y avait une fille religieuse également. Vitart, l'oncle de Jean Racine, rejoignit aussi ces messieurs, dès 1639, et prit soin de la ferme du monastère des Champs jusqu'à sa mort (en 1641 ou 1642). Sa veuve vient demeurer à Paris, dans le quartier de Port-Royal. C'est elle qui cache, durant les persécutions, M. Singlin, M. de Sacy et d'autres messieurs dans une petite maison du faubourg Saint-Marceau. Et c?tera... De tous c?tés, Port-Royal enveloppe Jean Racine.
Port-Royal l'enserre d'autant plus étroitement que l'enfant perd sa mère en janvier 1641, son père (remarié) en février 1643, et se trouve donc orphelin à trois ans.
Il est élevé chez sa grand'mère (qu'il a toujours appelée ?ma mère?) jusqu'à l'age de dix ans. Puis il est mis au collège de la ville de Beauvais, maison amie de Port-Royal. Enfin, à quinze ans, après sa rhétorique, on le prend à Port-Royal à la maison des Granges. Notez qu'on l'y prend par une exception unique, car la règle était de ne recevoir à Port-Royal les élèves que tout jeunes (de neuf à dix ans au plus). Notez encore qu'à ce moment, l'école des Granges va être dispersée (1656). Le petit Racine est donc, pendant trois ans (d'après Sainte-Beuve) le seul élève de ces messieurs, tout seul avec ces saints, plus libre, par conséquent, en même temps que suivi de plus près, et vivant sans doute plus familièrement avec eux. Il a pour lui tout seul des ma?tres tels que Lancelot, Nicole, Antoine Lema?tre, Hamon. Jamais, je crois, enfant n'a re?u une éducation pareille. Comme instruction, c'est unique, c'est magnifique et plus que princier. Comme enseignement religieux, c'est intense.
Port-Royal est, littéralement, la famille du petit Racine.
Or, qu'est-ce que Port-Royal? qu'est-ce que le jansénisme?
Je n'ai pas à vous faire son histoire: je ne puis que vous renvoyer au _Port-Royal_ de Sainte-Beuve, qui est un des plus beaux livres d'histoire et de psychologie de toute notre littérature. Je voudrais seulement, en vous rappelant ce que c'est qu'un janséniste, vous faire pressentir quelle put être l'influence de Port-Royal sur l'ame et sur l'art de Jean Racine.
Le jansénisme, c'est la restauration, par deux théologiens passionnés, Jansénius et Saint-Cyran, de la doctrine de saint Augustin, le plus subtil des dialecticiens et le plus tourmenté des hommes.
C'est, je ne dirai pas un christianisme outré, mais le christianisme comme ramassé autour de ce qu'il a de plus surnaturel. Il se résume en ceci, que la nature de l'homme après la chute est foncièrement mauvaise; que l'homme ne peut donc rien faire de bon sans la grace, et que la grace, et même le désir de la grace, est un présent gratuit.
D'où cette conception est-elle venue à des hommes? De la préoccupation de ne pas amoindrir Dieu; du besoin de sentir son action partout; de la pensée toujours présente du mystère de la Rédemption.
Si l'on accorde, en effet, que la nature humaine corrompue peut, par elle-même, quelque bien, la Rédemption devient inutile.--Oui, mais si l'on dit que la nature humaine ne peut rien de bon par elle-même, plus de libre arbitre et, par conséquent, plus de mérite.--Oui, mais si l'homme, abandonné à ses seules forces, pouvait mériter, c'est donc qu'il pourrait se passer de la grace... Et le raisonnement peut tourner ainsi indéfiniment.
Cercle vertigineux! à peine, dans cette conception qui donne tout à Dieu, le jansénisme peut-il sauver verbalement une ombre de liberté humaine. Car toujours, au moment où il va accorder quelque chose à l'homme, il craint d'en faire tort à Dieu.
Et de là tant de formules singulières et contradictoires, et belles pourtant, comme celle-ci, de M. Hamon, qui ?n'explique pas, mais qui exprime la doctrine de la grace et la rend dans tout son complexe, d'autres diraient dans toute son inintelligibilité? (Sainte-Beuve):
C'est la volonté de Dieu qui nous fait vivre... Notre vie ne consiste point dans toutes les choses qui peuvent dépendre de la puissance des hommes et qu'ils peuvent nous ?ter, mais seulement dans la volonté de Dieu, et _dans la n?tre, dont nous sommes toujours les ma?tres, lorsque, par un effet de sa miséricorde, nous l'avons soumise à celle de Dieu_.
Ainsi, si nous soumettons notre volonté à celle de Dieu, c'est par un effet de la miséricorde de Dieu, c'est-à-dire encore par la volonté de Dieu. Et cependant, nous restons, para?t-il, ma?tres de notre volonté. On ne voit pas bien comment: mais cette énigme, c'est le jansénisme même. Accorder tant à la volonté et à l'action de Dieu que l'homme para?t irresponsable, étant, par nature, incapable de mériter; et toutefois trembler devant Dieu comme si l'on était responsable devant lui, voilà, je crois bien, en quoi consiste, au fond, l'état d'esprit janséniste.
à le considérer, non point théologiquement, mais psychologiquement, le janséniste est l'homme qui entretient avec Dieu les relations les plus dramatiques. Le janséniste est l'homme qui pense le plus de mal
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