Histoire de la Revolution francaise, III | Page 9

Adolphe Thiers
qui ont provoqué le meurtre et le pillage, qui ont lancé des mandats d'arrêt contre des membres de la législative, qui désignent aux poignards les membres courageux de la convention, et qui imputent au peuple les excès qu'ils ordonnent eux-mêmes. Lorsqu'il en sera temps, il arrachera le voile qu'il ne fait que soulever, d?t-il périr sous leurs coups.?
Cependant les triumvirs n'étaient pas nommés. Osselin monte à la tribune et désigne la députation de Paris, dont il est membre; il dit que c'est contre elle qu'on s'étudie à exciter des défiances, qu'elle n'est ni assez profondément ignorante, ni assez profondément scélérate, pour avoir con?u des projets de triumvirat et de dictature; qu'il fait serment du contraire, et demande l'anathème et la mort contre le premier qui serait surpris méditant de pareils projets. ?Que chacun, ajoute-t-il, me suive à la tribune, et y fasse la même déclaration:--Oui, s'écrie Rebecqui, le courageux ami de Barbaroux; oui, ce parti accusé de projets tyranniques existe, et je le nomme: c'est le parti Robespierre. Marseille le conna?t, et nous envoie ici pour le combattre.?
Cette apostrophe hardie cause une grande rumeur dans l'assemblée. Les yeux se dirigent sur Robespierre. Danton se hate de prendre la parole pour apaiser ces divisions, et écarter des accusations qu'il savait en partie dirigées contre lui-même. ?Ce sera, dit-il, un beau jour pour la république que celui où une explication franche et fraternelle calmera toutes ces défiances. On parle de dictateurs, de triumvirs; mais cette accusation est vague et doit être signée.--Moi je la signerai, s'écrie de nouveau Rebecqui, en s'élan?ant au bureau.--Soit, répond Danton; s'il est des coupables, qu'ils soient immolés, fussent-ils les meilleurs de mes amis. Pour moi, ma vie est connue. Dans les sociétés patriotiques, au 10 ao?t, au conseil exécutif, j'ai servi la cause de la liberté sans aucune vue personnelle, et avec _l'énergie de mon tempérament_. Je ne crains donc pas les accusations pour moi-même; mais je veux les épargner à tout le monde. Il est, j'en conviens, dans la députation de Paris, un homme qu'on pourrait appeler le Royou des républicains: c'est Marat. Souvent on m'a accusé d'être l'instigateur de ses placards; mais j'invoque le témoignage du président, et je lui demande de déclarer si, dans la commune et les comités, il ne m'a pas vu souvent aux prises avec Marat. Au reste, cet écrivain tant accusé a passé une partie de sa vie dans les souterrains et les cachots. La souffrance a altéré son humeur, il faut excuser ses emportemens. Mais laissez là des discussions tout individuelles, et tachez de les faire servir à la chose publique. Portez la peine de mort contre quiconque proposera la dictature ou le triumvirat.? Cette motion est couverte d'applaudissemens. ?Ce n'est pas tout, reprend Danton, il est une autre crainte répandue dans le public, et il faut la dissiper. On prétend qu'une partie des députés médite le régime fédératif, et la division de la France en une foule de sections. Il nous importe de former un tout. Déclarez donc, par un autre décret, l'unité de la France et de son gouvernement. Ces bases posées, écartons nos défiances, soyons unis, et marchons à notre but!?
Buzot répond à Danton que la dictature se prend, mais ne se demande pas, et que porter des lois contre cette demande est illusoire; que quant au système fédératif, personne n'y a songé; que la proposition d'une garde départementale est un moyen d'unité, puisque tous les départemens seront appelés à garder en commun la représentation nationale; qu'au reste, il peut être bon de faire une loi sur ce sujet, mais qu'elle doit être m?rement réfléchie, et qu'en conséquence il faut renvoyer les propositions de Danton à la commission des six; décrétée la veille.
Robespierre, personnellement accusé, demande à son tour la parole. D'abord il annonce que ce n'est pas lui qu'il va défendre, mais la chose publique, attaquée dans sa personne. S'adressant à Rebecqui: ?Citoyen, lui dit-il, qui n'avez pas craint de m'accuser, je vous remercie. Je reconnais à votre courage la cité célèbre qui vous a député. La patrie, vous et moi, nous gagnerons tous à cette accusation.
?On désigne, continue-t-il, un parti qui médite une nouvelle tyrannie, et c'est moi qu'on en nomme le chef. L'accusation est vague; mais, grace à tout ce que j'ai fait pour la liberté, il me sera facile d'y répondre. C'est moi qui, dans la constituante, ai pendant trois ans combattu toutes les factions, quelque nom qu'elles empruntassent; c'est moi qui ai combattu contre la cour, dédaigné ses présens; c'est moi...--Ce n'est pas la question, s'écrient plusieurs députés.--Il faut qu'il se justifie, répond Tallien.--Puisqu'on m'accuse, reprend Robespierre, de trahir la patrie, n'ai-je pas le droit d'opposer ma vie toute entière?? Il recommence alors l'énumération de ses doubles services contre l'aristocratie et contre les faux patriotes qui prenaient le masque de la
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