Hokousaï | Page 7

Edmond de Goncourt
il met au jour ces innombrables séries de merveilleux sourimonos.

VI
Les sourimonos, les impressions moelleuses où la couleur et le dessin semblent tendrement bus par la soie du papier japonais, et qui sont ces images à la tonalité si joliment adoucie, si artistement perdue, si délavée, de colorations pareilles aux nuages à peine teintés que fait le barbotage d'un pinceau chargé de couleur dans l'eau d'un verre, ces images qui, par le soyeux du papier, la qualité des couleurs, le soin du tirage et des rehauts d'or et d'argent, et encore par ce complément du gaufrage--obtenu, le croirait-on, par l'appuiement du coude nu de l'ouvrier sur le papier,--ces images n'ayant rien de similaire dans la gravure d'aucun peuple de la terre, font une grande partie de l'oeuvre d'Hokousa?.
Ces impressions, dont le nom vient de souri (empreinte prise au moyen d'un frottement), et mono (chose), ne sont point faites pour le commerce. C'est une carte du Jour de l'An qu'on offrait à un petit nombre d'amis, c'est un programme de concert, c'est la commémoration d'une fête en l'honneur d'un lettré, d'un artiste mort ou vivant.
1793
Le premier sourimono qu'on conna?t d'Hokousa? est à la date de 1793, avec la signature de Mougoura Shunr?. Il représente un jeune marchand d'eau fra?che, assis sur le baton qui lui sert à porter ses deux barillets, à c?té d'un petit dressoir où sont des pots de sucre, des bols de porcelaine, des bols de métal.
Ce sourimono porte, au dos, le programme d'un concert organisé au mois de juillet pour faire conna?tre le changement de nom d'un musicien, avec les noms des exécutants et avec l'invitation suivante qu'il est peut-être bon de donner:
?Malgré la grande chaleur, j'espère que vous êtes en bonne santé, et je viens vous informer que mon nom est changé, grace à mon succès près du public, et que, pour célébrer l'inauguration de mon nouveau nom, le quatrième jour du mois prochain, j'organise un concert chez Ki?ya de Ri?gokou, avec le concours de tous mes élèves, un concert de dix heures du matin jusqu'à quatre heures du soir, et qu'il fasse beau ou pluie, je compte sur l'honneur de votre visite.
?TOKIWAZOU MOZITAYU.?
1794
En 1794, on conna?t de Hokousa? quelques petites feuilles pour le Jour de l'An, de la grandeur de nos cartes à jouer.
1795
En 1795, des sourimonos de femmes mêlés à des sourimonos d'objets intimes, comme celui-ci, où se voient accrochés à une grille une serviette brodée, un sac de son, un parapluie, objets indiquant, que la ma?tresse de la maison vient de prendre un bain.
Ces sourimonos sont signés Hishikawa S?ri, ou simplement S?ri.
1796
En 1796, un assez grand nombre de sourimonos dont les plus remarquables, deux longues bandes, sont une réunion d'hommes et de femmes sur ces tables-lits aux pieds plongeant dans la rivière, et sur lesquelles on prend le frais, le soir.
1797
En 1797, des sourimonos tirés de la reproduction d'objets de la vie familière, comme des enveloppes de paquets de parfums avec une branche fleurie de prunier; des sourimonos où il y a une femme riant du kami Fokorokou auquel elle a mis une cocotte en papier sur le crane; ce sourimono où se voit un bateau dans lequel il y a un montreur de singe; et toute une série de sourimonos d'ironies contre les dieux de là-bas, sur papier jaune, avec coloration des sujets en violet et en vert.
En cette année qui, dans l'almanach japonais, est une année sous le signe du serpent, un joli petit sourimono représentant une femme que la vue d'un serpent a fait tomber sur le dos, une jambe en l'air.
Puis des bandes de grands sourimonos où se voient des promenades de femmes dans la campagne.
1798
En 1798, de nombreux sourimonos où, particularité curieuse, le cheval revenant avec l'élément de la terre dans le calendrier japonais, beaucoup des sourimonos représentent un cheval, et cette représentation du cheval va dans les sourimonos jusqu'à la figuration d'une tête de cheval faite par les doigts d'un enfant à travers un chassis.
Ce sont: un vendeur d'un joujou marchant sur une natte et que regardent des Japonais; deux enfants dont l'un fait danser, par-dessus un paravent, un pantin que l'autre accroupi à terre contemple, les deux mains sous le menton; un marchand de thé devant le temple d'Ouyéno à Yédo, avec un groupe de femmes et d'enfants; des hommes et des femmes se déguisant en dieux et en déesses de l'Olympe japonais; une course de chevaux; un grand paysage au bord de la Soumida, avec de tous petits personnages. Puis des sourimonos de femmes: la cérémonie du thé Tchanoyu entre femmes; deux femmes lisant couchées à terre, l'une la tête penchée sur le papier, l'autre lisant avec un joli mouvement de tête de c?té, deux femmes roulées l'une sur l'autre sur le plancher, s'arrachant une lettre.
Et, dans ces grands sourimonos de femmes de cette année et
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