Histoire dun Casse-noisette | Page 8

Alexandre Dumas, père
effet, en faisant tourner, virer, volter ses escadrons, Fritz avait d��masqu��, appuy�� m��lancoliquement au tronc de l'arbre de No?l, un charmant petit bonhomme qui, silencieux et plein de convenance, attendait que son tour vint d'��tre vu. Il y aurait bien eu quelque chose �� dire sur la taille de ce petit bonhomme, auquel nous sommes peut-��tre trop press�� de donner l'��pith��te de charmant; car, outre que son buste, trop long et trop d��velopp��, ne se trouvait plus en harmonie parfaite avec ses petites jambes gr��les, il avait la t��te d'une grosseur si d��mesur��e, qu'elle sortait de toutes les proportions indiqu��es non seulement par la nature, mais encore par les ma?tres de dessin, qui en savent l��-dessus bien plus que la nature.
Mais, s'il y avait quelque d��fectuosit�� dans sa personne, cette d��fectuosit�� ��tait rachet��e par l'excellence de sa toilette, qui indiquait �� la fois un homme d'��ducation et de go?t: il portait une polonaise en velours violet avec une quantit�� de brandebourgs et de boutons d'or, des culottes pareilles, et les plus charmantes petites bottes qui se soient jamais vues aux pieds d'un ��tudiant, et m��me d'un officier, car elles ��taient tellement collantes, qu'elles semblaient peintes. Mais deux choses ��tranges pour un homme qui paraissait avoir en fashion des go?ts si sup��rieurs, c'��tait d'avoir un laid et ��troit manteau de bois, pareil �� une queue qu'il s'��tait attach��e au bas de la nuque et qui retombait au milieu de son dos, et un mauvais petit bonnet de montagnard qu'il s'��tait ajust�� sur la t��te. Mais Marie, en voyant ces deux objets, qui formaient avec le reste du costume une si grande disparate, avait r��fl��chi que le parrain Drosselmayer portait lui-m��me, par-dessus sa redingote jaune, un petit collet qui n'avait gu��re meilleure fa?on que le manteau de bois du bonhomme �� la polonaise, et qu'il couvrait parfois son chef d'un affreux et fatal bonnet, pr��s duquel tous les bonnets de la terre ne pouvaient souffrir aucune comparaison, ce qui n'emp��chait pas le parrain Drosselmayer de faire un excellent parrain. Elle se dit m��me �� part soi que, le parrain Drosselmayer modelat-il enti��rement sa toilette sur celle du petit homme au manteau de bois, il serait encore bien loin d'��tre aussi gentil et aussi gracieux que lui.
On con?oit que toutes ces r��flexions de Marie ne s'��taient pas faites sans un examen approfondi du petit bonhomme qu'elle avait pris en amiti�� d��s la premi��re vue; or, plus elle l'examinait, plus Marie sentait combien il y avait de douceur et de bont�� dans sa physionomie. Ses yeux vert clair, auxquels on ne pouvait faire d'autre reproche que d'��tre un peu trop �� fleur de t��te, n'exprimaient que la s��r��nit�� et la bienveillance. La barbe de coton blanc fris��, qui s'��tendait sur tout son menton, lui allait particuli��rement bien, en ce qu'elle faisait valoir le charmant sourire de sa bouche, un peu trop fendue peut-��tre, mais rouge et brillante. Aussi, apr��s l'avoir consid��r�� avec une affection croissante, pendant plus de dix minutes, sans oser le toucher:
--Oh! s'��cria la jeune fille, dis-moi donc, bon p��re, �� qui appartient ce cher petit bonhomme qui est adoss�� l��, contre l'arbre de No?l.
--A personne en particulier; �� vous tous ensemble, r��pondit le pr��sident.
--Comment cela, bon p��re? Je ne te comprends pas.
--C'est le travailleur commun, reprit le pr��sident; c'est celui qui est charg�� �� l'avenir de casser pour vous toutes les noisettes que vous mangerez; et il appartient aussi bien �� Fritz qu'�� toi, et �� toi qu'�� Fritz.
Et, en disant cela, le pr��sident l'enleva avec pr��caution de la place o�� il ��tait pos��, et, soulevant son ��troit manteau de bois, il lui fit, par un jeu de bascule des plus simples, ouvrir sa bouche, qui, en s'ouvrant, d��couvrit deux rangs de dents blanches et pointues. Alors Marie, sur l'invitation de son p��re, y fourra une noisette; et, knac! knac! le petit bonhomme cassa la noisette avec tant d'adresse, que la coquille bris��e tomba en mille morceaux, et que l'amande intacte resta dans la main de Marie. La petite fille alors comprit que le coquet petit bonhomme ��tait un descendant de cette race antique et v��n��r��e des casse-noisettes dont l'origine, aussi ancienne que celle de la ville de Nuremberg, se perd avec elle dans la nuit des temps, et qu'il continuait �� exercer l'honorable et philanthropique profession de ses anc��tres: et Marie, enchant��e d'avoir fait cette d��couverte, se prit �� sauter de joie. Sur quoi, le pr��sident lui dit:
--Eh bien, ma bonne petite Marie, puisque le casse-noisette te pla?t tant, quoiqu'il appartienne ��galement �� Fritz et �� toi, c'est toi qui seras particuli��rement charg��e d'en avoir soin. Je le place donc sous ta protection.
Et, �� ces mots, le pr��sident remit le petit bonhomme �� Marie, qui le prit dans ses bras et se mit aussit?t �� lui faire exercer son m��tier,
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