trois colonnes, de Challans, Clisson et Sainte-Hermine, trois points placés à la circonférence du pays, et de les porter sur Belleville, qui était le quartier-général de Charette. Ces trois colonnes, fortes de vingt à vingt-deux mille hommes, devaient, par leur masse, imposer à la contrée, ruiner le principal établissement de Charette, et le jeter, par une attaque brusque et vigoureuse, dans un désordre tel qu'il ne p?t protéger le débarquement du prince émigré. Hoche, en effet, fit partir ces trois colonnes, et les réunit à Belleville sans y trouver d'obstacles. Charette, dont il espérait rencontrer et battre le principal rassemblement, n'était point à Belleville; il avait réuni neuf à dix mille hommes, et s'était dirigé du c?té de Lu?on pour porter le théatre de la guerre vers le midi du pays, et éloigner des c?tes l'attention des républicains. Son plan était bien con?u, mais il manqua par l'énergie qui lui fut opposée. Tandis que Hoche entrait à Belleville avec ses trois colonnes, Charette était devant le poste de Saint-Cyr, qui couvre la route de Lu?on aux Sables. Il attaqua ce poste avec toutes ses forces; deux cents républicains retranchés dans une église y firent une résistance héro?que, et donnèrent à la division de Lu?on, qui entendait la canonnade, le temps d'accourir à leur secours. Charette, pris en flanc, fut entièrement battu, et obligé de se disperser avec son rassemblement pour rentrer dans l'intérieur du Marais.
Hoche, ne trouvant pas l'ennemi devant lui, et découvrant la véritable intention de son mouvement, ramena ses colonnes aux points d'où elles étaient parties, et s'occupa d'établir un camp retranché à Soullans, vers la c?te, pour fondre sur le premier corps qui essaierait de débarquer. Dans cet intervalle, le prince émigré, entouré d'un nombreux conseil et des envoyés de tous les chefs bretons et vendéens, continuait de délibérer sur les plans de débarquement, et laissait à Hoche le temps de préparer ses moyens de résistance. Les voiles anglaises, demeurant en vue des c?tes, ne cessaient de provoquer les craintes des républicains et les espérances des royalistes.
Ainsi, dès les premiers jours de l'installation du directoire, une défaite devant Mayence, et un débarquement imminent dans la Vendée, étaient des sujets d'alarme dont les ennemis du gouvernement se servaient avec une grande perfidie pour rendre son établissement plus difficile. Il fit expliquer ou démentir une partie des bruits qu'on répandait sur la situation des deux frontières, et donna des éclaircissemens sur les événemens qui venaient de se passer. On ne pouvait guère dissimuler la défaite essuyée devant les lignes de Mayence; mais le gouvernement fit répondre aux discours des alarmistes que Dusseldorf et Neuwied nous restaient encore; que Manheim était toujours en notre pouvoir; que par conséquent l'armée de Sambre-et-Meuse avait deux têtes de pont, et l'armée du Rhin une, pour déboucher quand il leur conviendrait au-delà du Rhin; que notre situation était donc la même que celle des Autrichiens, puisque, s'ils étaient ma?tres par Mayence d'agir sur les deux rives, nous l'étions nous aussi par Dusseldorf, Neuwied et Manheim. Le raisonnement était juste; mais il s'agissait de savoir si les Autrichiens, poursuivant leurs succès, ne nous enlèveraient pas bient?t Neuwied et Manheim, et ne s'établiraient pas sur la rive gauche, entre les Vosges et la Moselle. Quant à la Vendée, le gouvernement fit part des dispositions vigoureuses de Hoche, qui étaient rassurantes pour les esprits de bonne foi, mais qui n'empêchaient pas les patriotes exaltés de concevoir des craintes, et les contre-révolutionnaires d'en répandre.
Au milieu de ces dangers, le directoire redoublait d'efforts pour réorganiser le gouvernement, l'administration, et surtout les finances. Trois milliards d'assignats lui avaient été accordés, comme on a vu, et avaient produit tout au plus vingt et quelques millions en écus. L'emprunt volontaire ouvert à trois pour cent, dans les derniers jours de la convention, venait d'être suspendu; car pour un capital en papier, l'état promettait une rente réelle, et faisait un marché ruineux. La taxe extraordinaire de guerre proposée par la commission des cinq n'avait pas encore été mise à exécution, et excitait des plaintes comme un dernier acte révolutionnaire de la convention à l'égard des contribuables. Tous les services allaient manquer. Les particuliers, remboursés d'après l'échelle de proportion, élevaient des réclamations si amères, qu'on avait été obligé de suspendre les remboursemens. Les ma?tres de poste, payés en assignats, annon?aient qu'ils allaient se retirer; car les secours insuffisans du gouvernement ne couvraient plus leurs pertes. Le service des postes allait manquer sous peu, c'est-à-dire que toutes les communications, même écrites, allaient cesser dans toutes les parties du territoire. Le plan des finances annoncé sous quelques jours devait donc être donné sur-le-champ. C'était là le premier besoin de l'état et le premier devoir du directoire. Il fut enfin communiqué à la commission des finances.
La masse des assignats circulans pouvait être évaluée à environ 20 milliards.
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