reparaissent à Lyon sous le marchand Vaud ou Valdus; en Italie, à la suite d'Arnaldo de Brixia. Aucune hérésie, dit un dominicain, n'est plus dangereuse que celle-ci, parce qu'aucune n'est plus durable[7]. Il a raison, ce n'est pas autre chose que la révolte du raisonnement contre l'autorité. Les partisans de Valdus, les Vaudois, (p. 010) s'annon?aient d'abord comme voulant seulement reproduire l'église des premiers temps dans la pureté, dans la pauvreté apostolique; on les appelait les pauvres de Lyon. L'église de Lyon, comme nous l'avons dit ailleurs, avait toujours eu la prétention d'être restée fidèle aux traditions du christianisme primitif. Ces Vaudois eurent la simplicité de demander la permission de se séparer de l'église. Repoussés, poursuivis, proscrits, ils ne subsistèrent pas moins dans les montagnes, dans les froides vallées des Alpes, premier berceau de leur croyance, jusqu'aux massacres de Mérindol et de Cabrières, sous Fran?ois Ier, jusqu'à la naissance du Zwinglianisme et du Calvinisme, qui les adoptèrent comme précurseurs, et reconnurent en eux, pour leur église récente, une sorte de perpétuité secrète pendant le moyen age, contre la perpétuité catholique.
[Note 7: ?Inter omnes sectas qu? sunt vel fuerunt... est diuturnior.? Reinerus.]
Le caractère de la réforme au XIIe siècle[8] fut donc le rationalisme dans les Alpes et sur le Rh?ne, le mysticisme sur le Rhin. En Flandre, elle fut mixte, et plus encore en Languedoc.
[Note 8: Nous renvoyons sur ce grand sujet au livre de M. N. Peyrat: Les Réformateurs de la France et de l'Italie au XIIe siècle. 1860.]
Ce Languedoc était le vrai mélange des peuples, la vraie Babel. Placé au coude de la grande route de France, d'Espagne et d'Italie, il présentait une singulière fusion de sang ibérien, gallique et romain, sarrasin et gothique. Ces éléments divers y formaient de dures oppositions. Là devait avoir lieu le grand combat des croyances (p. 011) et des races. Quelles croyances? Je dirais volontiers toutes. Ceux mêmes qui les combattirent n'y surent rien distinguer, et ne trouvèrent d'autre moyen de désigner ces fils de la confusion que par le nom d'une ville: Albigeois.
L'élément sémitique, juif et arabe, était fort en Languedoc. Narbonne avait été longtemps la capitale des Sarrasins en France. Les Juifs étaient innombrables. Maltraités, mais pourtant soufferts, ils florissaient à Carcassonne, à Montpellier, à N?mes; leurs rabbins y tenaient des écoles publiques. Ils formaient le lien entre les chrétiens et les mahométans, entre la France et l'Espagne. Les sciences, applicables aux besoins matériels, médecine et mathématiques, étaient l'étude commune aux hommes des trois religions[9]. Montpellier était plus lié avec Salerne et Cordoue qu'avec Rome. Un commerce actif associait tous ces peuples, rapprochés plus que séparés par la mer. Depuis les croisades surtout, le haut Languedoc s'était comme incliné à la Méditerranée, et tourné vers l'Orient; les comtes de Toulouse étaient comtes de Tripoli. Les moeurs et la foi équivoque des chrétiens de la terre sainte avaient reflué dans nos provinces du Midi. Les belles monnaies, les belles étoffes d'Asie[10] avaient fort (p. 012) réconcilié nos croisés avec le monde mahométan. Les marchands du Languedoc s'en allaient toujours en Asie la croix sur l'épaule, mais c'était beaucoup plus pour visiter le marché d'Acre que le saint sépulcre de Jérusalem. L'esprit mercantile avait tellement dominé les répugnances religieuses, que les évêques de Maguelone et de Montpellier faisaient frapper des monnaies sarrasines, gagnaient sur les espèces, et escomptaient sans scrupule l'empreinte du croissant[11].
[Note 9: Que de choses nous leurs devons: la distillation, les sirops, les onguents, les premiers instruments de chirurgie, la lithotricie, ces chiffres arabes que notre Chambre des comptes n'adopta qu'au XVIIe siècle, l'arithmétique et l'algèbre, l'indispensable instrument des sciences (1860). V. Introduction, Renaissance.]
[Note 10: Richard portait à Chypre un manteau de soie brodé de croissants d'argent.]
[Note 11: Epistola pap? Clementis IV, episc. Maglonensi, 1266; in Tes. novo anecd., t. II, p. 403: ?Sane de moneta Miliarensi quam in tua dioecesi facis cudi miramur plurimum cujus hoc agis consilio... Quis enim catholicus monetam debet cudere cum titulo Mahometi?... Si consuetudinem forsan allegas, in adulterino negotio te et pr?decessores tuos accusas.?--En 1268, saint Louis écrit à son frère, Alfonse comte de Toulouse, pour lui faire reproche de ce que dans son Comtat Venaissin, on bat monnaie avec une inscription mahométane: ?In cujus (monet?) superscriptione sit mentio de nomine perfidi Mahometi, et dicatur ibi esse propheta Dei; quod est ad laudem et exaltationem ipsius, et detestationem et contemptum fidei et nominis christiani; rogamus vos quatinus ab hujusmodi opere faciatis cudentes cessare.? Cette lettre, selon Bonamy (ac. des Inscr. XXX, 725), se trouverait dans un registre longtemps perdu, restitué au Trésor des Chartes, en 1748. Cependant ce registre n'y existe point aujourd'hui, comme je m'en suis assuré.]
La noblesse e?t d?, ce semble, tenir mieux contre les nouveautés. Mais ici, ce n'était point cette chevalerie du Nord, ignorante et pieuse, qui pouvait encore prendre la
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