celle d'un orgue
qui eût chanté, sous les sombres arceaux d'une cathédrale, la nativité de
Notre-Seigneur. Au même instant, une vive lueur passa sur la muraille,
et Fritz et Marie comprirent que c'était l'enfant Jésus qui, après avoir
déposé leurs joujoux dans le salon, s'envolait sur un nuage d'or vers
d'autres enfants qui l'attendaient avec la même impatience qu'eux.
Aussitôt une sonnette retentit, la porte s'ouvrit avec fracas, et une telle
lumière jaillit de l'appartement, que les enfants demeurèrent éblouis,
n'ayant que la force de crier:
--Ah! ah! ah!
Alors le président et la présidente vinrent sur le seuil de la porte, prirent
Fritz et Marie par la main.
--Venez voir, mes petits amis, dirent-ils, ce que l'enfant Jésus vient de
vous apporter.
Les enfants entrèrent aussitôt dans le salon, et mademoiselle Trudchen,
ayant posé son tricot sur la chaise qui était devant elle, les suivit.
L'arbre de Noël
Mes chers enfants, il n'est pas que vous ne connaissiez Susse et Giroux,
ces grands entrepreneurs du bonheur de la jeunesse; on vous a conduits
dans leurs splendides magasins, et l'on vous a dit, en vous ouvrant un
crédit illimité: «Venez, prenez, choisissez.» Alors vous vous êtes
arrêtés haletants, les yeux ouverts, la bouche béante, et vous avez eu un
de ces moments d'extase que vous ne retrouverez jamais dans votre vie,
même le jour où vous serez nommés académiciens, députés ou pairs de
France. Eh bien, il en fut ainsi que de vous de Fritz et de Marie, quand
ils entrèrent dans le salon et qu'ils virent l'arbre de Noël qui semblait
sortir de la grande table couverte d'une nappe blanche, et tout chargé,
outre ses pommes d'or, de fleurs en sucre au lieu de fleurs naturelles, et
de dragées et de pralines au lieu de fruits; le tout étincelant au feu de
cent bougies cachées dans son feuillage, et qui le rendaient aussi
éclatant que ces grands ifs d'illuminations que vous voyez les jours de
fêtes publiques. A cet aspect, Fritz tenta plusieurs entrechats qu'il
accomplit de manière à faire honneur M. Pochette, son maître de danse,
tandis que Marie n'essayait pas même de retenir deux grosses larmes de
joie, qui, pareilles à des perles liquides, roulaient sur son visage
épanoui comme sur une rose de mai.
Mais ce fut bien pis encore quand on passa de l'ensemble aux détails,
que les deux enfants virent la table couverte de joujoux de toute espèce,
que Marie trouva une poupée double de grandeur de mademoiselle
Rose, et une petite robe charmante de soie suspendue à une patère, de
manière qu'elle en pût faire le tour, et que Fritz découvrit, rangé sur la
table, un escadron de hussards vêtus de pelisses rouges avec des ganses
d'or, et montés sur des chevaux blancs, tandis qu'au pied de la même
table était attaché le fameux alezan qui faisait un si grand vide dans ses
écuries; aussi, nouvel Alexandre, enfourcha-t-il aussitôt le brillant
Bucéphale qui lui était offert tout sellé et tout bridé, et, après lui avoir
fait faire au grand galop trois ou quatre fois le tour de l'arbre de Noël,
déclara-t-il, en remettant pied à terre, que, quoique ce fût un animal très
sauvage et on ne peut plus rétif, il se faisait fort de le dompter de telle
façon qu'avant un mois il serait doux comme un agneau.
Mais, au moment où il mettait pied à terre, et où Marie venait de
baptiser sa nouvelle poupée du nom de mademoiselle Clarchen, qui
correspond en français au nom de Claire, comme celui de Roschen
correspond en allemand à celui de Rose, on entendit pour la seconde
fois le bruit argentin de la sonnette; les enfants se retournèrent du côté
où venait ce bruit, c'est-à-dire vers un angle du salon.
Alors ils virent une chose à laquelle ils n'avaient pas fait attention
d'abord, attirés qu'ils avaient été par le brillant arbre de Noël qui tenait
le beau milieu de la chambre: c'est que cet angle du salon était coupé
par un paravent chinois, derrière lequel il se faisait un certain bruit et
une certaine musique qui prouvaient qu'il se passait en cet endroit de
l'appartement quelque chose de nouveau et d'inaccoutumé. Les enfants
se souvinrent alors en même temps qu'ils n'avaient pas encore aperçu le
conseiller de médecine, et d'une même voix ils s'écrièrent:
--Ah! parrain Drosselmayer!
À ces mots, et comme si, en effet, il n'eût attendu que cette exclamation
pour faire ce mouvement, le paravent se replia sur lui-même et laissa
voir non seulement parrain Drosselmayer, mais encore! ...
Au milieu d'une prairie verte et émaillée de fleurs, un magnifique
château avec une quantité de fenêtres en glaces sur sa façade et deux
belles tours dorées sur ses ailes. Au même moment, une sonnerie
intérieure se fit entendre, les portes et les fenêtres
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