Jean Ziska | Page 8

George Sand
de la multiplicit�� des sectes et de l'obscurit�� r��pandue sur leurs doctrines par les arr��ts mensongers de l'inquisition et l'auto-da-f�� des documents, ont craint de se tromper et de s'��garer; les autres ont tout simplement m��pris�� la question, soit qu'ils ne s'int��ressassent point �� celle qui agite notre g��n��ration, soit qu'ils n'aper?ussent point ses rapports avec l'histoire des anciennes sectes. Parmi les anciens historiens, c'est bien autre chose. D'abord il y a plusieurs si��cles (et ce ne sont pas les moins remplis de faits et d'id��es) dont il ne reste rien que des arr��ts de mort, de proscription et de fl��trissure. Durant ces si��cles, l'��glise pronon?a la sentence de l'an��antissement des individus et de leur pens��e: ma?tres et disciples, hommes et ��crits, tout passa par les flammes; et les monuments les plus curieux, les plus importants de ces ages de discussion et d'effervescence sont perdus pour nous sans retour.
[Note 8: Depuis quelques ann��es, de louables et heureuses tentatives ont ��t�� faites �� cet ��gard. M. Michelet, M. Lavall��e, M. Henri Martin surtout, ont commenc�� �� jeter un nouveau jour sur ces questions, et �� les traiter avec l'attention qu'elles m��ritent. Je ne parle pas des beaux travaux fragmentaires de l'_Encyclop��die nouvelle_, et de certains autres dont les id��es que j'��mets ici ne sont qu'un reflet et une vulgarisation.]
Ainsi, le r?le de l'��glise, dans ces temps-l��, ressemble �� l'invasion des barbares. Elle a r��ussi �� plonger dans la nuit du n��ant les monuments de la pens��e humaine; mais le sentiment qui enfanta ces id��es condamn��es et violent��es ne pouvait p��rir dans le coeur des hommes. L'id��e de l'��galit�� ��tait indestructible; les bourreaux ne pouvaient l'atteindre: elle resta profond��ment enracin��e, et ce que vous voyez aujourd'hui en est la suite ininterrompue et la cons��quence directe.
Les si��cles pers��cut��s, et pour ainsi dire ��touff��s, dont je vous parle, embrassent toute l'existence du christianisme jusqu'�� la guerre des hussites. L�� l'histoire devient plus claire, parce que les insurrections religieuses aboutissent enfin �� des guerres sociales. Les questions se posent plus nettement, non plus tant sous la forme de propositions mystiques que sous celle d'articles politiques. Bient?t apr��s arrive la r��forme de Luther, les grandes guerres de religion, la cr��ation d'une nouvelle ��glise, qui ��chappe aux arr��ts de l'ancienne et qui conserve les monuments de son action historique, grace �� l'invention de l'imprimerie, qui neutralise celle des b?chers.
Il semblerait que cette nouvelle ��glise de Luther, p��n��tr��e d'amour et de respect pour les longues et courageuses h��r��sies qui l'avaient pr��c��d��e, pr��par��e et mise au monde, e?t d? consacrer d'abord sa ferveur et sa science �� reconstruire l'histoire de son pass��, �� refaire sa g��n��alogie, �� retrouver ses titres de noblesse. Elle ��tait encore assez pr��s des ��v��nements pour chercher dans ses traditions le fil de son existence, dont l'��glise romaine avait d��truit l'��criture. Elle ne le fit pourtant pas, occup��e qu'elle ��tait �� se constituer dans le pr��sent et �� poursuivre une lutte active. Mais il faut bien avouer aussi que ses docteurs et ses historiens manqu��rent souvent de courage et recul��rent avec effroi devant l'acceptation du pass��. Ce pass�� ��tait rempli d'exc��s et de d��lires. Nous l'avons dit plus haut, c'��tait le temps de la violence; et les hussites le disaient dans leur style ��nergique: _C'est maintenant le temps du z��le et de la fureur_. Nous dirons, plus tard, comment ils se croyaient les ministres de la col��re divine. Mais ces d��lires, ces exc��s, ce z��le et cette fureur ne d��voraient-ils pas aussi le sein de l'Eglise romaine? Rome avait-elle le droit de leur reprocher quelque chose en fait de vengeance et de cruaut��, de meurtre et de sacril��ge? Les docteurs protestants recul��rent pourtant devant les accusations dont on chargeait la t��te de leurs p��res. Luther lui-m��me, vous le savez, fut le premier �� s'��pouvanter du torrent dont il avait rompu la derni��re digue. Comment e?t-il pu accepter la tache glorieuse de son origine, lui qui d��savouait d��j�� l'oeuvre terrible de ses contemporains et l'audace qu'il supposait �� sa post��rit��?
Il l��gua son ��pouvante �� ses pales continuateurs. Les uns, reniant leur illustre et sombre origine, s'efforc��rent de prouver qu'il n'avaient rien de commun avec ceux-ci ou ceux-l��; les autres, plus religieux, mais non moins timides, s'attach��rent �� blanchir la m��moire de leurs a?eux dans l'h��r��sie de tous les exc��s qui leur ��taient imput��s. De l�� r��sulta une foule d'��crits, qu'il peut ��tre bon de consulter, parce qu'il s'y trouve, comme dans tout, des lambeaux de v��rit��, mais auxquels il est impossible de se rapporter enti��rement, pour conna?tre la v��rit�� des sentiments historiques, �� la recherche desquels nous voici lanc��s[9].
[Note 9: M. Lenfant, dans une longue et curieuse histoire du concile de Bale dont nous avons extrait ces notes sur la guerre hussitique, abandonne la cause, sans fa?on, �� la s��v��rit�� de son si��cle. Il raille et
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