Histoire de la Révolution française, VIII. | Page 7

Adolphe Thiers
d'émigrés mena?ait la république. Après la funeste descente de Quiberon, qui ne fut tentée, comme on l'a vu, qu'avec une partie des forces préparées par le gouvernement anglais, les débris de l'expédition avaient été transportés sur la flotte anglaise, et déposés ensuite dans la petite ?le d'Ouat. On avait débarqué là les malheureuses familles du Morbihan qui étaient accourues au-devant de l'expédition, et le reste des régimens émigrés. Une épidémie et d'affreuses discordes régnaient sur ce petit écueil. Au bout de quelque temps, Puisaye, rappelé par tous les chouans qui avaient rompu la pacification, et qui n'attribuaient qu'aux Anglais, et non à leur ancien chef, le malheur de Quiberon, Puisaye était retourné en Bretagne, où il avait tout préparé pour un redoublement d'hostilités. Pendant l'expédition de Quiberon, les chefs de la Vendée étaient demeurés immobiles, parce que l'expédition ne se dirigeait pas chez eux, parce qu'ils avaient défense des agens de Paris de seconder Puisaye, et enfin parce qu'ils attendaient un succès avant d'oser encore se compromettre. Charette seul était entré en contestation avec les autorités républicaines, au sujet de différens désordres commis dans son arrondissement, et de quelques préparatifs militaires qu'on lui reprochait de faire, et il avait presque ouvertement rompu. Il venait de recevoir, par l'intermédiaire de Paris, de nouvelles faveurs de Vérone, et d'obtenir le commandement en chef des pays catholiques; ce qui était le but de tous ses voeux. Cette nouvelle dignité, en refroidissant le zèle de ses rivaux, avait singulièrement excité le sien. Il espérait une nouvelle expédition dirigée sur ses c?tes; et le commodore Waren lui ayant offert les munitions restant de l'expédition de Quiberon, il n'avait plus hésité; il avait fait sur le rivage une attaque générale, replié les postes républicains, et recueilli quelques poudres et quelques fusils. Les Anglais débarquèrent en même temps sur la c?te du Morbihan les malheureuses familles qu'ils avaient tra?nées à leur suite, et qui mouraient de faim et de misère dans l'?le d'Ouat. Ainsi, la pacification était rompue et la guerre recommencée.
Depuis long-temps les trois généraux républicains, Aubert-Dubayet, Hoche et Canclaux, qui commandaient les trois armées dites de Cherbourg, de Brest et de l'Ouest, regardaient la pacification comme rompue, non-seulement dans la Bretagne, mais aussi dans la Basse-Vendée. Ils s'étaient réunis tous trois à Nantes, et n'avaient rien su résoudre. Ils se mettaient néanmoins en mesure d'accourir individuellement sur le premier point menacé. On parlait d'un nouveau débarquement; on disait, ce qui était vrai, que la division de Quiberon n'était que la première, et qu'il en arrivait encore une autre. Averti des nouveaux dangers qui mena?aient les c?tes, le gouvernement fran?ais nomma Hoche au commandement de l'armée de l'Ouest. Le vainqueur de Wissembourg et de Quiberon était l'homme en effet auquel, dans ce danger pressant, était due toute la confiance nationale. Il se rendit aussit?t à Nantes pour remplacer Canclaux. Les trois armées destinées à contenir les provinces insurgées avaient été successivement renforcées par quelques détachemens venus du Nord, et par plusieurs des divisions que la paix avec l'Espagne rendait disponibles. Hoche se fit autoriser à tirer de nouveaux détachemens des deux armées de Brest et de Cherbourg, pour en augmenter celle de la Vendée, qu'il porta ainsi à quarante-quatre mille hommes. Il établit des postes fortement retranchés sur la Sèvre Nantaise qui coule entre les deux Vendées, et qui séparait le pays de Stofflet de celui de Charette. Il avait pour but d'isoler ainsi ces deux chefs, et de les empêcher d'agir de concert. Charette avait entièrement levé le masque, et proclamé de nouveau la guerre. Stofflet, Sapinaud, Scépeaux, jaloux de voir Charette nommé généralissime, intimidés aussi par les préparatifs de Hoche, et incertains de l'arrivée des Anglais, ne bougeaient point encore. L'escadre anglaise parut enfin, d'abord dans la baie de Quiberon, et puis dans celle de l'Ile-Dieu, en face de la Basse-Vendée. Elle portait deux mille hommes d'infanterie anglaise, cinq cents cavaliers tout équipés, des cadres de régimens émigrés, grand nombre d'officiers, des armes, des munitions, des vivres, des vêtemens pour une armée considérable, des fonds en espèces métalliques, et enfin le prince tant attendu. Des forces plus considérables devaient suivre si l'expédition avait un commencement de succès, et si le prince prouvait son désir sincère de se mettre à la tête du parti royaliste. A peine l'expédition fut signalée sur les c?tes, que tous les chefs royalistes avaient envoyé des émissaires auprès du prince, pour l'assurer de leur dévouement, pour réclamer l'honneur de le posséder, et concerter leurs efforts. Charette, ma?tre du littoral, était le mieux placé pour concourir au débarquement, et sa réputation, ainsi que le voeu de toute l'émigration, attirait l'expédition vers lui. Il envoya aussi des agens pour arrêter un plan d'opérations.
Hoche, pendant ce temps, faisait ses préparatifs avec son activité et sa résolution accoutumées. Il forma le projet de diriger
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