toi-m��me et sur lesquelles il faut que tu t'interroges s��v��rement; il est tr��s-possible que tu n'aies rien de commun avec elles. Alors ce sera quelques feuilles de papier que j'aurai barbouill��es d'encre pour te rendre service, et qui ne seront bonnes �� rien. Je veux te dire une autre chose qui, chez moi, n'est pas le r��sultat d'un raisonnement, mais d'une r��pugnance instinctive; je t'engage donc �� t'en pr��occuper assez l��g��rement. Je n'aime pas que le visage montre un age diff��rent de celui qu'on a. Cela me fait venir toutes sortes d'id��es superstitieuses, et, quelque folles et injustes qu'elles pussent ��tre, il me serait impossible d'accorder ma confiance �� une personne sur l'age de laquelle je me serais tromp��e de dix ans au premier coup d'oeil. Dans le cas o�� elle m'aurait sembl�� plus jeune qu'elle ne l'est en effet, je penserais que l'��go?sme, la s��cheresse du coeur, ou une froide nonchalance, l'ont emp��ch��e de sentir l'atteinte des douleurs humaines, ou l'ont rendue habile �� ��viter les fatigues morales qui vieillissent tous les hommes. Dans le cas contraire, je penserais que les vices, la d��bauche, ou au moins une certaine sorte de fausse exaltation, l'ont pr��cipit��e dans des d��sordres et dans des fatigues qui l'ont vieillie plus que de raison; en un mot, je ne verrais pas sans stupeur et sans effroi une infraction ��vidente aux lois de la nature: il y a toujours l�� quelque chose de myst��rieux qu'il faudrait examiner. Mais que peu ton examinera ton age, et quand l'empressement de changer d'��tat et de position avant un mois nous ferme les yeux sur tous les dangers?
Tu dis que M. Jacques est aim�� et estime de tous ceux qui le connaissent; il me semble que ceux qui le connaissent et qui ont pu t'en parler sont en petit nombre. Si je repasse les chapitres de tes lettres pr��c��dentes o�� il en est question, je trouve que ce nombre se r��duit �� deux amis, M. Borel et sa femme. Ta m��re l'a connu lorsqu'il ��tait ag�� de dix ans, et comme elle ��tait li��e avec son p��re, elle peut avoir eu des renseignements tr��s pr��cis sur son h��ritage. Je crois qu'elle ne s'est pas souci��e d'autre chose, pas m��me de te signaler le notable inconv��nient d'avoir dix-huit ans de moins que ton mari. Elle savait tr��s-bien l'age de M. Jacques; mais je comprends qu'elle ait ��vit�� d'en parler �� qui que ce soit. Les femmes qui ne sont plus jeunes parlent rarement du pass�� sans en effacer toutes les dates.
Tu me reproches de ne pas aimer ta m��re: je n'y saurais que faire, ma ch��re Fernande; mais je suis charm��e que tu ne lui ressembles en rien; et si quelque chose peut me consoler de la pr��cipitation avec laquelle se conclut ton mariage, c'est qu'il te s��parera bient?t d'elle: tu ne peut pas tomber en de plus mauvaises mains que celles dont tu vas sortir; sois s?re de ce que je te dis. Il m'importe peu que cela soit conforme aux saintes lois du pr��jug��; il me para?t conforme �� celles de la raison de t'��clairer sur le caract��re d'une personne qui a tant de part dans ta vie; et la raison est le seul guide que je consulte, le seul dieu que je serve.
Je croirais volontiers que la p��n��tration de M. Jacques n'est pas une chim��re. Je suis persuad��e de la rectitude des premiers jugements, quand la personne qui les porte s'est habitu��e �� rassembler toutes les facult��s de l'observation pour les exercer �� la fois sur la premi��re impression re?ue. Il a bien jug�� de toi et de ta m��re; cependant, �� l'��gard de celle-ci, il peut se faire que quelque souvenir d'enfance aide beaucoup �� l'aversion qu'il a sentie en la retrouvant.
L'histoire de la vieille Marguerite ne me semble pas, comme �� toi, un grand sujet de trouble et de consternation. M. Jacques s'est comport�� en homme d'esprit en t'aidant dans tes petites charit��s; mais je comprends fort bien qu'il y ait ��t�� ennuy�� des litanies de la mendiante, En ceci je trouve l'occasion de te faire observer que vous ��tes destin��s, M. Jacques et toi, �� diff��rer toujours de sentiments et de conduite, quand m��me vous aurez tous deux raison. Je souhaite qu'il sache toujours tol��rer cette diff��rence, et qu'il te permette d'��prouver les ��motions auxquelles son coeur sera ferm��.
Adieu, ma bonne Fernande; tu vois que je n'ai aucune pr��vention contre la personne de ton fianc��. D'ailleurs le jour o�� tu ne voudras plus entendre la v��rit��, il faudra cesser de me la demander.
Je vis toujours tranquille et heureuse au fond de mon abbaye. Les religieuses ont renonc�� envers moi �� toute esp��ce de tracasserie. Je re?ois les visites que je veux, et je vais quelquefois dans le monde depuis que j'ai quitt�� le grand
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