ces nourritures cuites ne pouvoient reparer. Ce fut peut-être par quelques-uns de ces accidens qui la mena?oient d'une mort prochaine, qu'on crut devoir avancer son baptême[5]. Elle n'a conservé aucun souvenir de cette cérémonie; elle dit seulement avoir oüi dire depuis, qu'elle devoit avoir pour Parrein & Marreine M. de Beaupré, Intendant de Champagne, & une Dame qu'on appelloit Me. Dupin, ou M. l'Evêque de Chalons (M. de Choiseul) & Me. de Beaupré, l'Intendante; mais qu'à leur défaut, & en leur nom, ce fut l'Administrateur & la Supérieure de l'H?pital de St. Maur, qui la tinrent sur les fonds & la nommèrent, ainsi qu'elle m'a dit, Marie-Angelique Memmie le Blanc. Le nom de Memmie, qui est celui du premier Evêque de Chalons, lui fut donné, dit-elle, parce qu'elle étoit venue de bien loin chercher la foi dans le Diocèse où ce Saint l'avoit apportée autrefois; mais on voit par son Extrait baptistaire que son Parrein portoit ce même nom.
Il y avoit peu d'apparence de sauver la vie de Mlle. le Blanc: son mieux étoit une langueur qui la faisoit paro?tre comme mourante. Je tiens de M. de L.. que M. d'Epinoy, qui la vouloit conserver à quelque prix que ce f?t, lui envoya un Médecin, qui ne sachant plus qu'ordonner, insinua qu'il faloit de tems en tems & comme en cachette lui donner de la viande crue. On lui en donnoit, dit-elle; mais elle ne faisoit que la macher pour en tirer le suc & le jus, ne pouvant plus avaler la chair même. Quelquefois une Dame de la maison qui l'aimoit beaucoup, lui apportoit un poulet ou un pigeon vivant, duquel elle su?oit d'abord le sang tout chaud, ce qui lui servoit, ajoute-t'elle, comme d'un baume qui s'insinuoit partout, adoucissoit l'acreté de sa gorge desséchée, & lui redonnoit des forces. Ce fut avec toutes ces peines & ces petites échappées, que Mlle. le Blanc s'est peu à peu dèsacco?tumée de viande crue, & s'est enfin habituée aux viandes cuites, telles que nous les mangeons, & si parfaitement, qu'elle a aujourd'hui de la répugnance pour ce qui est crud.
[5] Voyez l'Extrait baptistaire ci-après, No. 1.
Tant que vêcut M. le Vicomte d'Epinoy, qui vouloit toujours voir sa petite Sauvage, lorsqu'il étoit à Songi, il la tint en Communauté, soit à Chalons, soit à Vitri-le-Fran?ois. Je juge qu'il ne vécut pas long-temps après sa prise, puisqu'il n'est fait aucune mention de lui entre les personnes désignées pour Parreins & Marreines de cette enfant, qui fut baptisée sept ou huit mois après; & que s'il e?t vêcu alors, il y a bien de l'apparence qu'il en e?t été le Parrein. Ce qu'il y a de certain, au rapport de M. de L.. c'est qu'après la mort de M. d'Epinoy, la petite le Blanc fut mise dans un Couvent à Chalons, & qu'au premier voyage que Madame d'Epinoy la veuve, fit à Songi, ledit Sieur de L.. qui l'y accompagnoit, lui persuada de retirer cette jeune fille auprès d'elle où elle lui seroit moins à charge que de la tenir toujours dans des Couvents; cette Dame fut à Chalons dans ce dessein avec M. de L.. Ils trouverent la Dlle le Blanc assez formée & assez adroite à plusieurs ouvrages propres à son sexe, pour pouvoir rendre quelques petits services à cette Dame; mais la Superieure de cette Maison, on ne s?ait par quel motif, si ce n'est par le danger du salut que cette enfant pouvoit courir dans le grand monde, détourna Madame d'Epinoy de la retirer, lui rapportant quelques petits traits qui ressentoient encore l'ancien amour de la liberté pour courir dans l'eau & monter sur les arbres. Cette Dame craignant que la petite fille ne f?t de trop difficile garde, ne songea plus à la prendre chez elle. Ce fut ensuite M. de Choiseul, Evêque de Chalons, qui en prit soin dans une Communauté où elle avoit déja été, & où ce Prélat chargea M. Cazotte, son grand Vicaire, de veiller à son instruction.
Après y avoir passé plusieurs années & postulé pour s'y faire Religieuse, Mlle le Blanc prit du dégo?t pour cette maison, par une sorte de honte d'y vivre avec des personnes qui se souvenoient de l'avoir vue au sortir des Bois, avant qu'elle fut apprivoisée, & qui le lui faisoient sentir durement. Elle obtint d'aller dans un autre Couvent à Ste Menehould. A son arrivée en cette ville, au mois de Septembre 1747, M. de la Condamine de l'Académie des Sciences, la trouva dans l'H?tellerie où elle venoit de descendre; il y dina avec elle & l'H?tesse, & s'entretint avec la Dlle le Blanc, sans qu'elle s??t qu'il la cherchoit, ni qu'elle f?t l'objet de sa curiosité. Elle lui apprit les obligations qu'elle avoit à Mgr. le Duc d'Orléans, qui payoit sa pension depuis qu'il l'avoit vue en
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