de
faire passer la couronne de France sur la tête du vieux cardinal de
Bourbon, et de le forcer à me reconnaître comme héritier...J'y
songerai...Que de peines! de tourments!...pour qu'à la fin peut-être la
balle d'un pistolet ou la lame d'un poignard...Ah! (Il laisse tomber sa
main avec découragement; elle se pose sur le mouchoir oublié par la
duchesse.) Qu'est cela?...Mille damnations! ce mouchoir appartient à la
duchesse de Guise! voilà les armes réunies de Clèves et de
Lorraine...Elle serait venue ici!...Saint-Mégrin!...O Mayenne! Mayenne!
tu ne t'étais donc pas trompé! et lui...lui...(Appelant) Saint-Paul! (Son
écuyer entre) Je vais...Saint-Paul! qu'on me cherche les mêmes hommes
qui ont assassiné Dugast.
ACTE DEUXIEME
Une salle du Louvre.--A gauche, deux fauteuils et quelques tabourets
préparés pour le roi, la reine mère et les courtisans. Joyeuse est couché
dans l'un de ces fauteuils, et Saint-Mégrin, debout, appuyé sur le
dossier de l'autre. Du côté opposé, d'Epernon est assis à une table sur
laquelle est posé un échiquier. Au fond, Saint-Luc fait des armes avec
du Halde. Chacun d'eux a près de lui un page à ses couleurs.
SCENE PREMIERE
JOYEUSE, SAINT-MEGRIN, D'EPERNON, SAINT-LUC, DU
HALDE, Pages
D'EPERNON
Messieurs, qui de vous fait ma partie d'échecs, en attendant le retour du
roi? Saint-Mégrin, ta revanche?
SAINT-MEGRIN
Non, je suis distrait aujourd'hui.
JOYEUSE
Oh! décidément, c'est la prédiction de l'astrologue...Vrai Dieu! c'est un
véritable sorcier. Sais-tu bien qu'il avait prédit à Dugast qu'il n'avait
plus que quelques jours à vivre, quand la reine Marguerite l'a fait
assassiner? Je parie que c'est un horoscope du même genre qui occupe
Saint-Mégrin, et que quelque grande dame dont il est amoureux...
SAINT-MEGRIN, l'interrompant vivement
Mais toi-même, Joyeuse, que ne fais-tu la partie de d'Epernon?
JOYEUSE
Non, merci.
D'EPERNON
Est-ce que tu veux réfléchir aussi, toi?
JOYEUSE
C'est, au contraire, pour ne pas être obligé de réfléchir.
SAINT-LUC
Eh bien, veux-tu faire des armes avec moi, vicomte?
JOYEUSE
C'est trop fatigant, et puis tu n'es pas de ma force. Fais une oeuvre
charitable, tire d'Epernon d'embarras...
SAINT-LUC
Soit.
JOYEUSE, tirant un bilboquet de son escarcelle
Vive Dieu! messieurs, voilà un jeu...Celui-là ne fatigue ni le corps ni
l'esprit...Sais-tu bien que cette nouvelle invention a eu un succès
prodigieux chez la présidente? A propos, tu n'y étais pas, Saint-Luc;
qu'es-tu donc devenu?
SAINT-LUC
J'ai été voir les Gelosi; tu sais, ces comédiens italiens qui ont obtenu la
permission de représenter des mystères à l'hôtel de Bourbon.
JOYEUSE
Ah! oui,...moyennant quatre sous par personne.
SAINT-LUC
Et puis, en passant...Un instant, d'Epernon, je n'ai pas joué.
JOYEUSE
Et puis, en passant?...
SAINT-LUC
Où?
JOYEUSE
En passant, disais-tu?
SAINT-LUC
Oui...Je me suis arrêté en face de Nesle, pour y voir poser la première
pierre d'un pont qu'on appellera le pont Neuf.
D'EPERNON
C'est Ducerceau qui l'a entrepris...On dit que le roi va lui accorder des
lettres de noblesse.
JOYEUSE
Et justice sera faite...Sais-tu bien qu'il m'épargnera au moins six cents
pas, toutes les fois que je voudrais aller à l'Ecole Saint-Germain? (Il
laisse tomber son bilboquet, et appelle son page, qui est à l'autre bout
de la salle) Bertrand, mon bilboquet...
SAINT-LUC
Messieurs, grande réforme! Ce matin, madame de Sauve m'a dit en
confidence que le roi avait abandonné les fraises gaudronnées pour
prendre les collets renversés à l'italienne.
D'EPERNON
Eh! que ne nous disais-tu pas cela!...Nous serons en retard d'un
jour...Tiens, Saint-Mégrin le savait, lui...(A son page) Que je trouve
demain un collet renversé au lieu de cette fraise...
SAINT-LUC, riant
Ah! ah!...tu te souviens que le roi t'a exilé quinze jours, parce qu'il
manquait un bouton à ton pourpoint...
JOYEUSE
Eh bien, moi, je vais te rendre nouvelle pour nouvelle. Antraguet rentre
aujourd'hui en grâce.
SAINT-LUC
Vrai?...
JOYEUSE
Oui, il est décidément guisard...C'est le Balafré qui a exigé du roi qu'il
lui rendît son commandement...Depuis quelque temps, le roi fait tout ce
qu'il veut.
D'EPERNON
C'est qu'il a besoin de lui...Il paraît que le Béarnais est en campagne, le
harnais sur le dos...
JOYEUSE
Vous verrez que ce damné d'hérétique nous fera battre pendant
l'été...Mettez-vous donc en campagne de cette chaleur-là,...avec cent
cinquante livres de fer sur le corps!...pour revenir hâlé comme un
Andalou...
SAINT-LUC
Ce serait un mauvais tour à te faire, Joyeuse...
JOYEUSE
Je l'avoue; j'ai plus peur d'un coup de soleil que d'un coup d'épée...et, si
je le pouvais, je me battrais toujours, comme Bussy d'Amboise l'a fait
dans son dernier duel, au clair de la lune...
SAINT-LUC
Quelqu'un a-t-il de ses nouvelles?
D'EPERNON
Il est toujours dans l'Anjou, près de Monsieur...C'est encore un ennemi
de moins pour le guisard.
JOYEUSE
A propos de guisard, Saint-Mégrin, sais-tu ce qu'en dit la maréchale de
Retz? Elle dit qu'auprès du duc de Guise, tous les princes paraissent
peuple.
SAINT-MEGRIN
Guise!...toujours Guise!...Vive Dieu!...que l'occasion se présente (tirant
son poignard et coupant son gant en morceaux), et, de
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