Influence morale des sports athlétiques | Page 6

Henri Didon
dans les établissements d'instruction
s'entasser élèves sur élèves. Vous voyez des centaines d'enfants dans
des dortoirs, dans des cours, où ils ne respirent pas, où ils peuvent à
peine courir, à peine marcher. Et c'est cela qu'ils appellent, les passifs,
conserver les belles et bonnes traditions. Non, non et non! Pour gagner
des victoires dans la vie, il faut des forces vraies, des forces pratiques,
et on ne les acquiert que par les exercices de plein air, les sports
athlétiques qui trempent le corps, qui trempent l'âme. Nous voulons des
hommes d'action; les associations sportives nous aideront à les créer
parce qu'elles développent les qualités pratiques sans lesquelles on ne
peut rien faire d'utile en ce monde.
Mais, mon fils ira au concours général, dit une mère. Il sera officier, il
aura un plumet.--Est-ce le plumet qui fait gagner les batailles? Il est
souvent gênant. Les hommes qui veulent remporter des victoires ont
besoin de forces pratiques.
Ce que je préfère, c'est le jeune homme capable de conduire une de ces
grandes affaires commerciales comme il y en a dans cette puissante
ville du Havre. Je le préfère celui-là au Monsieur qui fera de la
littérature, qui publiera des articles à 300, 400 ou 500 francs dans un
journal en vogue, et qui, ayant le gousset bien garni, pourra mener une
vie luxueuse.
Celui qui conduira une usine de 1.000 ouvriers gagnera des batailles,
les batailles de l'industrie et du commerce, il fera vivre des familles et il
enrichira son pays, la France. (Nombreux applaudissements.)

Il y a une troisième objection: celle des intellectuels. J'appelle
intellectuel le Monsieur qui croit n'avoir plus d'estomac, qui ne peut pas
souffrir un courant d'air. Il y a un courant d'air ici, fermez les fenêtres.
(On rit.) Il est tellement affiné, qu'il n'appartient plus à la race humaine.
Nous sommes profondément méprisés par lui, parce qu'il a fait des
livres délicats, quintessenciés, ayant la dernière forme et dans lesquels
on trouve des choses qu'on n'a vues nulle part. Eh bien! que
m'apprenez-vous, vous, les intellectuels? Je le déclare, je suis peut-être
un barbare, mais tous ces romans je ne les lis pas. Je me suis toujours
demandé comment les femmes intelligentes pouvaient se nourrir ou
plutôt s'intoxiquer de ces livres, car il faut bien le reconnaître, quand ils
tirent à 100.000, il y en a 60.000 qui sont achetés par les femmes.
(Applaudissements répétés.)
Que les intellectuels me pardonnent: au fond je suis un brave homme!
(Nouveaux applaudissements et rires.)
En parlant comme je le fais, j'exprime des idées qui me sont chères, en
bon chevalier, mais je puis faire bon ménage avec un intellectuel et
passer de bonnes heures avec lui; je ne sais pas si elles sont, pour lui,
aussi agréables!
L'intellectuel dit: Développez donc les cerveaux et non les muscles. Et
moi je dis--et M. le docteur Tissié m'approuvera, je crois--: Pour
développer le cerveau, il faut fortifier le muscle. Quand nous aurons
battu les intellectuels--l'heure approche, car le muscle triomphe--nous
verrons disparaître des boulevards ces romans dont on s'empoisonne.
Quelle belle victoire! (Assentiment général.)
Oui, ne serait-ce pas une grande victoire que de pouvoir réduire ainsi
les intellectuels qui croient tenir le sommet de la pyramide humaine!
Nous y arriverons, je l'espère bien.
Je fais des voeux pour que ces idées pénètrent et soient appliquées dans
les lycées, collèges, dans les établissements libres, dans les maisons de
congréganistes, comme les appellent volontiers nos adversaires.
Congréganistes, je n'aime pas ce mot-là, je préfère le mot libre. Je suis
ce que je suis: j'ai mes idées, j'ai le courage de les dire et je cherche à

les faire triompher. (Vifs applaudissements.)
Et pour terminer par un mot de concorde, je voudrais, Monsieur le
Sous-Préfet,--et, pour ma part, mes efforts sont tournés vers ce
but,--que les sports fussent un terrain où toute la jeunesse française pût
se réunir, qu'on y travaillât à ruiner dans ce pays l'esprit qui nous divise,
pour former une France comme nous la rêvons tous, nous les libéraux,
non pas une France dans laquelle nous penserons tous de la même
manière, c'est impossible, mais une France où tous nous aurons la
pratique austère, loyale et chevaleresque du respect des autres et de la
tolérance. (Applaudissements frénétiques et prolongés.)

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athlétiques by Henri Didon
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