vais revenir.?
Il ne tarda pas à rentrer, tenant une bourse solide en peau grise avec un fermoir d'acier; il reprit la monnaie de Jean, la remit dans un des compartiments de la bourse, mit dans un autre compartiment le papier sur lequel il avait écrit son nom et son adresse, et la donna à Jean,
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