Histoire de Paris depuis le temps des Gaulois jusquà nos jours - II | Page 8

Théophile Lavallée
détruit ce monument; mais, dès le VIe siècle, sur son emplacement, existait une chapelle dédiée à saint étienne, à laquelle on adjoignit, dans le siècle suivant, une autre chapelle dédiée à Notre-Dame. Ces deux petits édifices composaient l'église sacro-sainte des Parisiens ou la cathédrale. Des fouilles faites en 1847 dans le parvis ont mis à découvert les substructions de cette église qui étaient superposées à des constructions romaines. On croit que c'est dans cette cathédrale que Frédégonde se réfugia après le meurtre de son époux, comme dans un asile inviolable, et que Gontran sollicita le peuple ?de ne pas le tuer comme il avait déjà tué ses frères[7].? Un concile y fut tenu en 829.
[Note 7: Grég. de Tours, liv. VII, ch. VIII.]
L'église Notre-Dame, telle qu'elle existe aujourd'hui, date de 1161. Sa construction est due à l'évêque de Paris, Maurice de Sully, et le pape Alexandre III en posa la première pierre. On put y célébrer l'office divin dès 1185, et la masse de l'édifice fut achevée (p.020) en 1223; mais il fallut encore plus d'un siècle pour achever les innombrables détails de sculpture que nos pères y ont prodigués, le triple portail et la triple galerie de sa fa?ade, ses portails latéraux, ses trois grandes fenêtres à vitraux, toutes ces arabesques, ces dentelles, ces colonnettes, ces statues, ces pierres travaillées à jour, qui font de Notre-Dame l'un des plus précieux monuments du moyen age.
Cet édifice a 130 mètres de long sur 48 de large et 35 de hauteur. Les deux tours ont 68 mètres d'élévation. On a cru longtemps qu'il était bati sur pilotis et qu'un perron de onze marches y conduisait: l'inexactitude de ces deux assertions vulgaires a été démontrée par les travaux de 1711 et les fouilles de 1847.
L'histoire de cet édifice populaire et vénéré est liée à l'histoire de Paris et même à l'histoire de France. Que de fêtes y ont été célébrées! que de baptêmes et de mariages royaux, de Te Deum et de De profundis! que de générations ont passé sous ces sombres portails! que de drapeaux conquis par nos armes ont été suspendus sous ces antiques vo?tes! Tous nos rois y sont venus remercier Dieu de leurs victoires, tous se sont empressés d'ajouter quelque chose à sa splendeur. Philippe-le-Bel, en mémoire de sa bataille de Mons-en-Puelle, avait fait placer à l'entrée du choeur sa statue équestre élevée sur deux colonnes. Louis XIV fit reconstruire tout le sanctuaire avec une grande magnificence: alors fut placée la belle descente de croix, oeuvre de Coustou a?né, qui orne encore le ma?tre-autel, et aux deux c?tés de laquelle se trouvaient les figures agenouillées de Louis XIII et de Louis XIV offrant leur couronne à la Vierge.
Dans l'église Notre-Dame se trouvaient les sépultures de la plupart des évêques de Paris, du maréchal de Guébriant, de Gilles Ménage, etc.
Quand la révolution arriva, les Parisiens associèrent la vieille (p.021) cathédrale à leur enthousiasme pour la liberté: on y chanta des Te Deum pour la prise de la Bastille, pour la nuit du 4 ao?t, pour la séance du 4 février, pour l'acceptation de la Constitution; Bailly et La Fayette y firent le serment ?de consacrer leur vie à la défense de la liberté conquise;? la garde nationale y vint faire bénir ses drapeaux. Mais, en 1793, quand la Commune de Paris tomba sous la stupide domination des hébertistes, Notre-Dame fut dépouillée de ses objets d'art, mutilée dans toutes ses parties, principalement dans sa fa?ade, enfin transformée en un théatre impie pour le culte de la Raison[8]. Après la cessation de ces saturnales, l'église fut fermée et servit quelquefois aux rassemblements de la section de la Cité, section très-révolutionnaire; c'est là que se réfugièrent les meneurs de la journée du 12 germinal. Nous avons vu qu'elle fut rendue au clergé constitutionnel sous le Directoire, mais que les théophilanthropes en firent un temple à l'être suprême; qu'il s'y tint en 1801 un concile où assistèrent cent vingt prêtres ou évoques constitutionnels; que, le 18 avril 1802, une messe et un Te Deum y furent célébrés pour le rétablissement officiel du culte catholique; enfin que, le 2 décembre 1804, dans cette basilique de saint Louis et de Louis XIV, où semblait empreinte toute la monarchie ancienne, Napoléon fut sacré, comme Pépin-le-Bref, de la main du successeur des ap?tres.
[Note 8: Hist. gén. de Paris, p. 172.]
Notre-Dame a eu la meilleure part des déblaiements modernes de la Cité. Autrefois elle avait sur sa gauche l'Archevêché, sur sa droite le Clo?tre, et nous avons dit que son parvis était encombré par l'H?tel-Dieu, deux églises et plusieurs maisons. L'Archevêché était le vieux palais construit en 1161 par Maurice de Sully, siége de l'officialité, devant lequel avaient lieu les duels judiciaires; il servit de citadelle au cardinal de Retz pendant les troubles de la Fronde, fut reconstruit en
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