Infernaliana | Page 4

Ch. Nodier

le cercueil était si pesant qu'il ne bougeait pas plus que s'il eût été
fortement cloué au plancher. Les assistans épouvantés demandèrent
qu'on ouvrit la bière; ce qui fut fait à l'instant. Alors (ô prodige
épouvantable!) il ne se trouva dans le cercueil qu'un chat noir, qui
s'échappa précipitamment et disparut sans qu'on put savoir ce qu'il
devint. La bière demeura vide; le malheur de la fille mondaine fut
découvert, et l'église ne lui accorda point les prières des morts.

VAMPIRES DE HONGRIE
Un soldat hongrois étant logé chez un paysan de la frontière, et
mangeant un jour avec lui, vit entrer un inconnu qui se mit à table à
côté d'eux. Le paysan et sa famille parurent fort effrayés de cette visite,
et le soldat, ignorant ce que cela voulait dire, ne savait que juger de
l'effroi de ces bonnes gens. Mais le lendemain, le maître de la maison
ayant été trouvé mort dans son lit, le soldat apprit que c'était le père de
son hôte, mort et enterré depuis dix ans, qui était venu s'asseoir à table
à côté de son fils, et qui lui avait ainsi annoncé et causé la mort.
Le militaire informa son régiment de cette aventure. Les
officiers-généraux envoyèrent un capitaine, un chirurgien, un auditeur
et quelques officiers pour vérifier le fait. Les gens de la maison et les
habitans du village déposèrent tous, que le père du paysan était revenu
causer la mort de son fils; et que tout ce que le soldat avait vu et
raconté était exactement vrai. En conséquence, on fit déterrer le corps
du spectre. On le trouva dans l'état d'un homme qui vient d'expirer, et
ayant le sang encore chaud; on lui fit couper la tête et on le remit dans
son tombeau. Après cette première expédition, on informa les officiers
qu'un autre homme, mort depuis plus de trente ans, avait l'habitude de
revenir; qu'il s'était déjà montré trois fois dans sa maison à l'heure des

repas. Que la première fois il avait sucé au cou son propre frère, et lui
avait tiré beaucoup de sang; qu'à la seconde fois il en avait fait autant à
un de ses fils; qu'un valet avait été traité de même à la troisième fois; et
que ces trois personnes en étaient mortes. Ce revenant dénaturé fut
déterré à son tour; on le trouva aussi plein de sang que le premier
vampire. On lui enfonça un grand clou dans la tête et on le recouvrit de
terre.
La commission croyait en être quitte lorsque de tous côtés il s'éleva des
plaintes contre un troisième vampire, qui, mort depuis seize ans, avait
tué et dévoré deux de ses fils; ce troisième vampire fut brûlé comme le
plus coupable: après ces exécutions, les officiers laissèrent le village
entièrement rassuré contre les revenans qui buvaient le sang de leurs
enfans et de leurs amis.

HISTOIRE D'UN MARI ASSASSINÉ,
Qui revient après sa mort demander vengeance.
M. de la Courtinière, gentilhomme breton, employait la plus grande
partie de son tems à chasser dans ses bois et à visiter ses amis. Il reçut
un jour dans son château plusieurs seigneurs, ses voisins ou ses parens,
et les traita fort bien pendant trois ou quatre jours. Quand cette
compagnie se fut retirée, il y eut entre M. de la Courtinière et sa femme,
une petite querelle, parce qu'il trouvait qu'elle n'avait pas fait assez bon
visage à ses amis. Toutefois il lui fit ses remontrances avec des paroles
douces et honnêtes, qui n'auraient pas dû l'irriter; mais cette dame, étant
d'une humeur hautaine, ne répondit rien, et résolut intérieurement de se
venger.
M. de la Courtinière se coucha ce soir là deux heures plutôt qu'à
l'ordinaire, parce qu'il était très-fatigué. Il s'endormit profondément.
L'heure où la dame avait habitude de se coucher étant venue, elle
remarqua que son mari était plongé dans un sommeil très-profond. Elle
pensa que le moment était favorable à la vengeance qu'elle méditait,
tant de la querelle qu'il venait de lui faire, que peut-être de quelque

autre ancienne inimitié. Elle fit tous ses efforts pour séduire un
domestique de la maison et une servante, qu'elle savait être l'un et
l'autre assez faciles à corrompre, moyennant de bonnes récompenses.
Après avoir tiré d'eux par des protestations et des sermens horribles,
l'assurance qu'ils ne déclareraient rien, elle leur annonça ses coupables
intentions; et pour les y faire plutôt condescendre, elle donna à chacun
la somme de six cents francs qu'ils acceptèrent. Cela fait, ils entrèrent
tous trois, la dame la première, dans la chambre où le mari était couché;
et comme tout était endormi dans la maison, ils égorgèrent leur victime,
sans être entendus. Ils portèrent le corps dans l'un des celliers du
château, où ils firent une fosse, dans laquelle ils l'enterrèrent; et pour
éviter
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