procédés! des procédés!!... inqualifiables!!! Aucun de mes confrères, personne au monde ne tolérera jamais de pareilles escapades. Toute une semaine! huit jours de bamboche! Ah! vous allez bien, vous, quand vous vous y mettez!
--Pardon, monsieur, mais je... je vous vous assure, monsieur..., bégaya Richefeu.
--Permettez-moi, monsieur, de....de vous... Monsieur, je... je vous certifie... bredouilla Lardenois.
--Quoi? Que pouvez-vous invoquer pour votre défense? Je me le demande! Il y a un fait, un fait incontestable: c'est que vous avez tous les deux, simultanément, sans me prévenir, planté là le magasin, et que votre absence à tous les deux a duré huit jours. Vous n'allez pas me répondre que vous êtes tombés malades l'un et l'autre...
--Si, monsieur! J'ai été malade, bien malade..., interrompit Lardenois.
--Moi aussi, monsieur! ajouta Richefeu.
--Ah! vous aussi? En même temps? Comme ?a? Faudrait cependant mettre un peu de variété dans vos... vos contes en l'air, mes bons amis. Je n'aime pas qu'on se moque de moi! Puisque vous me quittiez, j'ai d? pourvoir à votre remplacement. Voilà vos successeurs, reprit le père Pichancourt en indiquant à MM. Lardenois et Richefeu les nouveaux potards. Ah! oui, ils sont trois, continua-t-il. C'est que Cabrillat, lui aussi, s'en va... Lui, c'est autre chose!... Je ne le congédie pas... C'est lui qui se retire,--pour se marier. Il épouse Mlle Desormeaux et devient l'associé de son beau-père, le marchand de bois... Vous avez joliment raison, allez, Cabrillat, fichu métier que la pharmacie! En voilà la preuve! On n'est jamais tranquille, on n'est jamais s?r de... ce qui se passe chez vous quand vous n'y êtes pas... Toujours esclave, à l'attache!
* * * * *
Lorsque Nestor Richefeu et Théodule Lardenois se retrouvèrent dans la rue et purent librement échanger leurs impressions, ils reconnurent, mais non sans indignation ni fureur, que les émotions et les mésaventures survenues à Genève à l'un d'eux, l'autre les avait à peu près identiquement éprouvées à Berne. En d'autres termes, ils avaient été tous les deux abominablement joués par leur jeune collègue Cabrillat, qui s'était empressé de mettre à profit leur absence pour faire avec Mlle Adrienne plus ample connaissance, gagner les bonnes graces du papa Desormeaux en le guérissant de son rhumatisme,--en un mot, pour leur couper l'herbe sous le pied.
Ils jurèrent de se venger; et, le soir venu, comme le gar?on de peine achevait de boulonner les volets de la devanture, et que Cabrillat, avant de monter se coucher, allait, selon son habitude, fumer un cigare et boire une chope au café de la Mairie, ils surgirent devant lui, armés de cannes, et tout disposés à lui faire un mauvais parti.
Cabrillat eut le temps de rétrograder et de saisir un énorme gourdin oublié dans le porte-parapluie par quelque paysan des environs. Alors décrivant un artistique moulinet:
--Attention, mes braves! méfiez-vous!... Ce ne sera pas à la pilule avec moi... Je suis fils de ma?tre d'armes, n'oubliez pas!
Et l'extrémité du gourdin passa si près du nez de Lardenois que ce dernier se hata de battre en retraite et de gagner le large, entra?nant avec lui l'autre assaillant, le bouillant Nestor.
Tous deux songèrent ensuite à intenter un procès à leur mystificateur pour ?préparation et distribution de substances médicamenteuses, sans prescription ni formule émanant d'un docteur en médecine ou d'un officier de santé?; mais Nestor Richefeu ayant retrouvé une place de premier élève dans une pharmacie de Lyon, et Théodule Lardenois découvert pareille aubaine à Dijon, ils se désistèrent de leurs vindicatifs desseins et abandonnèrent le tra?tre Cabrillat à ses remords et à son bonheur.
LE MARIAGE D'HERMANCE
A Daniel Riche.
Ce fut surtout après avoir perdu sa mère qu'Hermance Desrigny sentit s'accro?tre son désir de se marier et se jura de ne pas mourir vieille fille. Elle avait vingt-neuf ans déjà, et si son père, ancien agent voyer cantonal, décédé sept ou huit ans auparavant, si Mme Desrigny, avec sa prévoyance et sa tendre sollicitude, n'avaient pas réussi à l'établir, malgré leur modeste aisance et la dot qu'ils étaient tout disposés à lui servir, c'est que la pauvre Hermance n'était pas batie comme tout le monde et d'un placement facile: elle était bossue. Mais cette difformité ne l'empêchait pas d'avoir un petit coeur rempli de généreuses aspirations, gonflé de sève, embrasé de juvéniles ardeurs et de légitimes convoitises,--des trésors d'affection et de dévouement à prodiguer. Et sur qui verser ce baume, épandre cette lave?
Seule, dans sa jolie et quiète maison de la rue des Remparts, au chevet de Saint-Alban, l'élégante église romane qui forme la principale ou plus justement l'unique ?curiosité? de Chatillon-sur-Meurthe, elle songeait mélancoliquement à l'avenir qui l'attendait, s'épouvantait de ce perpétuel isolement.
Depuis la mort de Mme Desrigny, elle avait pris à demeure la femme de ménage qui venait précédemment chaque matin vaquer aux grosses besognes de la maison; mais, si obligeante, probe et fidèle qu'elle f?t, la mère Toinette, avec ses soixante-six ans et
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