voyant leur coup manqué, firent bonne contenance, et, traitant de terreur panique la précaution que le roi avait prise, ils se retirèrent pour former un nouveau projet de révolte, qui n'éclata cependant que l'année suivante.
Ce fut pendant la tranquillité que procura dans le royaume l'accommodement avec les seigneurs mécontens, dont je viens de parler, que la régente termina une autre affaire importante, dont la consommation fut très-glorieuse et fort utile pour le royaume, ayant procuré la réunion à la couronne du comté de Toulouse et de ses dépendances.
Le pape sollicitait vivement la régente de ne point abandonner la cause de la religion, et de continuer à réduire les Albigeois, dont la mort du roi son mari avait arrêté la ruine totale. Le légat, pour ce sujet, fit payer par le clergé une grosse contribution que la reine employa utilement. Elle procura des secours à Imbert de Beaujeu, dont la prudence et l'activité avaient conservé les conquêtes qu'on avait faites sur ces hérétiques. Ayant re?u un nouveau renfort, il fatigua tellement les Toulousains par ses courses continuelles aux environs de leur ville, par les alarmes qu'il leur donnait sans cesse, qu'il les mit enfin à la raison, et obligea le comte de Toulouse à rentrer dans le sein de l'Eglise, et à abandonner les Albigeois.
Le cardinal de Saint-Ange, qui était revenu en France depuis quelque temps, profita de la consternation des Toulousains: il leur envoya l'abbé Guérin de Grand-Selve, pour leur offrir la paix. Ils répondirent qu'ils étaient prêts à la recevoir; et, sur cette réponse, la régente leur ayant fait accorder une trève, on commen?a à traiter à Baziège, auprès de Toulouse, et, peu de temps après, la ville de Meaux fut choisie pour les conférences. Le comte Raymond s'y rendit avec plusieurs des principaux habitans de Toulouse. Le cardinal-légat et plusieurs prélats s'y trouvèrent aussi. La négociation ayant été fort avancée dans diverses conférences, l'assemblée fut transférée à Paris, pour terminer entièrement l'affaire en présence du roi.
La régente et le légat conclurent enfin un traité par lequel il fut stipulé, 1.° que le comte de Toulouse donnerait Jeanne sa fille, qui n'avait alors que neuf ans, en mariage à Alfonse de France, un des frères du roi; 2.° que le comte de Toulouse jouirait des seuls biens qui lui appartenaient dans les bornes de l'évêché de Toulouse, et de quelques autres dans les évêchés de Cahors et d'Agen; qu'il n'en aurait que l'usufruit, et que toute sa succession reviendrait, après sa mort, à sa fille, à Alfonse son mari, et à leur postérité; et qu'au cas qu'il ne restat point d'enfans de ce mariage, le comté de Toulouse serait réuni à la couronne (comme il arriva en effet, après la mort de Jeanne et d'Alfonse); 3.° que le comte remettrait au roi toutes les places et toutes les terres qu'il possédait au-delà du Rh?ne et en-de?à, hors l'évêché de Toulouse; qu'il lui livrerait la citadelle de cette ville, et quelques autres places des environs, où le roi tiendrait garnison pendant dix ans; 4.° que le comte irait dans dix ans au plus tard dans la Palestine, combattre à ses propres frais contre les Sarrasins pendant cinq ans. Enfin, le comte de Toulouse, pour assurer l'accomplissement de tous les articles du traité, se constitua prisonnier dans la tour du Louvre, jusqu'à ce que les murailles de Toulouse, et de quelques autres villes et forteresses, eussent été détruites, comme on en était convenu, et que Jeanne sa fille e?t été remise entre les mains des envoyés de la régente, etc.
Ensuite de ce traité, le comte fit amende honorable dans l'église de Paris, pieds nus, et en chemise, en présence du cardinal-légat et de tout le peuple de Paris.
Après cette paix conclue, on tint un célèbre concile à Toulouse pour réconcilier cette ville à l'Eglise. Il fallut toutefois encore quelques années pour rétablir une parfaite tranquillité dans le pays, où il se fit de temps en temps quelques soulèvemens par les intrigues du comte de la Marche et de quelques autres seigneurs; mais elles n'eurent pas de grandes suites.
Ce que je viens de rapporter s'exécuta pendant la troisième année de la minorité du jeune roi, avec beaucoup de gloire pour la reine régente, et beaucoup de chagrin pour les factieux, qui n'osant plus s'attaquer directement au roi, résolurent de tourner leurs armes contre Thibaud, comte de Champagne, pour se venger de ce qu'il les avait empêchés de se rendre ma?tres de la personne de Louis.
Les factieux attaquent le comte de Champagne.
Le comte de Bretagne, auquel il ne co?tait pas plus de demander des graces, que de s'en rendre indigne, et le comte de la Marche, étaient toujours les chefs de cette faction, aussi bien que le comte de Boulogne, qui, sans vouloir para?tre d'abord et se mettre en campagne, se contenta de
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