supposait qu'elle avait ��t�� retenue par madame Doulce.
--Madame Doulce se charge ordinairement de la ramener, et vous savez qu'elle n'est jamais press��e.
Chevalier se leva et fit mine de s'en aller, pour montrer qu'il avait de l'usage. Madame Nanteuil le retint.
--Restez donc: F��licie ne va pas tarder �� rentrer. Elle sera bien contente de vous trouver ici. Vous souperez avec elle.
Madame Nanteuil s'assoupit de nouveau sur sa chaise. Chevalier, silencieux, attachait son regard au cartel pendu contre la muraille et, �� mesure que l'aiguille s'avan?ait sur le cadran, il sentait une plaie br?lante s'agrandir dans sa poitrine, et chaque menu coup du balancier le touchait au vif, aiguillonnait sa jalousie, en marquant les moments que Nanteuil passait avec Ligny. Car il ��tait s?r, maintenant, qu'ils ��taient ensemble. Le silence de la nuit, interrompu seulement par le bruit sourd des fiacres qui roulaient sur le boulevard, favorisait les images et les r��flexions qui le torturaient. Il les voyait.
R��veill��e en sursaut par des chants mont��s du trottoir, madame Nanteuil confirma la pens��e sur laquelle elle s'��tait endormie.
--C'est ce que je dis toujours �� F��licie: on ne doit pas se d��courager. Il y a dans la vie de mauvais jours...
Chevalier fit signe qu'il y en avait.
--Mais ceux qui souffrent, dit-il, n'ont que ce qu'ils m��ritent. Il ne faut qu'un moment pour s'?ter tous les ennuis, pas vrai?
Elle approuva: certainement il y avait des chances subites, surtout au th��atre.
Il reprit d'une voix profonde, int��rieure:
--Si l'on croit que c'est pour le th��atre que je me fais du mauvais sang... Le th��atre, je suis bien s?r de m'y faire une place, un jour, et belle!... Mais �� quoi sert d'��tre un grand artiste, si l'on n'est pas heureux? Il y a des ennuis b��tes qui sont terribles. Des douleurs qui vous battent les tempes par petits coups ��gaux et r��guliers comme le tic tac de cette pendule et qui rendent fou.
Il s'arr��ta; le regard sombre de ses yeux creux contemplait la panoplie suspendue au mur. Puis il reprit:
--Ces ennuis b��tes, ces douleurs ridicules, si on les supporte trop longtemps, c'est qu'on est un lache.
Et il tata l'��tui du revolver qu'il portait constamment dans sa poche.
Madame Nanteuil l'��coutait, sereine, avec cette douce volont�� de ne rien savoir, qui ��tait tout son g��nie dans la vie.
--Une chose terrible aussi, dit-elle, c'est la cuisine. F��licie est d��go?t��e de tout. On ne sait que lui faire.
A partir de ce moment, la conversation languissante se tra?na en paroles d��tach��es, qui n'avaient que peu de sens. Madame Nanteuil, la bonne, le feu de coke, la lampe, l'assiette de charcuterie, dans une tristesse morne, attendaient F��licie. Une heure sonna. La souffrance de Chevalier ��tait maintenant abondante et tranquille. Il poss��dait la certitude. Les voitures, plus rares, roulaient plus sonores sur la chauss��e. Le bruit d'une de ces voitures s'arr��ta devant la maison. Quelques instants apr��s, il entendit le petit grillotis de la cl�� dans la serrure, le choc d'une porte, des pas l��gers dans l'antichambre.
La pendule marquait une heure vingt-trois minutes. Il fut tout �� coup agit�� de trouble et d'esp��rance. C'��tait elle! Qui sait ce qu'elle dirait? Peut-��tre qu'elle expliquerait ce retard de la fa?on la plus naturelle.
F��licie entra dans la salle �� manger, les cheveux en d��sordre, l'oeil brillant, les joues blanches, les l��vres aviv��es et froiss��es, lasse, indiff��rente, muette, heureuse, jolie, ayant l'ait de garder sous son manteau, qu'elle tenait des deux mains ferm�� sur elle, un reste de chaleur et de volupt��.
Sa m��re lui dit:
--Je commen?ais �� ��tre inqui��te... Tu ne te d��fais pas? Elle r��pondit:
--J'ai faim.
Elle se laissa tomber sur une chaise, devant la petite table ronde. Rejetant son manteau sur le dossier, elle d��couvrit son buste fin dans sa petite robe noire de pensionnaire, et, le coude gauche sur la toile cir��e de la table, elle se mit �� piquer de sa fourchette les tranches de saucisson.
--Est-ce que ?a a bien march�� ce soir? demanda madame Nanteuil.
--Tr��s bien.
--Tu vois: Chevalier est venu te tenir compagnie. C'est gentil �� lui, n'est-ce pas?
--Ah! Chevalier... eh bien! qu'il se mette �� table.
Et, sans plus r��pondre aux questions de sa m��re, elle mangeait, avide et charmante, comme C��r��s chez la vieille femme. Puis elle repoussa son assiette et, renvers��e sur sa chaise, les paupi��res mi-closes, la bouche entr'ouverte, elle sourit d'un sourire qui ressemblait �� un baiser.
Madame Nanteuil, ayant pris son vin chaud, se leva.
--Vous m'excuserez, monsieur Chevalier: j'ai mes comptes �� mettre �� jour.
Tels ��taient les termes par lesquels elle annon?ait ordinairement qu'elle allait se coucher.
Rest�� seul avec F��licie, Chevalier lui dit violemment:
--C'est b��te! c'est lache! mais je t'aime �� en devenir fou... Tu entends, F��licie?
--Pour s?r, que j'entends! Tu n'as pas besoin de parler si haut.
--C'est ridicule, n'est-ce pas?
--Non, ce n'est pas ridicule, c'est...
Elle n'acheva pas.
Il s'approcha d'elle, tirant sa chaise sous lui.
--Tu es rentr��e �� une heure vingt-cinq. C'est
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