�� la foire. Ce n'��tait pas un carrosse, oh! non; ni une cal��che d��couverte, ni un four-in-hand, ni un huit ressorts; c'��tait une bonne carriole bien solide o�� ma m��re qui faisait tous les commerces honn��tes, depuis le bonnet de coton jusqu'aux clous et aux fers �� cheval, avait l'habitude d'entasser sa marchandise.
La carriole n'avait que deux roues, ma m��re marchait �� c?t�� d'Aristide dans la mont��e et tricotait en disant de bonnes paroles pour l'encourager. Vers le haut de la c?te, elle tirait de sa poche un morceau de sucre et le lui montrait. Aristide qui ne manquait pas d'esprit pour son age, car il avait quatorze ans d��j��, faisait un dernier effort, surmontait le dernier obstacle et tirait voluptueusement la langue o�� ma m��re d��posait le sucre. Il fermait les yeux pendant une minute pour mieux savourer son bonheur.......
Apr��s quoi, l'on se remettait en marche, dans les descentes, ma m��re s'asseyait sur le derri��re de la carriole pour faire contre-poids.
Oh! comme ils s'entendaient bien, elle et lui! Et que le philosophe avait raison, qui dit que l'ane est un ?fr��re inf��rieur? de l'homme! Si j'osais, je dirais ?un fr��re sup��rieur? car il est meilleur, plus honn��te, plus sobre, plus patient, plus robuste, plus doux et souvent plus courageux. Que lui manque-t-il donc?... L'intelligence?... Qui sait? Il n'entend pas le latin, c'est vrai, et m��me, �� cause de cela on d��core du nom d'anes, dans les coll��ges, ceux qui ne peuvent pas lire S��n��que �� livre ouvert... Eh bien! apr��s?... En sont-ils plus malheureux?...
Aristide savait tout ce qu'il faut savoir: qu'on doit aimer ses amis, cogner ses ennemis (comme il fit le jour o�� le petit Carbeyrou, ayant attach�� un fagot d'��pines sous sa queue, il lui cassa trois dents d'une ruade), respecter le bien d'autrui, honorer les puissants, c'est-��-dire se ranger sur le passage de la diligence, de peur d'��tre accroch��; braire galamment �� la vue des bourriques, ce qui est un hommage �� leur beaut��; tra?ner une carriole pesamment charg��e; faire enfin tout ce qui concernait son ��tat, et par ce moyen avoir du foin, de l'avoine et des chardons en abondance.
En savez-vous tous autant, chr��tiens qui m'��coutez?
Mais je reviens �� mon histoire. J'arrivai donc �� sept heures chez ma m��re qui m'attendait, exacte et ponctuelle comme toujours, la soupe sur la table, la cuiller en arr��t.
Je l'embrassai, suivant mon habitude, et je lui dis pr��cipitamment:
--M��re, cherche-moi mon pantalon noir, mon habit noir, mon gilet noir, ma cravate blanche et mes gants gris-perle,--tu sais bien, ceux que j'ai achet��s, il y a six mois.
Elle me regarda, tr��s ��tonn��e:
--Seigneur Dieu! est-ce que tu vas �� la noce?
--Pr��cis��ment.
Et, tout en parlant, j'avalais ma soupe par cuiller��es ��normes.
Alors, en cherchant et brossant mes v��tements, elle demanda:
--Quelle noce?
--Le contrat de mon ami Michel avec mademoiselle Hyacinthe.
Et je lui expliquai le contrat, et l'invitation toute personnelle et tr��s impr��vue que j'avais re?ue d'Ang��line.
Aux d��tails du contrat ma m��re ne fit aucune r��flexion, si ce n'est:
--Deux m��res comme ?a, c'est fait pour empoisonner deux familles... Et ?a ne manquera pas, crois-moi!
Quant �� l'invitation, elle s'en fit expliquer mot par mot tous les d��tails, parut en tirer une conclusion mentale qu'elle garda pour elle-m��me et finit par demander assez n��gligemment pendant qu'elle rangeait mon gilet, ma cravate et mon habit sur le lit:
--Comment la trouves-tu?
--Qui? maman.
--Mademoiselle Ang��line.
Je r��pondis en riant:
--Je la trouve tr��s bien... D'abord, c'est la fille du patron; et si je la trouvais laide, je ne le dirais pas... ?a, c'est ��l��mentaire.
Ma m��re reprit:
--El��mentaire, qu'est-ce que c'est que ?a? Est-ce une b��te nouvelle de la nature? Je te demande si elle te pla?t ou si elle ne te pla?t pas. R��ponds-moi entre quatre-z-yeux?
Et elle me regardait fixement. Puis, comme je ne me pressais pas de r��pondre, car il y a des choses qu'on n'aime pas �� dire, m��me �� sa m��re, elle ajouta:
--L'aimes-tu, enfin?
Alors, vaincu par cette question trop nette, je r��pondis:
--A quoi me servirait de l'aimer, puisque je ne serai jamais son mari?
--Qu'en sais-tu?
Ce mot me troubla d��licieusement. Comment donc! Je pouvais..., j'avais l'espoir de... Mais non, ma m��re se trompait... L'amour maternel lui donnait une illusion que je ne pouvais pas partager.
Comme j'allais lui demander des explications, un petit gate-sauce entra chez nous pr��cipitamment et me dit:
--Monsieur Trapoiseau, venez vite. C'est press��, press��, press��!... On a besoin de vous.
--Chez qui?
--Chez M. Forestier.
--Qui t'envoie?
--M. Bouchardy, le notaire.
--Mais je ne suis pas habill��.
--Il a dit de venir en chemise... Il para?t qu'il est arriv�� un grand malheur... M. Saumonet, l'autre notaire, l��ve les bras en l'air et crie comme un sourd... On les entend tous les deux de la cuisine.
--Le d?ner est fini?
--Ah! oui, r��pliqua le petit gate-sauce, et ce n'est pas malheureux, seigneur J��sus! Ils sont �� prendre le caf�� dans le jardin. Croiriez-vous qu'ils n'ont laiss�� que des pilons, des
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