ne parlait plus et le silence n'��tait interrompu que par le sifflet du chasseur, le balancier de l'horloge dans sa longue bo?te, et les soupirs de l'��pagneul qui s'��tait ��tendu pr��s des chenets.
Quand le fusil fut nettoy��, Gaspard releva la t��te.
--Eh bien! et ce souper? demanda-t-il d'un ton bourru.
--J'attends le lait que Gertrude est all��e chercher �� la Louvi��re, r��pondit Honorine.
--Elle y met le temps, la cousine Gertrude! grommela Gaspard; au sortir du bois je l'ai vue de loin, trottant menu et sautillant de pierre en pierre, comme si le sable du chemin n'��tait pas digne de toucher ses pieds de princesse.... Elle se sera sans doute arr��t��e �� coqueter avec le fils du fermier.
Honorine haussa les ��paules.
--Fi donc! Gaspard, dit-elle, est-ce qu'une fille bien ��lev��e fait attention �� ces gens-l��?
Gaspard ��clata de rire:
--Faute de grives on mange des merles, et il faut bien que vous vous contentiez du seul gibier qui soit �� votre port��e.... Toi-m��me, ma soeur, pourquoi uses-tu les oeufs du poulailler �� fabriquer du lait virginal, si ce n'est pour que la blancheur de ton teint ��blouisse ces gens-l��?
--Des paysans! fit Reine, et son minois chiffonn�� prit une expression d��daigneuse.
--Je ne parle pas pour toi, Reine, continua Gaspard, je connais tes go?ts; tu attends que le fils d'un roi vienne �� deux genoux t'offrir sa main, mais Gertrude est moins ambitieuse.
--Oui, elle est peuple, soupira la cadette, et elle se replongea dans sa lecture.
--H��las! dit madame de Maupri�� de sa voix languissante, elle a les id��es que feu son p��re avait prises dans les garnisons. Le capitaine Jacques de Maupri�� avait eu le tort de m��priser la profession de sa famille.... J'ai souvent ou? dire �� votre pauvre p��re que, depuis le roi Henri IV jusqu'�� 1830, tous les Maupri�� avaient souffl�� le verre... Un gentilhomme verrier ne devrait jamais quitter ses ouvreaux! Et elle lan?a un regard de reproche �� Gaspard.
--Est-ce pour moi que vous dites cela, ma m��re? reprit celui-ci d'un ton rude; pourtant si la verrerie des Bas-Bruaux a ��t�� vendue en justice dix ans apr��s votre mariage avec mon p��re, je n'y suis pour rien, et vous en savez l��-dessus plus long que moi... Vous me r��pondrez que j'aurais pu travailler aux Senades, chez les du Tertre; mais j'ai des pr��jug��s, moi aussi, et je n'aime pas �� servir chez les autres!
En entendant cette br��ve repartie, la veuve releva la t��te; ses yeux rencontr��rent ceux de son fils a?n�� et une l��g��re rougeur colora ses joues fl��tries.
--A Dieu ne plaise, soupira-t-elle, que je vous adresse un reproche, Gaspard! Vous ��tiez trop jeune lors de la faillite des Bas-Bruaux pour savoir comment les choses se sont pass��es, et je voulais justement vous dire que notre d��confiture ne serait pas arriv��e, si Jacques de Maupri�� avait consenti �� s'associer avec nous.... Mais le p��re de Gertrude n'avait pas le culte des traditions de famille; c'��tait un soldat, et sous un certain rapport, il est presque heureux que sa mort ait ramen�� ma ni��ce dans un milieu convenable.
--Heureux! murmura Gaspard en se promenant de long en large, heureux!.... pour Gertrude, c'est possible; mais pour nous, qui ��tions d��j�� r��duits �� la portion congrue, je ne vois pas quel bonheur l'arriv��e de cette sixi��me bouche a pu apporter dans le m��nage!
--Gertrude est doublement ma ni��ce, r��pliqua la veuve. C'��tait un devoir pour moi de recueillir la fille de Jacques de Maupri�� et de ma propre soeur... Qu'eut dit le monde si nous l'eussions laiss��e �� l'abandon? Songez, Gaspard, que vous ��tes son tuteur et que nous sommes responsables de son avenir.
--Morbleu! s'��cria Gaspard, vous me la baillez belle, avec votre responsabilit��!.... N'aviez-vous pas assez �� faire de surveiller Reine qui a la t��te farcie de romans!... Je ne parle pas d'Honorine, qui se garde toute seule, maintenant qu'elle est mont��e en graine....
Honorine eut un beau mouvement d'indignation et laissa tomber son filtre.
--Gaspard, commen?a-t-elle de sa voix la plus aigre, je ne r��pondrai pas �� vos grossi��ret��s, seulement....
Elle allait en dire long, quand Xavier, qui n'avait cess�� de regarder dans la rue, tourna vivement la t��te. ?Voici Gertrude!? murmura-t-il, et tous se turent.
On entendit en effet un fr?lement de robe et un pas l��ger dans le corridor, puis Gertrude entra dans la salle, son pot au lait �� la main. Elle ��tait blonde, svelte et pouvait avoir dix-neuf ans. Une fanchon de laine blanche, pos��e en pointe sur ses cheveux abondants, encadrait l'ovale d��licatement allong�� de son visage, puis retombait sur ses belles ��paules larges et sur sa poitrine doucement agit��e. Elle avait couru; de folles m��ches soyeuses, ��chapp��es �� ses bandeaux, s'��taient soulev��es et formaient une sorte d'aur��ole autour de son front. L'air froid du soir avait aviv�� les nuances roses de ses joues, et ses grands yeux brillaient comme de limpides aigues-marines. Tout en elle,
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.