Ida et Carmelita | Page 9

Hector Malot
pour lui prendre la main et l'aider �� sauter de caillou en caillou, ce qu'elle faisait d'ailleurs l��g��rement, s?rement, sans h��sitation, en riant lorsqu'elle ��claboussait l'eau du bout de son baton.
La journ��e ��tait radieuse, et le soleil, qui s'��tait d��j�� ��lev�� dans un beau ciel sans nuage, avait dissip�� les vapeurs du matin, qui ne persistaient plus que dans quelques vallons abrit��s, o�� elles rampaient le long des rochers et des arbres comme des fum��es l��g��res.
Devant eux, la montagne se dressait comme une barri��re de rochers pour former l'amphith��atre de Jaman et des monts de Vevey; derri��re eux, le lac brillait comme un immense miroir.
En marchant, ils devisaient du spectacle qu'ils avaient sous les yeux, et Carmelita comparait ces montagnes �� celles au milieu desquelles s'��tait ��coul��e son enfance.
De l�� un in��puisable sujet de conversation.
Ils mont��rent ainsi pendant pr��s de deux heures sans qu'elle se plaign?t de la fatigue ou demandat �� se reposer.
Mais la matin��e s'avan?ait et l'heure du d��jeuner approchait.
Il avait emport�� dans son sac du pain et de la viande froide, et il comptait sur une source qu'il connaissait pour leur donner de l'eau.
Bient?t ils arriv��rent �� cette source, et pour la premi��re fois ils s'assirent sur l'herbe.
--L'endroit vous d��pla?t-il?
--Bien au contraire, et choisi �� souhait non seulement pour d��jeuner, mais encore pour causer librement en toute s?ret��. Et pr��cis��ment j'ai �� vous parler. C'est m��me dans ce but, si vous voulez bien me permettre cet aveu, que je vous ai propos�� cette promenade.
Alors elle se mit �� sourire.
--Je vous ��tonne, dit-elle.
--Je l'avoue.
--Vous avez donc cru que je voulais tout simplement faire une excursion dans ces montagnes?
--J'ai cru ce que vous me disiez.
--Ce que je vous disais ��tait la v��rit��, mais ce n'��tait pas toute la v��rit��: oui, j'avais grande envie de faire cette excursion pour le plaisir qu'elle pouvait me donner; mais aussi j'avais grand d��sir de me m��nager un t��te-��-t��te avec vous, dans lequel je pourrai vous adresser une demande pour moi tr��s importante.
--Je vous ��coute.
--Ah? maintenant rien ne presse, car je ne crains pas que notre t��te-��-t��te soit troubl��; d��jeunons donc d'abord, ensuite je vous ferai mes confidences. N'��couterez-vous pas mieux? Pour moi, je parlerai plus facilement quand j'aurai apais�� mon app��tit, car je meurs de faim.
Ouvrant son sac, il en tira les provisions et les ustensiles de table qu'il renfermait.
Ces provisions et ces ustensiles ��taient des plus simples: du pain, un poulet froid et du sel; deux couteaux, deux verres et deux petites serviettes; dans une gourde recouverte d'osier, du vin blanc d'Yverne.
Le couvert fut bien vite mis sur un quartier de rocher et ils s'assirent en face l'un de l'autre.
--Pour le plaisir que je me promettais, dit-elle, je suis servie �� souhait.
Et, tout en mordant du bout des dents un os de poulet elle promena lentement les yeux autour d'elle.
Assur��ment il y a en Suisse beaucoup de montagnes plus c��l��bres que ces pentes des dents de Naye et de Jaman, cependant il en est peu o�� la vue puisse embrasser un panorama plus vaste, et surtout plus vari��! tout se trouve r��uni, arrang��, dispos��, compos��, pour le plaisir des yeux: les eaux, les bois, les champs, les prairies, les villages et les villes. Au loin, se confondant dans le ciel, les pics sauvages des Alpes, couverts de neiges et qui, de quelque c?t�� qu'on se tourne, vous entourent, et vous ��blouissent; �� ses pieds, au contraire, le spectacle de la vie civilis��e: les toits des villages qui r��fl��chissent les rayons du soleil, les bateaux �� vapeur qui tracent des sillons blancs sur les eaux bleues du lac, et, dans les vall��es, la fum��e des locomotives qui court et s'envole �� travers les maisons et les arbres. Les bruits de la plaine et des vall��es ne montent point jusqu'�� ces hauteurs, et dans l'air tranquille on n'entend que les clochettes des vaches ou le chant des bergers qui fauchent l'herbe sur les pentes trop rapides pour les pieds des troupeaux.
--Quel malheur que ces bergers ne nous chantent pas le Ranz des vaches! dit Carmelita en souriant.
Et elle se mit elle-m��me �� chanter �� pleine voix cet air, tel qu'il se trouve ��crit dans Guillaume Tell.
--Comment trouvez-vous ma voix! demanda-telle.
--Admirable.
--Ce n'est pas un compliment que je vous demande, mais une r��ponse sinc��re; vous comprendrez tout �� l'heure l'importance de cette sinc��rit��.
--Tout �� l'heure?
--Oui, quand je vous ferai mes confidences; mais le moment n'est pas encore venu, car ma faim n'est pas assouvie. J'accepte un nouveau morceau de poulet, si vous voulez bien me l'offrir.
Il se levait de temps en temps pour aller emplir leurs verres au filet d'eau qui, par un conduit en bois, tombait dans le tronc d'un pin creus�� en forme d'auge.
Bient?t il ne resta plus du poulet que les os, et la gourde se trouva vide.
Alors, �� son tour, elle se
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