dissimulerai pas qu'il m'avait fallu une certaine audace pour me rendre chez le sollicitor.
Mais la curiosit�� fut plus forte que l'inqui��tude. Je voulais savoir s'il se souviendrait. Pourquoi ce doute? Il ��tait bien ��vident qu'il ne pouvait avoir oubli�� ce qui s'��tait pass�� la veille au soir, �� moins que...
Eh bien! c'��tait justement cette id��e qui me tourmentait. Je croyais --mais ceci ne venait d'aucune d��duction, c'��tait un instinct--qu'il n'avait pas eu conscience de ce qui s'��tait produit apr��s six heures.
Et tenez, j'avais raison. Voil�� ma?tre Golding qui me re?oit avec la plus grande affabilit��. Bien mieux. Il me parle de notre petit repas et d'une certaine sauce, comme si rien que de tr��s naturel n'avait accompagn�� son d��part. Il est toujours le m��me, teint fleuri, oeil ��merillonn��. Je crois qu'au besoin il accepterait une seconde invitation.
Je me retire. Mon plan est fait. Vous l'avez devin��. Pour proc��der par ordre, il faut maintenant conna?tre deux autres points importants:
1o O�� va ma?tre Golding? 2�� Quels sont les deux gentlemen en question?
Ceci me para?t facile. �� six heures, je serai l��.
Oh! je vous avoue que j'ai la fi��vre. C'est une rude tache que j'ai entreprise; mais aussi que son accomplissement me promet de jouissances!
Je saurai tout... Quand je prononce ces trois mots, je sens que je serai pay�� au centuple de mes peines.
Aussi, dix minutes avant que l'heure sonne, je suis l��, blotti dans un coin, �� quelques pas de sa porte. Je sais qu'il est dans son ��tude. Je n'aurais pas commis cet enfantillage de ne pas m'en assurer.
Ces dix minutes me paraissent un si��cle. Elles passent cependant--trop lentement--mais elles passent. L'attention pr��te m��me �� mes sens une telle finesse que j'entends--je suis s?r que je l'entends--le timbre f��l�� de sa pendule.
Je ne m'��tais pas tromp��. C'est lui. Il marche, et moi je marche derri��re lui. J'ai l'air d'un d��tective attach�� au pas d'un coupable. Apr��s? Peut-��tre est-ce bien un coupable.
Il ne va pas vite. Non. C'est un pas bien r��gulier, sec, cadenc��. J'ai pris le pas, moi aussi, si bien que les deux bruits se confondent. Oh! il ne peut se douter de rien. Et de fait, il ne para?t pas pr��occup�� de ce qui se passe derri��re lui. C'est devant lui que se trouve son int��r��t. Ni �� droite, ni �� gauche, car il ne regarde rien, et la plus jolie fille de l'��tat peut passer �� ses c?t��s sans qu'il remarque son bas bien tir�� ou sa taille cambr��e. Parfois quelqu'un vient en sens inverse, et le heurte. Le choc--sec--ne le fait pas d��vier d'un iota de la ligne directe.
Nous avons suivi Broadway quelque temps. Nous sortons de la ville. Nous allons au faubourg. Nous arpentons la route--arpenter est le mot, car chacun de ses pas a une dimension fixe, implacable.
J'aper?ois une maison, presque en plaine. D'un ��trange aspect, sur mon ame. Les briques ont une teinte d'un rouge brun comme le front d'un homme frapp�� d'apoplexie. La maison est entour��e d'un parc; on y entre par une grille. Il tend �� cette grille...
Mais voici du nouveau: de deux routes viennent--en m��me temps--oh! absolument en m��me temps--deux gentlemen. Ils sont exactement �� la m��me distance de la grille, ils y arriveront exactement �� la m��me seconde. M��me pas, m��me rectitude dans la marche. Les voil�� qui touchent la grille ensemble... La grille s'ouvre, ils entrent... ces trois points convergents se sont confondus en un seul groupe... et ils disparaissent dans la maison...
IX
Jusqu'ici, je n'ai pas un seul instant fait fausse route. Malgr�� mon impatience--malgr�� l'attraction qui s'exerce sur moi--je ne veux pas, je ne dois pas me hater.
La grille est ferm��e, Golding et ses deux amis... amis? Voici d'abord un mot qui m��rite examen. Pourquoi amis? Et cette id��e est-elle juste? En tout cas, est-elle prouv��e? Loin de l��, donc je la r��serve. Golding et les deux gentlemen sont enferm��s dans la maison. Examinons la maison. La carapace peut souvent indiquer la nature du crustac��.
C'est un grand batiment carr��--lugubre. Qu'est-ce qui le rend lugubre? Rien et tout. Il y a sur ces pierres brunes comme une transsudation de myst��re. De toutes les fen��tres une seule est ouverte. On dirait l'oeil borgne d'un visage. Le parc a de hautes murailles; par la grille seule, le regard peut p��n��trer �� l'int��rieur. Les arbres sont touffus, les all��es sont mal entretenues... Mon oeil marche �� travers ces all��es. Rien que des feuilles mortes ou des branches d��pouill��es? Si fait: quelque chose. Je distingue �� peine une sorte de chapelle basse, petite, ��troite. Pourquoi cette d��couverte me fait-elle frissonner? C'est que, comme les hommes, les choses ont un rayonnement qui tombe d'aplomb sur le sens qui m'est particulier et dont j'ai parl��. Cette chapelle--batisse ou monument--s'est impos��e �� mon attention, �� mon examen, �� mon esprit d'investigation. Il y a l�� quelque
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