Histoire de la magie | Page 9

Éliphas Lévi
mensonge? n'est-ce pas dissiper au jour les cauchemars informes de la nuit? C'est ce que penseront, nous n'en doutons pas, les lecteurs superficiels, et ils nous condamneront sans nous entendre. Les chr��tiens mal instruits croiront que nous venons saper le dogme fondamental de leur morale en niant l'enfer, et les autres demanderont �� quoi bon combattre des erreurs qui ne trompent d��j�� plus personne; c'est du moins ce qu'ils imaginent. Il importe donc de montrer clairement notre but et d'��tablir solidement nos principes. Nous disons d'abord aux chr��tiens:
L'auteur de ce livre est chr��tien comme vous. Sa foi est celle d'un catholique fortement et profond��ment convaincu: il ne vient donc pas nier des dogmes, il vient combattre l'impi��t�� sous ses formes les plus dangereuses, celles de la fausse croyance et de la superstition; il vient tirer des t��n��bres le noir successeur d'Arimanes, afin d'��taler au grand jour sa gigantesque impuissance et sa redoutable mis��re; il vient soumettre aux solutions de la science le probl��me antique du mal; il veut [11] d��couronner le roi des enfers et lui abaisser le front jusque sous le pied de la croix! La science Vierge et m��re, la science dont Marie est la douce et lumineuse image, n'est-elle pas pr��destin��e �� ��craser aussi la t��te de l'ancien serpent?
Aux pr��tendus philosophes l'auteur dira: Pourquoi niez-vous ce que vous ne pouvez comprendre? L'incr��dulit�� qui s'affirme en face de l'inconnu n'est-elle pas plus t��m��raire et moins consolante que la foi? Quoi, l'��pouvantable figure du mal personnifi�� vous fait sourire? Vous n'entendez donc pas le sanglot ��ternel de l'humanit�� qui se d��bat et qui pleure broy��e par les ��treintes du monstre? N'avez-vous donc jamais vu le rire atroce du m��chant opprimant le juste? N'avez-vous donc jamais senti s'ouvrir en vous-m��mes ces profondeurs infernales que creuse par instant dans toutes les ames le g��nie de la perversit��? Le mal moral existe, c'est une lamentable v��rit��; il r��gne dans certains esprits, il s'incarne dans certains hommes; il est donc personnifi��, il existe donc des d��mons, et le plus m��chant de ces d��mons est Satan. Voil�� tout ce que je vous demande d'admettre, et ce qu'il vous sera difficile de ne pas m'accorder.
Qu'il soit bien entendu, d'ailleurs, que la science et la foi ne se pr��tent un mutuel concours qu'autant que leurs domaines sont inviolables et s��par��s. Que croyons-nous? ce que nous ne pouvons absolument savoir bien que nous y aspirions de toutes nos forces. L'objet de la foi n'est pour la science qu'une hypoth��se n��cessaire, et jamais il ne faut juger des choses de la science avec les proc��d��s de la foi, ni, r��ciproquement, des choses de la foi avec les proc��d��s de la science. Le verbe de foi n'est pas scientifiquement discutable. ?Je crois, parce que c'est absurde,? [12] disait Tertullien, et cette parole, d'une apparence si paradoxale, est de la plus haute raison. En effet, au del�� de tout ce que nous pouvons raisonnablement supposer, il y a un infini auquel nous aspirons d'une soif ��perdue, et qui ��chappe m��me �� nos r��ves. Mais pour une appr��ciation finie, l'infini n'est-ce pas l'absurde? Nous sentons cependant que cela est. L'infini nous envahit; il nous d��borde; il nous donne le vertige avec ses ab?mes; il nous ��crase de toute sa hauteur. Toutes les hypoth��ses scientifiquement probables sont les derniers cr��puscules ou les derni��res ombres de la science; la foi commence o�� la raison tombe ��puis��e... Au del�� de la raison humaine, il y a la raison divine, le grand absurde pour ma faiblesse, l'absurde infini qui me confond et que je crois!
Mais le bien seul est infini; le mal ne l'est pas, et c'est pourquoi si Dieu est l'��ternel objet de la foi, le diable appartient �� la science. Dans quel symbole catholique, en effet, est-il question du diable? Ne serait-ce pas blasph��mer que de dire: Nous croyons en lui? Il est nomm��, mais non d��fini dans l'��criture sainte; la Gen��se ne parle nulle part d'une pr��tendue chute des anges; elle attribue le p��ch�� du premier homme au serpent, le plus rus�� et le plus dangereux des ��tres anim��s. Nous savons quelle est �� ce sujet la tradition chr��tienne; mais si cette tradition s'explique par une des plus grandes et des plus universelles all��gories de la science, qu'importera cette solution �� la foi qui aspire �� Dieu seul, et m��prise les pompes et les oeuvres de Lucifer?
Lucifer! Le porte-lumi��re! quel nom ��trange donn�� �� l'esprit des t��n��bres. Quoi c'est lui qui porte la lumi��re et qui aveugle les [13] ames faibles? Oui, n'en doutez pas, car les traditions sont pleines de r��v��lations et d'inspirations divines.
?Le diable porte la lumi��re, et souvent m��me, dit saint Paul, il se transfigure en ange de splendeur.?--?J'ai vu, disait le Sauveur du monde, j'ai vu Satan tomber du ciel comme la foudre.?--?Comment es-tu tomb��e du ciel, s'��crie
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