Han dIslande | Page 5

Victor Hugo
leurs rochers, produisent sur la langue sensible qui les prononce l'effet que ferait sans doute leur huile d'ours et leur pain d'��corce sur les houppes nerveuses et sensitives de notre palais.
Il lui reste �� remercier les huit o�� dix personnes qui ont eu la bont�� de lire son ouvrage en entier, comme le constate le succ��s vraiment prodigieux qu'il a obtenu; il t��moigne ��galement toute sa gratitude �� celles de ses jolies lectrices qui, lui assure-t-on, ont bien voulu se faire d'apr��s son livre un certain id��al de l'auteur de _Han d'Islande_; il est infiniment flatt�� qu'elles veuillent bien lui accorder des cheveux rouges, une barbe cr��pue et des yeux hagards; il est confus qu'elles daignent lui faire l'honneur de croire qu'il ne coupe jamais ses ongles; mais il les supplie �� genoux d'��tre bien convaincues qu'il ne pousse pas encore la f��rocit�� jusqu'�� d��vorer les petits enfants vivants; du reste, tous ces faits seront fix��s lorsque sa renomm��e sera mont��e jusqu'au niveau de celles des auteurs de Lolotte et Fanfan ou de Monsieur Botte, hommes transcendants, jumeaux de g��nie et de go?t, _Arcades ambo_; et qu'on placera en t��te de ses oeuvres son portrait, _terribiles visu form?_, et sa biographie, domestica facta. Il allait clore cette trop longue note, lorsque son libraire, au moment d'envoyer l'ouvrage aux journaux, est venu lui demander pour eux quelques petits articles de complaisance sur son propre ouvrage, ajoutant, pour dissiper tous les scrupules de l'auteur, _que son ��criture ne serait pas compromise, et qu'il les recopierait lui-m��me_. Ce dernier trait lui a sembl�� touchant. Comme il para?t qu'en ce si��cle tout lumineux chacun se fait un devoir d'��clairer son prochain sur ses qualit��s et perfections personnelles, chose dont nul n'est mieux instruit que leur propri��taire; comme, d'ailleurs, cette derni��re tentation est assez forte; l'auteur croit, dans le cas o�� il y succomberait, devoir pr��venir le public de ne jamais croire qu'�� demi tout ce que les journaux lui diront de son ouvrage.
Avril 1823.

Han D'Islande

I
L'avez-vous vu? qui est-ce qui l'a vu?--Ce n'est pas moi.--Qui donc?--Je n'en sais rien.
STERNE, Tristram Shandy.
--Voil�� o�� conduit l'amour, voisin Niels, cette pauvre Guth Stersen ne serait point l�� ��tendue sur cette grande pierre noire, comme une ��toile de mer oubli��e par la mar��e, si elle n'avait jamais song�� qu'�� reclouer la barque ou �� raccommoder les filets de son p��re, notre vieux camarade. Que saint Usuph le p��cheur le console dans son affliction!
--Et son fianc��, reprit une voix aigu? et tremblotante, Gill Stadt, ce beau jeune homme que vous voyez tout �� c?t�� d'elle, n'y serait point, si, au lieu de faire l'amour �� Guth et de chercher fortune dans ces maudites mines de Roeraas, il avait pass�� sa jeunesse �� balancer le berceau de son jeune fr��re aux poutres enfum��es de sa chaumi��re.
Le voisin Niels, �� qui s'adressait le premier interlocuteur, interrompit:--Votre m��moire vieillit avec vous, m��re Olly; Gill n'a jamais eu de fr��re, et c'est en cela que la douleur de la pauvre veuve Stadt doit ��tre plus am��re, car sa cabane est maintenant tout �� fait d��serte; si elle veut regarder le ciel pour se consoler, elle trouvera entre ses yeux et le ciel son vieux toit, o�� pend encore le berceau vide de son enfant, devenu grand jeune homme, et mort.
--Pauvre m��re! reprit la vieille Olly, car pour le jeune homme, c'est sa faute; pourquoi se faire mineur �� Roeraas?
--Je crois en effet, dit Niels, que ces infernales mines nous prennent un homme par ascalin de cuivre qu'elles nous donnent. Qu'en pensez-vous, comp��re Braal?
--Les mineurs sont des fous, repartit le p��cheur. Pour vivre, le poisson ne doit pas sortir de l'eau, l'homme ne doit pas entrer en terre.
--Mais, demanda un jeune homme dans la foule, si le travail des mines ��tait n��cessaire �� Gill Stadt pour obtenir sa fianc��e?...
--Il ne faut jamais exposer sa vie, interrompit Olly, pour des affections qui sont loin de la valoir et de la remplir. Le beau lit de noces en effet que Gill a gagn�� pour sa Guth.
--Cette jeune femme, demanda un autre curieux, s'est donc noy��e en d��sespoir de la mort de ce jeune homme?
--Qui dit cela? s'��cria d'une voix forte un soldat qui venait de fendre la presse. Cette jeune fille, que je connais bien, ��tait en effet fianc��e �� un jeune mineur ��cras�� derni��rement par un ��clat de rocher dans les galeries souterraines de Storwaadsgrube, pr��s Roeraas; mais elle ��tait aussi la ma?tresse d'un de mes camarades; et comme avant-hier elle voulut s'introduire �� Munckholm furtivement pour y c��l��brer avec son amant la mort de son fianc��, la barque qui la portait chavira sur un ��cueil, et elle s'est noy��e.
Un bruit confus de voix s'��leva:--Impossible, seigneur soldat, criaient les vieilles femmes; les jeunes se taisaient; et le voisin Niels rappelait malignement au p��cheur Braal sa grave
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