Jean Ziska | Page 3

George Sand
ou ��gorg��s par centaines au Chatelet; la Seine encombr��e de sacs de cuir remplis de cadavres; une reine ob��se plong��e dans la d��bauche, chaque membre de la famille royale volant les tr��sors de la couronne, d��vastant les ��glises, ��crasant le peuple d'imp?ts; celui-ci faisant fondre la chasse ?le Saint-Louis pour payer une orgie, celui-l�� arrachant aux mis��rables leur derni��re obole pour une campagne contre l'ennemi qu'il n'ose pas seulement songer �� entreprendre; les bandes de soldats mercenaires r��clamant en vain leur paye, et recevant pour d��dommagement la permission de mettre le pays �� feu et �� sang; et le jour des fun��railles de Charles VI, o�� il ne restait pas un seul de ces princes pour accompagner son cercueil, le duc de Bedfort criant sur cette tombe maudite: ?Vive le roi de France et d'Angleterre, Henri VI!?
[Note 2: Voy. Henri Martin.]
Eh bien, pendant cette agonie de la France, la Boh��me pr��sentait un spectacle non moins terrible, mais h��ro?que et grandiose. Une poign��e de fanatiques invincibles repoussait les immenses arm��es de la Germanie; les massacres et les incendies servaient du moins �� tenter un grand coup, une oeuvre patriotique; et si la Boh��me finit par succomber, ce fut avec autant de gloire que ces vaillantes gens de Gand, dont l'histoire est quasi contemporaine.

I.
Wenceslas de Luxembourg r��gnait en Boh��me. La France avait vu ce monarque grossier lorsqu'il ��tait venu conf��rer �� Reims avec les princes du saint-empire et les princes fran?ais pour l'exclusion de l'antipape Boniface. ?Les moeurs bassement crapuleuses de Wenceslas choqu��rent fort la cour de France, qui mettait au moins de l'��l��gance dans le libertinage: l'empereur ��tait ivre d��s le matin quand on allait le chercher pour les conf��rences[3].? A l'��poque du concile de Constance et du supplice de Jean Huss, il y avait quinze ans que Wenceslas n'��tait plus empereur. Son fr��re Sigismond avait r��ussi �� le faire d��poser par les ��lecteurs du saint-empire, dans l'esp��rance de lui succ��der; mais il fut d��?u dans son ambition, et la di��te choisit Rupert, ��lecteur palatin, entre plusieurs concurrents, dont l'un fut assassin�� par les autres. Cette ��lection ne fut pas g��n��ralement approuv��e. Aix-la-Chapelle refusa de conf��rer �� Rupert le titre de _roi des Romains;_ plusieurs autres villes du saint-empire recul��rent devant la violation du serment qu'elles avaient pr��t�� au successeur l��gitime de Charles IV[4]. Une partie des domaines imp��riaux paya les subsides �� Wenceslas, l'autre �� Rupert. Sigismond brocha sur le tout, inonda la Boh��me de ses garnisons et la d��sola de ses brigandages, s'arrogeant la souverainet�� effective en attendant mieux, pers��cutant son fr��re dans l'int��rieur de son royaume, soulevant la nation contre lui, et s'effor?ant d'user les derniers ressorts de cette volont�� d��j�� morte. Ainsi rien ne ressemblait plus �� la papaut�� que l'Empire, puisqu'on vit vers le m��me temps trois papes se disputer la tiare, et trois empereurs s'arracher le sceptre des mains. Et l'on peut dire aussi que rien ne ressemblait plus �� la France que la Boh��me. A l'une un roi fain��ant, poltron, ivrogne, abruti; �� l'autre un pauvre ali��n��, moins odieux et aussi impuissant. A la France, les dissensions des Armagnacs et des Bourgognes, et la fureur du peuple entre deux. A la Boh��me, les ravages de Sigismond, la r��sistance �� la fois molle et cruelle de la cour, et la voix du peuple, au nom de Jean Huss, pr��cipitant l'orage. Mais l�� fut grande cette voix du peuple, que trop de malheurs et de divisions ��touffaient chez nous sous le baillon de L'��tranger.
[Note 3: Henri Martin.]
[Note 4: Mort en 1378.]
Wenceslas s'��tait rendu odieux d��s le principe par ses moeurs brutales et son inaction. En 1384, quelques seigneurs s'��tant d��clar��s ouvertement contre lui, il appela des consuls allemands, �� l'exclusion de ceux du pays, pour maintenir ses sujets dans l'ob��issance, et fit p��rir les m��contents sur la place publique. La fi��re nation boh��me ne put souffrir cet outrage, et ne lui pardonna jamais d'avoir appel�� des ��trangers �� son aide pour d��cimer sa noblesse. Ce fut le principal pr��texte all��gu�� dans le soul��vement qui ��clata par la suite, et o�� Jean Huss, au nom de l'Universit�� de Prague, eut beaucoup de part. On lui reprocha encore am��rement le meurtre de Jean de N��pomuck, ce v��n��rable docteur, qu'il avait fait jeter dans la Moldaw pour n'avoir pas voulu lui r��v��ler la confession de sa femme. Enfin la mort de cette pieuse et douce Jeanne fut imput��e �� ses mauvais traitements. Tour �� tour spoliateur des biens de son clerg�� et pers��cuteur des h��r��tiques, accus�� par les orthodoxes d'avoir laiss�� couver et ��clore l'h��r��sie hussite, par les r��formateurs d'avoir abandonn�� Jean Huss aux fureurs du concile et maltrait�� ses disciples, il ne trouva de sympathie nulle part, parce qu'il n'avait jamais ��prouv�� de sympathie pour personne. Sigismond aida les m��contents �� lui faire un mauvais parti, et un
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 59
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.