doit encore �� ses ann��es de boh��me, c'est d'avoir vu de tout pr��s les vies humbles ou modestes,--et aussi (car il a ��t�� deux fois laquais dans de grandes maisons) d'avoir connu et observ�� les vies brillantes dans des conditions qui ont d��pos�� en lui une amertume dont il fera plus tard de l'��loquence. Sur cette souffrance intime, il s'arr��te peu, sans doute parce que ces souvenirs lui sont particuli��rement p��nibles, plus p��nibles encore, sans doute, que le souvenir de ses actions honteuses: mais on devine ce que ce gar?on orgueilleux et d'un si beau g��nie, d'ailleurs de naissance libre, petit-fils de libraires et de pasteurs, a d? ressentir sous la livr��e, m��me quand ?on le dispensait d'y porter l'aiguillette? et que cette livr��e ?faisait �� peu pr��s un habit bourgeois?. Mais il a beau vouloir se taire l��-dessus, certains traits qui lui ��chappent r��v��lent sa rancoeur:
...Sur la fin, dit-il, madame de Vercellis ne me parlait plus que pour son service. Elle me jugea moins sur ce que j'��tais que sur ce qu'elle m'avait fait, et �� force de ne voir en moi qu'un laquais, elle m'emp��cha de lui para?tre autre chose... Je crois que j'��prouvai d��s lors ce jeu malin des int��r��ts cach��s qui m'a travers�� toute ma vie et qui m'a donn�� une aversion naturelle pour l'ordre apparent qui le produit.
(Cela, parce que, comme il le dit plus loin, ?il y avait tant d'empress��s autour de madame de Vercellis proche de sa fin, qu'il ��tait difficile qu'elle e?t du temps pour penser �� lui Jean-Jacques?.) Ainsi il en veut �� toute la soci��t�� que madame de Vercellis ne l'ait pas distingu�� davantage.--Ainsi encore, chez les Gouvon-Solar, lorsque, servant �� table et interrog�� par le vieux comte, il explique la devise des Solar (?Tel fiert qui ne tue pas?), et recueille l'admiration de la compagnie: ?Ce moment fut court, mais d��licieux �� tous ��gards. Ce fut un de ces moments trop rares qui replacent les choses dans leur ordre naturel et vengent le m��rite avili des outrages de la fortune?. Et je rappelle aussi son cri, lorsqu'il entre chez le comte de Gouvon: ?Encore laquais!? Et il appara?t que, si c'est le vagabond qui ��crira l'admirable Cinqui��me R��verie, c'est beaucoup l'ancien laquais qui ��crira le Discours sur l'in��galit�� et qui fondera sur l'��galit�� la th��orie du Contrat social.
Par l��-dessus, ou, pour mieux dire, sous tout cela, il y a un malade.
Il faut, ici, que j'insiste et que je pr��cise. La pathologie d'un Bossuet ou d'un Racine a peu �� voir avec leurs sermons ou leurs trag��dies: mais la pathologie de Jean-Jacques, c'est presque tout Jean-Jacques. (Son oeuvre elle-m��me appara?t dans la litt��rature comme une ��ruption morbide.)
Je naquis, dit Jean-Jacques, infirme et malade... Je suis n�� presque mourant... J'apportais le germe d'une incommodit�� que les ans ont renforc��e.
Cette maladie cong��nitale ��tait une r��tention d'urine, dont il souffrit toute sa vie et qui s'aggrava apr��s trente ans.
Ajoutez une autre infirmit��, que je ne sais comment d��finir, et que vous devinerez par cet aveu qui se rapporte au temps o�� Jean-Jacques allait de l'Ermitage �� Eaubonne voir madame d'Houdetot:
Je r��vais en marchant �� celle que j'allais voir, �� l'accueil caressant qu'elle me ferait, au baiser qui m'attendait �� mon arriv��e... Ce seul baiser... avant m��me de le recevoir, m'embrasait le sang... J'��tais oblig�� de m'arr��ter, de m'asseoir... De quelque fa?on que je m'y sois pu prendre, je ne crois pas qu'il me soit jamais arriv�� de faire seul ce trajet impun��ment.
Ajoutez encore un mal bizarre qui le prit un jour aux Charmettes, et qu'il d��crit ainsi:
Un matin que je n'��tais pas plus mal qu'�� l'ordinaire, en dressant une petite table sur son pied, je sentis dans tout mon corps une r��volution subite... Mes art��res se mirent �� battre d'une si grande force, que non seulement je sentais leur battement, mais que je l'entendais m��me, et surtout celui des carotides. Un grand bruit d'oreilles se joignit �� cela; et ce bruit ��tait triple ou plut?t quadruple, savoir: un bourdonnement grave et sourd, un murmure plus clair comme d'une eau courante, un sifflement tr��s aigu, et le battement que je viens de dire... Ce bruit ��tait si grand, qu'il m'?ta la finesse d'ou?e que j'avais auparavant, et me rendit, non tout �� fait sourd, mais dur d'oreille, comme je le suis depuis ce temps-l��. (Livre V des Confessions)
Il dit que, depuis trente ans jusqu'au moment o�� il ��crit, ses battements d'art��res et ses bourdonnements ne l'ont pas quitt�� une minute. Il y revient au livre VI, o�� il parle aussi de ?vapeurs?, des ?pleurs qu'il versait souvent sans raison de pleurer?, de ses ?frayeurs vives au bruit d'une feuille ou d'un oiseau?.
Je passe ses autres maux: coliques n��phr��tiques (croit-il) �� partir de 1750, esquinancies fr��quentes, hernie �� quarante-cinq ans, etc. (sans compter un accident

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