Histoire des plus célèbres amateurs italiens et de leurs relations avec les artistes | Page 9

Jules Dumesnil
de Léon X, et cardinal sous Paul III, quitta
Venise pour venir habiter Urbin, lorsque le duc eut reconquis ses États.
Il avait été attiré dans cette cour par l'amabilité de la duchesse, par
l'espoir d'y trouver une carrière, et surtout par l'amour des lettres qu'il
mettait au-dessus de tout, ainsi qu'il l'explique lui-même dans plusieurs
passages de sa correspondance[22].
[Note 22: Voir entre autres sa lettre à la duchesse Elisabeth d'Urbin et a
madame Emilia Pia, t. VIII, p. 43 de ses Oeuvres, édit. des Classiques
de Milan, 1810, dans laquelle il dit: Gli studj che sono il cibo della mia
vita.]
Il y avait aussi le comte Louis de Canossa, d'une très-illustre noblesse,
et non moins distingué par ses connaissances, qui lui valurent la
protection et l'amitié de Jules II, bon juge des bons esprits. S'étant fait
homme d'Église, il obtint plus tard l'évêché de Tricarico; et ayant été
envoyé nonce apostolique auprès du roi François Ier, il sut si bien
s'acquitter de sa mission, que le pape, pour le récompenser, le nomma
évêque de Baiussa.
Bernardo da Bibbiena de'Divizj avait été amené à la cour d'Urbin par
Julien de Médicis, dont il était un des serviteurs les plus dévoués. La
nature l'avait doué d'un esprit vif et fin, et il sut si bien l'exercer tant à
Urbin qu'à Rome, qu'il devint un des hommes les plus habiles de son

siècle à traiter les grandes affaires. La facilité qu'il avait à assaisonner
du sel piquant de son esprit les questions les plus graves, et l'amabilité
de ses manières lui acquirent la bienveillance de Guidobalde et du
cardinal Jean de Médicis. Lorsque ce dernier fut élu pape,
non-seulement il voulut l'employer à son service, mais il l'honora de la
dignité de cardinal. Il a laissé lui-même l'idée de son caractère, dans
cette pièce de la Calandria, par laquelle il a montré combien la
comédie peut procurer de plaisir, à l'aide du charme d'agréables
plaisanteries[23].
[Note 23: «E lasciô egli quasi che un ritralto di se medesimo, in quella
commedia, che intitolô La Calandria, nella quale mostrò con le
piacevolezze e con gli schezzj, quanto possa darci la scena.»--Baldi, ut
suprà, p. 209.]
Alexandre Trivulce était encore un des hôtes d'Urbin. Il s'était adonné à
la profession des armes, et fut employé à des expéditions importantes
par le roi François Ier, dont il reçut l'ordre de Saint-Michel.
Il exerça en outre d'autres charges honorables, fut sénateur de Milan et
général de la république de Florence. Il fut tué sous les murs de Reggio,
au grand déplaisir du roi de France, pendant qu'il parlementait avec
Guichardin, gouverneur de cette place.
On comptait encore à cette cour, Sigismondo Morello, de la famille de
Riccardi, seigneur d'Ortona et d'autres lieux, tant en Calabre qu'en
Sicile; Gaspard Pallavicino, Pietro da Napoli, Roberto da Bari, et
d'autres capitaines, barons et chevaliers du plus grand mérite. Les
hommes de lettres et les artistes étaient représentés par L'unico Aretino,
Giovanni Christoforo, Romano, Pietro Monti, Niccolò Frisio et
Terpandro.
C'est au milieu de tous ces hommes distingués que le Castiglione passa
les plus belles années de sa jeunesse. Il n'avait pas encore atteint sa
vingt-sixième année, lorsqu'il arriva pour la première fois à Urbin, le 6
septembre 1504. Il y fut accueilli avec la plus grande bienveillance et
beaucoup d'empressement par toute la cour, et en particulier par la
duchesse et par madame Emilia Pia, qui connaissaient déjà les qualités

brillantes de son esprit et la sûreté de ses relations.
Il est probable que c'est pendant ce premier séjour à Urbin que le
Castiglione eut l'occasion de connaître Raphaël et de nouer avec lui ces
relations qui, plus tard à Rome, devinrent si intimes, et ne furent
rompues que par la mort prématurée de l'Urbinate.
Le jeune artiste avait été appelé dans sa patrie par des affaires de
famille[24]. Pendant le peu de temps qu'il y passa, il exécuta pour le
due d'Urbin plusieurs petits tableaux, savoir: deux madones, dont l'une,
représentant la Vierge avec l'enfant Jésus, fut donnée par le duc au roi
d'Espagne, par celui-ci à Gustave-Adolphe, roi de Suède, père de la
reine Christine, et par cette dernière au duc d'Orléans, Gaston. On
suppose qu'elle aura été vendue avec les autres tableaux de la galerie
d'Orléans, et qu'elle doit être en Angleterre[25]. On ignore ce que
l'autre madone est devenue.
[Note 24: L'époque précise du retour de Raphaël dans sa ville natale est
un sujet de controverse entre un grand nombre de critiques et
d'historiens. M. Quatremère de Quincy, suivant en cela Vasari, dit qu'il
revint en 1505 à Urbin, où le rappelaient la mort de son père et celle de
sa mère. Mais Longhena, en traduisant ce passage, fait remarquer, p. 36,
que, suivant le, père Pungileoni, le père de Raphaël serait mort le 1er
août
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