Jacques Cartier | Page 2

Émile Chevalier
relief la belle et noble figure de Jacques Cartier; il a tent�� aussi de tracer une esquisse des moeurs bretonnes et de Saint-Malo au seizi��me si��cle. N��anmoins, autant qu'il a ��t�� en son pouvoir, il s'est, avec grand scrupule, conform�� �� la v��rit�� historique. Facilement, il l'esp��re, le lecteur discernera la r��alit�� de la fiction �� travers la gaze l��g��re r��pandue sur l'ensemble de l'oeuvre, pour en marier toutes les parties. En cela, l'auteur s'est propos�� de faire lire le r��cit de nos grandes d��couvertes maritimes aux personnes qui se sentent peu d��go?t pour les anciennes chroniques. Puisse la r��ussite ��galer son intention!
19 f��vrier 1868.

JACQUES CARTIER

PROLOGUE.
LA MORT D'UN AVENTURIER.
Le soleil brille dans toute sa glorieuse splendeur; le ciel est pur, d'une s��r��nit�� parfaite; pas un nuage l��ger, cotonneux, pas une tache ne trouble son ��blouissant azur; la transparence de l'atmosph��re ne saurait ��tre surpass��e que par son incroyable sonorit��; calme, immobile, l'air semble comme arr��t�� dans l'espace; jamais les heureuses contr��es napolitaines n'offrirent au regard enchant�� des r��gions ��th��r��es plus brillantes; jamais Olympe plus souriant n'inspira la Muse antique; jamais d'une main plus d��licate, plus caressante, l'Aurore aux doigts de rose n'ouvrit les portes de l'Orient.
Saisissant, effroyable contraste, toutefois!
Ce ciel, il a l'��clat, l'inflexibilit��, je pourrais dire le tranchant du m��tal. Que de sa vo?te immense, incommensurable, votre oeil s'abaisse sur la terre, et, partout autour de lui, �� la place d'opulentes frondaisons, aux nuances diverses, harmonieusement fondues, �� la place de fleurs chatoyantes et vari��es, de fruits savoureux, de pourpre et d'or, il ne rencontrera, que d��solante uniformit��; il s'aveuglera aux br?lantes r��verb��rations d'une nappe d'argent mat, qui s'allonge, s'allonge monotone et s'allonge encore, jusqu'aux bornes de l'horizon.
Alors, vous maudirez les magnifiques rayons de l'astre diurne; alors, vous alliez horreur de ce bleu intact qui lui sert de cadre, de la solennelle qui��tude dont vous ��tes environn��; alors, peut-��tre, vous surprendrez-vous �� faire des voeux pour que les nu��es, les brouillards, la bruine, voire les ouragans, les temp��tes de neige succ��dent brusquement �� ces d��cevantes promesses d'une belle journ��e de juillet.
C'est que, h��las! nous ne sommes ni en ��t��, ni sous le fortun�� climat de l'Ausonie, mais, en plein hiver, dans le vestibule m��me du sauvage empire hyperbor��en.
Cette plaine d'albatre, qui sans fin se d��ploie devant nous, c'est l'oc��an Atlantique, au 50�� parall��le de latitude nord environ; c'est la mer fig��e, solidifi��e par le froid, sur une ��tendue de plusieurs lieues, dans une des vastes baies septentrionales de l'Ile de Baccal��os ou Terre-neuve[4].
[Note 4: Voir la Fille des Indiens rouges par H. E. Chevalier.]
Et quel froid!
Malgr�� ce soleil si insolemment provocateur; ce ciel si railleusement en tenue de f��te; malgr�� cette atmosph��re si tra?treusement s��duisante, il g��le �� pierre fendre, sans m��taphore aucune:--le thermom��tre est descendu �� 33�� au-dessous de z��ro.
Aussi, quoique la vue porte loin et tr��s-loin, n'aper?oit-on d'abord signe de vie humaine ou animale dans cette vaste solitude, dont la blancheur marmor��enne, la rigidit�� s��pulcrale apparaissent comme un suaire jet�� sur la cr��ation terrestre, immol��e aux rigueurs de quelque farouche divinit�� polaire.
Mais regardons encore, regardons mieux. Ne semble-t-il pas que, l��-bas, tout l��-bas, du sein d'un monticule de gla?ons, jaillit un mince filet de vapeur? Avan?ons. Cette vapeur prend des formes, dessine ses contours; elle monte en spirale; de grise elle devient bleuatre. Ce n'est donc pas une de ces brumes follettes que l'on voit souvent, dans le royaume bor��al, surgir des crevasses ouvertes par le froid �� travers les cong��lation?. Mais c'est de la fum��e, la fum��e d'un feu de branchages. Le d��sert est habit��. Poursuivons notre route dans cette direction et, bient?t, nous nous heurtons au pied d'une v��ritable bastille de glace. Une rayure brunatre, serpentant jusqu'au sommet, indique un sentier. En deux minutes, ce sentier est parcouru et voici se pr��senter un bien curieux spectacle.
Dans l'enceinte des banquises, entass��es les unes sur les autres, �� plus de cinquante pieds de profondeur, se trouve pris, scell�� comme dans une in��branlable muraille de granit, un navire jaugeant soixante dix �� quatre-vingts tonneaux, sur le pont duquel est construite une cabane provisoire, qui occupe tout l'espace compris entre les deux gaillards. Du milieu de cette cabane s'��lance une haute chemin��e, et aux deux extr��mit��s se dressent les deux mats du vaisseau, dont on a abattu les huniers jusqu'aux chouquets.
Inutile d'ajouter que les parties visibles du batiment, la cabane, les mats, la chemin��e m��me, sont rev��tues d'une ��paisse couche de cristaux superpos��s, qui scintillent comme des milliers de pierreries aux rayons du soleil.
Si la pauvre embarcation court grand risque d'��tre, lors de la d��bacle, ��cras��e, r��duite en pi��ces, par les effrayantes masses qui la surplombent, elle a au moins en ce moment, l'avantage de se trouver quelque peu abrit��e contre les mortelles intemp��ries de la saison.
Aussi les garnissaires du navire, qui poss��dent abondance de provisions de bouche et
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 88
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.