Henri III et sa Cour | Page 9

Alexandre Dumas, père
par saint Paul de
Bordeaux! je veux hacher tous ces petits princes lorrains comme ce
gant.
JOYEUSE
Bravo, Saint-Mégrin!...Vrai-Dieu! je le hais autant que toi.
SAINT-MEGRIN
Autant que moi! Malédiction! si cela est possible; je donnerais mon
titre de comte pour sentir, cinq minutes seulement, son épée contre la
mienne...Cela viendra peut-être...
DU HALDE
Messieurs, messieurs, voilà Bussy...

SAINT-MEGRIN
Comment! Bussy d'Amboise?...
SCENE II
LES MEMES, BUSSY D'AMBOISE
BUSSY D'AMBOISE
Eh! oui, messieurs, lui-même, en personne...Aux amis, salut...Bonjour,
Saint-Mégrin...
SAINT-MEGRIN
Et nous qui te croyions à cent lieues d'ici.
BUSSY D'AMBOISE
J'y étais, il y a trois jours...Aujourd'hui, me voilà.
JOYEUSE
Ah! ah!...vous êtes donc raccommodés?...Il voulait te tuer avec
Quélus...Il n'y a pas de sa faute, si le coup n'a pas réussi...
BUSSY D'AMBOISE
Oui, pour la dame de Sauve...Mais, depuis, nous avons mesuré nos
épées, et elles se sont trouvées de la même longueur...
SAINT-LUC
A propos de la dame de Sauve, on dit que, pour qu'elle soit plus sûre de
ta fidélité, tu lui écris avec ton sang, comme Henri III écrivait de
Pologne à la belle Renée de Chateauneuf...Sans doute elle était
prévenue de ton arrivée, elle...
BUSSY D'AMBOISE

Non. Nous voyageons incognito...Mais je n'ai pas voulu passer si près
de vous, sans venir vous demander s'il n'y avait pas quelqu'un de vous
qui eût besoin d'un second...
SAINT-MEGRIN
Cela se pourra faire, si tu ne nous quittes pas trop tôt.
BUSSY D'AMBOISE
Tête-Dieu!...le cas échéant, je suis homme à retarder mon départ;...ainsi
ne te gêne pas. Il y a si longtemps que cela ne m'est arrivé...c'est tout au
plus si, en province, on trouve à se battre une fois par
semaine...Heureusement que j'avais là, sous la main, mon ami
Saint-Phal; nous nous sommes battus trois fois, parce qu'il soutenait
avoir vu des X sur les boutons d'un habit, où je crois qu'il y avait des
Y...
SAINT-MEGRIN
Bah! pas possible...
BUSSY D'AMBOISE
Parole d'honneur! Crillon était mon second...
JOYEUSE
Et qui avait raison?
BUSSY D'AMBOISE
Nous n'en savons rien encore: la quatrième rencontre en décidera...Mais
que vois-je donc là-bas? Les pages d'Antraguet!...Je croyais que, depuis
la mort de Quélus...
SAINT-LUC
Le duc de Guise a sollicité sa grâce.

BUSSY D'AMBOISE
Ah! oui, sollicité,...j'entends...Il est donc toujours insolent, notre beau
cousin de Guise?...
SAINT-MEGRIN
Pas encore assez...
D'EPERNON
Vrai-Dieu! tu es difficile...Je suis sûr qu'au fond du coeur, le roi n'est
pas de ton avis.
SAINT-MEGRIN
Qu'il dise donc un mot...
D'EPERNON
Ah! vois-tu, c'est qu'il est trop occupé dans ce moment, il apprend le
latin.
SAINT-MEGRIN
Tête-Dieu! qu'a-t-il besoin de latin pour parler à des Français? Qu'il
dise seulement: «A moi, ma brave noblesse!» et un millier d'épées qui
coupent bien, sortiront des fourreaux où elles se rouillent. N'a-t-il plus
dans la poitrine le même coeur qui battait à Jarnac et à Moncontour, ou
ses gants parfumés ont-ils amolli ses mains, au point qu'elles ne
puissent plus serrer la garde d'une épée?
D'EPERNON
Silence, Saint-Mégrin!...le voilà...
UN PAGE, entrant
Le roi!...

BUSSY D'AMBOISE
Je vais me tenir un peu à l'écart...Je ne me montrerai que s'il est de
bonne humeur...
UN SECOND PAGE
Le roi! (Tout le monde se lève et se groupe)
UN TROISIEME PAGE
Le roi!
SCENE III
LES MEMES, HENRI, puis CATHERINE
HENRI
Salut, messieurs, salut...Villequier, qu'on prévienne madame ma mère
de mon retour, et qu'on s'informe si l'on a apporté mon nouvel habit
d'amazone...Ah! dites à la reine que je passerai chez elle, afin de fixer
le jour de notre départ pour Chartres; car vous savez, Messieurs, que la
reine et moi faisons un pèlerinage à Notre-Dame de Chartres, afin
d'obtenir du ciel ce qu'il nous a refusé jusqu'à présent, un héritier de
notre couronne. Ceux qui voudront nous suivre seront les bienvenus.
SAINT-MEGRIN
Sire, si, au lieu d'un pèlerinage à Notre-Dame de Chartres, vous
ordonniez une campagne dans l'Anjou...si vos gentilshommes étaient
revêtus de cuirasses au lieu de cilices, et portaient des épées en guise de
cierges, Votre Majesté ne manquerait pas de pénitents, et vous me
verriez au premier rang, sire, dussé-je faire la moitié de la route pieds
nus sur des charbons ardents.
HENRI
Chaque chose aura son tour, mon enfant. Nous ne resterons pas en

arrière dès qu'il le faudra; mais, en ce moment, grâce à Dieu, notre beau
royaume de France est en paix, et le temps ne nous manque pas pour
nous occuper de nos dévotions. Mais que vois-je! vous à ma cour,
seigneur de Bussy? (A Catherine de Médicis qui entre) Venez, ma mère,
venez: vous allez avoir des nouvelles de votre fils bien-aimé, qui, s'il
eût été frère soumis et sujet respectueux, n'aurait jamais dû quitter notre
cour...
CATHERINE
Il y revient, peut-être, mon fils...
HENRI, s'asseyant
C'est ce que nous allons savoir...Asseyez-vous, ma mère...Approchez,
seigneur de Bussy...Où avez-vous quitté notre frère?
BUSSY D'AMBOISE
A Paris, sire.
HENRI
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