c'est toi que je charge d'aller aux informations. Si l'histoire est vraie, c'est toi qui porteras ma réponse et qui expliqueras mes intentions; et puis, attends, qu'elle m'a dit encore: Tu diras à ce M. Jacques Laurent que je le remercie de sa lettre, mais qu'il aurait bien pu l'envoyer plus raisonnablement que par sa fenêtre.
Là-dessus, j'ai expliqué au jockey l'inutilité de ma démarche d'hier et l'urgence de la position. Il m'a promis d'en rendre compte.
J'ai bien vite porté un raisonnable secours au vieillard. En apprenant la générosité de sa bienfaitrice, il a été touché jusqu'aux larmes.
--Est-ce possible, s'est-il écrié, qu'une ame si tendre et si délicate soit calomniée par de vils serviteurs!
--Comment cela?
--Il n'y a pas d'infamies que cette ignoble portière n'ait voulu me débiter sur son compte; mais je ne veux pas même les répéter. Je ne pourrais d'ailleurs plus m'en souvenir.
CAHIER N° 1,--TRAVAIL.
La bonté des femmes est immense. D'où vient donc que la bonté n'a pas de droits à l'action sociale en législation et en politique?
CAHIER N° 2.--JOURNAL.
1er janvier.
--Il est étrange que je ne puisse plus travailler. Je suis tout ému depuis quelques jours, et je rêve au lieu de méditer. Je croyais qu'un temps plus doux, un ciel plus clair me rendraient plus laborieux et plus lucide. Je ne suis plus abattu comme je l'étais: au contraire, je me sens un peu agité; mais la plume me tombe des mains quand je veux généraliser les émotions de mon coeur. 0 puissance de la douceur et de la bonté, que tu et pénétrante! Oui, c'est toi, et non l'intelligence, qui devrais gouverner le monde!
Je ne m'étais jamais aper?u combien ce jardin, qui est sous ma fenêtre, est joli. Un jardin clos de grands murs et flétri par l'hiver ne me paraissait susceptible d'aucun charme, lorsqu'au milieu de l'automne j'ai quitté les vastes horizons bleus de la végétation empourprée de ma vallée. Cependant il y a de la poésie dans ces retraites bocagères que le riche sait créer au sein du tumulte des villes, je le reconnais aujourd'hui. Les plantes ici ont un aspect et des caractères propres au terrain chaud et à l'air rare où elles végètent, comme les enfants des riches élevés dans cette atmosphère lourde avec une nourriture substantielle, ont aussi une physionomie qui leur est particulière. J'ai été déjà frappé de ce rapport. Les arbres des jardins de Paris acquièrent vite un développement extrême. Ils poussent en hauteur, ils ont beaucoup de feuillage, mais la tige est parfois d'une ténuité effrayante. Leur santé est plus apparente que réelle. Un coup de vent d'est les dessèche au milieu de leur splendeur, et, en tous cas, ils arrivent vite à la décrépitude. Il en est de même des hommes nourris et enfermés dans cette vaste cité. Je ne parle pas de ceux dont la misère étouffe le développement. Hélas! c'est le grand nombre; mais ceux-là n'ont de commun avec les plantes que la souffrance de la captivité. Les soins leur manquent, et ils arrivent rarement à cette trompeuse beauté qui est chez l'enfant du riche, comme dans la plante de son jardin, le résultat d'une culture exagérée et d'une éclosion forcée. Ces enfants-là sont généralement beaux, leur paleur est intelligente, leur langueur gracieuse. Ils sont, à dix ans, plus grands et plus hardis que nos paysans ne le sont à quinze; mais ils sont plus grêles, plus sujets aux maladies inflammatoires, et la vieillesse se fait vite pour eux comme la nuit sur les d?mes élevés et sur les cimes altières des beaux arbres de cette Babylone.
Il y a donc ici partout, et dans les jardins particulièrement, une apparence de vie qui étonne et dont l'excès effraie l'imagination. Nulle part au monda il n'y a, je crois, de plus belles fleurs. Les terrains sont si bien engraissés et abrités par tant de murailles, l'air est chargé de tant de vapeurs, que la gelée les atteint peu. Les jardiniers excellent dans l'art de disposer les massifs. Ce n'est plus la symétrie de nos pères, ce n'est pas le désordre et le hasard des accidents naturels: c'est quelque chose entre les deux, une propreté extrême jointe à un laisser-aller charmant. On sait tirer parti du moindre coin, et ménager une promenade facile dans les allées sinueuses sur un espace de cinquante pieds carrés.
Celui de la maison que j'habite est fort négligé et comme abandonné depuis l'été. On fait de grandes réparations au rez-de-chaussée; on change, je crois, la disposition de l'appartement qui commande à ce jardin. Les travaux sont interrompus en ce moment-ci, j'ignore pourquoi. Mais je n'entends plus le bruit des ouvriers, et le jardin est continuellement désert. Je le regarde souvent, et j'y découvre mille secrètes beautés que je ne soup?onnais pas, quelque chose de mystérieux, une solennité vraiment triste et douce, quand la vapeur blanche
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