Han dIslande | Page 3

Victor Hugo
repenti d'avoir ��crit la premi��re. Au moment d'ex��cuter cette d��termination hardie, il con?ut d'abord la pens��e de placer en t��te de cette seconde ��dition ce dont il n'avait pas os�� charger la premi��re, savoir _quelques vues g��n��rales et particuli��res sur le roman_. M��ditant ce petit trait�� litt��raire et didactique, il ��tait encore dans cette myst��rieuse ivresse de la composition, instant bien court, o�� l'auteur, croyant saisir une id��ale perfection qu'il n'atteindra pas, est intimement ravi de son ouvrage �� faire; il ��tait, disons-nous, dans cette heure d'extase int��rieure, o�� le travail est un d��lice, o�� la possession secr��te de la muse semble bien plus douce que l'��clatante poursuite de la gloire, lorsqu'un de ses amis les plus sages est venu l'arracher brusquement �� cette possession, �� cette extase, �� cette ivresse, en lui assurant que plusieurs hommes de lettres tr��s hauts, tr��s populaires et tr��s puissants, trouvaient la dissertation qu'il pr��parait tout �� fait m��chante, insipide et fastidieuse; que le douloureux apostolat de la critique dont ils se sont charg��s dans diverses feuilles publiques, leur imposant le devoir p��nible de poursuivre impitoyablement le monstre du romantisme et du mauvais go?t, ils s'occupaient, dans le moment m��me, de r��diger pour certains journaux impartiaux et ��clair��s une critique consciencieuse, raisonn��e et surtout piquante de la susdite dissertation future. �� ce terrible avis, le pauvre auteur
Obstipuit; steteruntque comae; et vox faucibus haesit;
c'est-��-dire qu'il n'a trouv�� d'autre exp��dient que de laisser dans les limbes, d'o�� il se pr��parait �� la tirer, cette dissertation, _vierge non encor n��e_, comme parle Jean-Baptiste Rousseau, sur laquelle grondait une si juste et si rude critique. Son ami lui conseilla de la remplacer tout simplement par une mani��re d'_avant-propos des ��diteurs_, dans lequel il pourrait se faire dire tr��s d��cemment, par ces messieurs, toutes les douceurs qui chatouillent si voluptueusement l'oreille d'un auteur; il lui en pr��senta m��me plusieurs mod��les emprunt��s �� quelques ouvrages tr��s en faveur, les uns commen?ant par ces mots: _Le succ��s immense et populaire de cet ouvrage, etc._; les autres par ceux-ci: _La c��l��brit�� europ��enne que vient d'acqu��rir ce roman, etc._; ou: _Il est maintenant superflu de louer ce livre, puisque la voix universelle d��clare toutes les louanges fort au-dessous de son m��rite, etc., etc._ Quoique ces diverses formules, au dire du discret conseiller, ne fussent pas sans quelque vertu tentative, l'auteur de ce livre ne se sentit pas assez d'humilit�� et d'indiff��rence paternelle pour exposer son ouvrage au d��senchantement et �� l'exigence du lecteur qui aurait vu ces magnifiques apologies, ni assez d'effronterie pour imiter ces baladins des foires, qui montrent, comme appat �� la curiosit�� du public, un crocodile peint sur une toile, derri��re laquelle, apr��s avoir pay��, il ne trouve qu'un l��zard. Il rejeta donc l'id��e d'entonner ses propres louanges par la bouche complaisante de messieurs ses ��diteurs. Son ami lui sugg��ra alors de donner pour passe-port �� son vilain brigand islandais quelque chose qui p?t le mettre �� la mode et le faire sympathiser avec le si��cle, soit plaisanteries fines contre les marquises, soit amers sarcasmes contre les pr��tres, soit ing��nieuses allusions contre les nonnes, les capucins, et autres monstres de l'ordre social. L'auteur n'e?t pas mieux demand��; mais il ne lui semblait pas, �� vrai dire, que les marquises et les capucins eussent un rapport tr��s direct avec l'ouvrage qu'il publie. Il e?t pu, �� la v��rit��, emprunter d'autres couleurs sur la m��me palette, et jeter ici quelques bonnes pages bien philanthropiques, dans lesquelles--en c?toyant toutefois avec prudence un banc dangereux, cach�� sous les mers de la philosophie, qu'on nomme le banc du _tribunal correctionnel_--il e?t avanc�� quelques-unes de ces v��rit��s d��couvertes par nos sages pour la gloire de l'homme et la consolation du mourant; savoir, que l'homme n'est qu'une brute, que l'ame n'est qu'un peu de gaz plus ou moins dense, et que Dieu n'est rien; mais il a pens�� que ces v��rit��s incontestables ��taient d��j�� bien triviales et bien us��es, et qu'il ajouterait �� peine une goutte d'eau �� ce d��luge de morales raisonnables, de religions ath��es, de maximes, de doctrines, de principes qui nous inondent pour notre bonheur, depuis trente ans, d'une si prodigieuse fa?on qu'on pourrait--s'il n'y avait irr��v��rence--leur appliquer les vers de R��gnier sur une averse:
Des nuages en eau tombait un tel degoust, Que les chiens alt��r��s pouvaient boire debout.
Du reste, ces hautes mati��res ne se rattachaient pas encore tr��s visiblement au sujet de cet ouvrage, et il e?t ��t�� fort embarrass�� de trouver une liaison qui l'y conduisit, quoique l'art des transitions soit singuli��rement simplifi�� depuis que tant de grands hommes ont trouv�� le secret de passer sans secousse d'une ��choppe dans un palais, et d'��changer sans disparate le bonnet de police contre la couronne civique.
Reconnaissant donc qu'il ne saurait trouver dans son talent ni dans sa science, par ses ailes ou par son
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