de salut public.»
La soumission de Legendre devint bientôt générale. De toutes les
parties de la France, arrivèrent une foule d'adresses où l'on félicitait la
convention et le comité de salut public de leur énergie. Le nombre de
ces adresses est incalculable. Dans tous les styles, avec les formes les
plus burlesques, chacun s'empressait d'adhérer aux actes du
gouvernement, et d'en reconnaître la justice. Rhodez envoya l'adresse
suivante: «Dignes représentans[1] d'un peuple libre, c'est donc en vain
que les enfans[1] des Titans ont levé leur tête altière, la foudre les a
tous renversés!... Quoi, citoyens! pour de viles richesses vendre sa
liberté!... La constitution que vous nous avez donnée a ébranlé tous les
trônes, épouvanté tous les rois. La liberté avançant à pas de géant, le
despotisme écrasé, la superstition anéantie, la république reprenant son
unité, les conspirateurs dévoilés et punis, des mandataires infidèles, des
fonctionnaires publics lâches et perfides tombant sous la hache de la loi,
les fers des esclaves du Nouveau-Monde brisés: voilà vos trophées!...
S'il existe encore des intrigans[1], qu'ils tremblent! que la mort des
conjurés atteste votre triomphe! Pour vous, représentans[1], vivez
heureux des sages lois que vous avez faites pour le bonheur de tous les
peuples, et recevez le tribut de notre amour[2]!»
[Note 1: «enfans» au lieu de «enfants», conformément à l'orthographe
de l'édition originale de 1824; des exemples similaires seront
rencontrés cidessous.]
[Note 2: Séance du 26 germinal; numéro 208 du Moniteur de l'an II
(avril 1794).]
Ce n'était point par horreur pour les moyens sanguinaires que le comité
avait frappé les ultra-révolutionnaires, mais pour affermir l'autorité, et
pour écraser les résistances qui arrêtaient son action. Aussi le vit-on
depuis tendre constamment à un double but, se rendre toujours plus
formidable, et concentrer de plus en plus le pouvoir dans ses mains.
Collot, qui était devenu l'orateur du gouvernement aux Jacobins,
exprima de la manière la plus énergique la politique du comité. Dans
un discours violent, où il traçait à toutes les autorités la route nouvelle
qu'elles devaient suivre, et le zèle qu'elles devaient déployer dans leurs
fonctions, il dit: «Les tyrans ont perdu leurs forces; leurs armées
tremblent en présence des nôtres; déjà quelques despotes cherchent à se
retirer de la coalition. Dans cet état, il ne leur reste qu'un espoir, ce sont
les conspirations intérieures. Il ne faut donc pas cesser d'avoir l'oeil
ouvert sur les traîtres. Comme nos frères, vainqueurs sur les frontières,
ayons tous nos armes en joue et faisons feu tous à la fois. Pendant que
les ennemis extérieurs tomberont sous les coups de nos soldats, que les
ennemis intérieurs tombent sous les coups du peuple. Notre cause,
défendue par la justice et l'énergie, sera triomphante. La nature fait tout
cette année pour les républicains; elle leur promet une abondance
double. Les feuilles qui poussent annoncent la chute des tyrans. Je vous
le répète, citoyens, veillons au dedans, tandis que nos guerriers
combattent au dehors; que les fonctionnaires chargés de la surveillance
publique redoublent de soins et de zèle, qu'ils se pénètrent bien de cette
idée, qu'il n'y a peut-être pas une rue, pas un carrefour où il ne se trouve
un traître qui médite un dernier complot. Que ce traître trouve la mort,
et la mort la plus prompte! Si les administrateurs, si les fonctionnaires
publics veulent trouver une place dans l'histoire, voici le moment
favorable pour y songer. Le tribunal révolutionnaire s'y est assuré déjà
une place marquée. Que toutes les administrations sachent imiter son
zèle et son inexorable énergie; que les comités révolutionnaires surtout
redoublent de vigilance et d'activité, et qu'ils sachent se soustraire aux
sollicitations dont on les assiège, et qui les portent à une indulgence
funeste à la liberté.»
Saint-Just fit à la convention un rapport formidable sur la police
générale de la république[3]. Il y répéta l'histoire fabuleuse de toutes les
conspirations, il les montra comme le soulèvement de tous les vices
contre le régime austère de la république; il dit que le gouvernement,
loin de se ralentir, devait frapper sans cesse, jusqu'à ce qu'il eût immolé
tous les êtres dont la corruption était un obstacle à l'établissement de la
vertu. Il fit l'éloge accoutumé de la sévérité, et chercha, comme on le
faisait alors, par des figures de toute espèce, à prouver que l'origine des
grandes institutions devait être terrible. «Que serait devenue, dit-il, une
république indulgente?... Nous avons opposé le glaive au glaive, et la
république est fondée. Elle est sortie du sein des orages: cette origine
lui est commune avec le monde sorti du chaos, et avec l'homme qui
pleure en naissant.»
[Note 3: 26 germinal an II (15 avril).]
En conséquence de ces maximes, Saint-Just proposa une mesure
générale contre les ex-nobles. C'était la première de ce genre qu'on eût
rendue. Danton, l'année précédente, avait, dans un moment de fougue,
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