condamnés; les maisons de l'ordre avaient droit d'asile. Philippe le Bel lui-même en avait profité en 1306, lorsqu'il était poursuivi par le peuple soulevé. Il restait encore, à l'époque de la Révolution, un monument de cette ingratitude royale, la grosse tour à quatre tourelles, batie en 1222. Elle servit de prison à Louis XVI.
[Note 19: La Coulture du Temple, contigu? à celle de Saint-Gervais, comprenait presque tout le domaine des Templiers, qui s'étendait le long de la rue du Temple, depuis la rue Sainte-Croix ou les environs de la rue de la Verrerie jusqu'au delà des murs, des fossés et de la porte du Temple. (Sauval.)]
Le Temple de Paris était le centre de l'ordre, son trésor; les chapitres généraux s'y tenaient. De cette maison dépendaient toutes les provinces de l'ordre: Portugal, Castille et Léon, Aragon, Majorque, Allemagne, Italie, Pouille et Sicile, Angleterre et Irlande. Dans le nord, l'ordre teutonique était sorti du Temple, comme en Espagne d'autres ordres militaires se formèrent de ses débris. L'immense majorité des Templiers étaient Fran?ais, particulièrement les grands ma?tres. Dans plusieurs langues, on désignait les chevaliers par leur nom fran?ais: Frieri del Tempio, [Grec: phrerioi tou Templou.]
Le Temple, comme tous les ordres militaires, dérivait de C?teaux. Le réformateur de C?teaux, saint Bernard, de la même plume qui commentait le Cantique des Cantiques, donna aux chevaliers leur règle enthousiaste et austère. Cette règle, c'était l'exil et la guerre sainte jusqu'à la mort. Les Templiers devaient toujours accepter le combat, f?t-ce d'un contre trois, ne jamais demander quartier, ne point donner de ran?on, pas un pan de mur, pas un pouce de terre. Ils n'avaient pas de repos à espérer. On ne leur permettait pas de passer dans des ordres moins austères.
?Allez heureux, allez paisibles, leur dit saint Bernard; chassez d'un coeur intrépide les ennemis de la croix de Christ, bien s?rs que ni la vie ni la mort ne pourront vous mettre hors de l'amour de Dieu qui est en Jésus. En tout péril, redites-vous la parole: Vivants ou morts, nous sommes au Seigneur... Glorieux les vainqueurs, heureux les martyrs!?
Voici la rude esquisse qu'il nous donne de la figure du Templier: ?Cheveux tondus, poil hérissé, souillé de poussière; noir de fer, noir de hale et de soleil... Ils aiment les chevaux ardents et rapides, mais non parés, bigarrés, capara?onnés... Ce qui charme dans cette foule, dans ce torrent qui coule à la Terre sainte, c'est que vous n'y voyez que des scélérats et des impies. Christ d'un ennemi se fait un champion; du persécuteur Saul, il fait un saint Paul...? Puis, dans un éloquent itinéraire, il conduit les guerriers pénitents de Bethléem au Calvaire, de Nazareth au Saint-Sépulcre.
Le soldat a la gloire, le moine le repos. Le Templier abjurait l'un et l'autre. Il réunissait ce que les deux vies ont de plus dur, les périls et les abstinences. La grande affaire du moyen age fut longtemps la guerre sainte, la croisade; l'idéal de la croisade semblait réalisé dans l'ordre du Temple. C'était la croisade devenue fixe et permanente.
Associés aux Hospitaliers dans la défense des saints lieux, ils en différaient en ce que la guerre était plus particulièrement le but de leur institution. Les uns et les autres rendaient les plus grands services. Quel bonheur n'était-ce pas pour le pèlerin qui voyageait sur la route poudreuse de Jaffa à Jérusalem, et qui croyait à tout moment voir fondre sur lui les brigands arabes, de rencontrer un chevalier, de reconna?tre la secourable croix rouge sur le manteau blanc de l'ordre du Temple! En bataille, les deux ordres fournissaient alternativement l'avant-garde et l'arrière-garde. On mettait au milieu les croisés nouveaux venus et peu habitués aux guerres d'Asie. Les chevaliers les entouraient, les protégeaient, dit fièrement un des leurs, comme une mère son enfant[20]. Ces auxiliaires passagers reconnaissaient ordinairement assez mal ce dévouement. Ils servaient moins les chevaliers qu'ils ne les embarrassaient. Orgueilleux et fervents à leur arrivée, bien s?rs qu'un miracle allait se faire exprès pour eux, ils ne manquaient pas de rompre les trêves; ils entra?naient les chevaliers dans des périls inutiles, se faisaient battre, et partaient, leur laissant le poids de la guerre et les accusant de les avoir mal soutenus. Les Templiers formaient l'avant-garde à Mansourah, lorsque ce jeune fou de comte d'Artois s'obstina à la poursuite, malgré leur conseil, et se jeta dans la ville: ils le suivirent par honneur et furent tous tués.
[Note 20: ?Sicut mater infantem.? Lettre de Jacques Molay.]
On avait cru avec raison ne pouvoir jamais faire assez pour un ordre si dévoué et si utile. Les priviléges les plus magnifiques furent accordés. D'abord ils ne pouvaient être jugés que par le pape; mais un juge placé si loin et si haut n'était guère réclamé; ainsi les Templiers étaient juges dans leurs causes. Ils pouvaient encore y être témoins, tant on avait
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.