des jacobins; et ils firent les plus grands efforts pour
l'accomplir. Depuis que les assemblées de sections avaient été réduites
à deux par semaine, afin que le peuple pût y assister et y faire triompher
les motions révolutionnaires, les sections s'étaient formées en sociétés
populaires. Le nombre de ces sociétés était très grand à Paris; il y en
avait jusqu'à deux ou trois par section. Nous avons rapporté déjà les
plaintes dont elles étaient devenues l'objet. On disait que les
aristocrates, c'est-à-dire les commis, les clercs de procureurs,
mécontens[1] de la réquisition, les anciens serviteurs de la noblesse,
tous ceux enfin qui avaient quelque motif de résister au système
révolutionnaire, se réunissaient dans ces sociétés, et y montraient
l'opposition qu'ils n'osaient manifester aux Jacobins ou dans les
sections. Le grand nombre de ces sociétés secondaires en empêchait la
surveillance, et on émettait là quelquefois des opinions qui n'auraient
pas osé se produire ailleurs. Déjà on avait proposé de les abolir. Les
jacobins n'avaient pas le droit de s'en occuper, et le gouvernement ne
l'aurait pas pu sans paraître gêner la liberté de s'assembler et de
délibérer en commun, liberté si préconisée à cette époque, et réputée
devoir être sans limites. Sur la proposition de Collot, les jacobins
décidèrent qu'ils ne recevraient plus de députation de la part des
sociétés formées à Paris depuis le 10 août, et que la correspondance ne
leur serait plus continuée. Quant à celles qui avaient été formées à Paris
avant le 10 août, et qui jouissaient de la correspondance, il fut décidé
qu'on ferait un rapport sur chacune d'elles, pour examiner si elles
devaient conserver cet avantage. Cette mesure concernait
particulièrement les cordeliers, déjà frappés dans leurs chefs, Ronsin,
Vincent, Hébert, et regardés depuis comme suspects. Ainsi, toutes les
sociétés sectionnaires étaient flétries par cette déclaration, et les
cordeliers allaient subir un rapport.
L'effet qu'on espérait de cette mesure ne fut pas long-temps à se faire
attendre. Toutes les sociétés sectionnaires, intimidées ou averties,
vinrent l'une après l'autre à la convention et aux jacobins déclarer leur
dissolution volontaire. Toutes félicitaient également la convention et
les jacobins, et déclaraient que, réunies dans l'intérêt public, elles se
séparaient volontairement, puisqu'on avait jugé que leurs réunions
nuisaient à la cause qu'elles voulaient servir. Dès cet instant, il ne resta
plus à Paris que la société-mère des jacobins, et, dans les provinces, que
les sociétés affiliées. A la vérité, celle des cordeliers subsistait encore à
côté de sa rivale. Créée jadis par Danton, ingrate envers son fondateur,
et toute dévouée depuis à Hébert, Ronsin et Vincent, elle avait inquiété
un moment le gouvernement, et rivalisé avec les jacobins. Il s'y
réunissait encore les débris des bureaux de Vincent et de l'armée
révolutionnaire. On ne pouvait pas la dissoudre; on fit le rapport qui la
concernait. Il fut reconnu que depuis quelque temps elle ne
correspondait que très rarement et très négligemment avec les jacobins,
et que par conséquent il était pour ainsi dire inutile de lui conserver la
correspondance. On proposa, à cette occasion, d'examiner s'il fallait à
Paris plus d'une société populaire. On osa même dire qu'il faudrait
établir un seul centre d'opinion, et le placer aux Jacobins. La société
passa à l'ordre du jour sur toutes ces propositions, et ne décida pas
même si la correspondance serait accordée aux cordeliers. Mais ce club
jadis célèbre avait terminé son existence: entièrement abandonné, il ne
comptait plus pour rien, et les jacobins restèrent, avec le cortège de
leurs sociétés affiliées, seuls maîtres et régulateurs de l'opinion.
Après avoir centralisé, si on peut le dire, l'opinion, on songea à en
régulariser l'expression, à la rendre moins bruyante et moins
incommode pour le gouvernement. La censure continuelle et la
dénonciation des fonctionnaires publics, magistrats, députés, généraux,
administrateurs, avait fait jusqu'alors la principale occupation des
jacobins. Cette fureur de poursuivre et d'attaquer sans cesse les agens[1]
de l'autorité avait eu ses inconvéniens[1], mais aussi ses avantages tant
qu'on avait pu douter de leur zèle et de leurs opinions. Mais aujourd'hui
que le comité s'était vigoureusement emparé du pouvoir, qu'il
surveillait ses agens avec un grand soin, et les choisissait dans le sens le
plus révolutionnaire, il ne pouvait plus long-temps permettre aux
jacobins de se livrer à leurs soupçons accoutumés, et d'inquiéter les
fonctionnaires pour la plupart bien surveillés et bien choisis. C'eût été
même un danger pour l'état. C'est à l'occasion des généraux
Charbonnier et Dagobert, calomniés tous les deux, tandis que l'un
remportait des avantages sur les Autrichiens, et que l'autre expirait dans
la Cerdagne, chargé d'ans et de blessures, que Collot-d'Herbois se
plaignit aux jacobins de cette manière indiscrète de poursuivre les
généraux et les fonctionnaires de toute espèce. Suivant l'usage de tout
rejeter sur les morts, il imputa cette fureur de dénonciation aux restes
de la faction Hébert, et engagea
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