Germinal | Page 9

Emile Zola
coin de la grille, un restant de soupe, que le grand-p��re trouverait chaude, lorsqu'il rentrerait �� six heures. Chacun prit sa paire de sabots sous le buffet, se passa la ficelle de sa gourde �� l'��paule, et fourra son briquet dans son dos, entre la chemise et la veste. Et ils sortirent, les hommes devant, la fille derri��re, soufflant la chandelle, donnant un tour de clef. La maison redevint noire.
--Tiens! nous filons ensemble, dit un homme qui refermait la porte de la maison voisine.
C'��tait Levaque, avec son fils B��bert, un gamin de douze ans, grand ami de Jeanlin. Catherine, ��tonn��e, ��touffa un rire, �� l'oreille de Zacharie: quoi donc? Bouteloup n'attendait m��me plus que le mari f?t parti!
Maintenant, dans le coron, les lumi��res s'��teignaient. Une derni��re porte claqua, tout dormait de nouveau, les femmes et les petits reprenaient leur somme, au fond des lits plus larges. Et, du village ��teint au Voreux qui soufflait, c'��tait sous les rafales un lent d��fil�� d'ombres, le d��part des charbonniers pour le travail, roulant des ��paules, embarrass��s de leurs bras, qu'ils croisaient sur la poitrine; tandis que, derri��re, le briquet faisait �� chacun une bosse. V��tus de toile mince, ils grelottaient de froid, sans se hater davantage, d��band��s le long de la route, avec un pi��tinement de troupeau.

III
��tienne, descendu enfin du terri, venait d'entrer au Voreux; et les hommes auxquels il s'adressait, demandant s'il y avait du travail, hochaient la t��te, lui disaient tous d'attendre le ma?tre-porion. On le laissait libre, au milieu des batiments mal ��clair��s, pleins de trous noirs, inqui��tants avec la complication de leurs salles et de leurs ��tages. Apr��s avoir mont�� un escalier obscur �� moiti�� d��truit, il s'��tait trouv�� sur une passerelle branlante, puis avait travers�� le hangar du criblage, plong�� dans une nuit si profonde, qu'il marchait les mains en avant, pour ne pas se heurter. Devant lui, brusquement, deux yeux jaunes, ��normes, trou��rent les t��n��bres. Il ��tait sous le beffroi, dans la salle de recette, �� la bouche m��me du puits.
Un porion, le p��re Richomme, un gros �� figure de bon gendarme, barr��e de moustaches grises, se dirigeait justement vers le bureau du receveur.
--On n'a pas besoin d'un ouvrier ici, pour n'importe quel travail? demanda de nouveau ��tienne.
Richomme allait dire non; mais il se reprit et r��pondit comme les autres, en s'��loignant:
--Attendez monsieur Dansaert, le ma?tre-porion.
Quatre lanternes ��taient plant��es l��, et les r��flecteurs, qui jetaient toute la lumi��re sur le puits, ��clairaient vivement les rampes de fer, les leviers des signaux et des verrous, les madriers des guides, o�� glissaient les deux cages. Le reste, la vaste salle, pareille �� une nef d'��glise, se noyait, peupl��e de grandes ombres flottantes. Seule, la lampisterie flambait au fond, tandis que, dans le bureau du receveur, une maigre lampe mettait comme une ��toile pr��s de s'��teindre. L'extraction venait d'��tre reprise; et, sur les dalles de fonte, c'��tait un tonnerre continu, les berlines de charbon roul��es sans cesse, les courses des moulineurs, dont on distinguait les longues ��chines pench��es, dans le remuement de toutes ces choses noires et bruyantes qui s'agitaient.
Un instant, ��tienne resta immobile, assourdi, aveugl��. Il ��tait glac��, des courants d'air entraient de partout. Alors, il fit quelques pas, attir�� par la machine, dont il voyait maintenant luire les aciers et les cuivres. Elle se trouvait en arri��re du puits, �� vingt-cinq m��tres, dans une salle plus haute, et assise si carr��ment sur son massif de briques, qu'elle marchait �� toute vapeur, de toute sa force de quatre cents chevaux, sans que le mouvement de sa bielle ��norme, ��mergeant et plongeant avec une douceur huil��e, donnat un frisson aux murs. Le machineur, debout �� la barre de mise en train, ��coutait les sonneries des signaux, ne quittait pas des yeux le tableau indicateur, o�� le puits ��tait figur��, avec ses ��tages diff��rents, par une rainure verticale, que parcouraient des plombs pendus �� des ficelles, repr��sentant les cages. Et, �� chaque d��part, quand la machine se remettait en branle, les bobines, les deux immenses roues de cinq m��tres de rayon, aux moyeux desquels les deux cables d'acier s'enroulaient et se d��roulaient en sens contraire, tournaient d'une telle vitesse, qu'elles n'��taient plus qu'une poussi��re grise.
--Attention donc! cri��rent trois moulineurs, qui tra?naient une ��chelle gigantesque.
��tienne avait manqu�� d'��tre ��cras��. Ses yeux s'habituaient, il regardait en l'air filer les cables, plus de trente m��tres de ruban d'acier, qui montaient d'une vol��e dans le beffroi, o�� ils passaient sur les molettes, pour descendre �� pic dans le puits s'attacher aux cages d'extraction. Une charpente de fer, pareille �� la haute charpente d'un clocher, portait les molettes. C'��tait un glissement d'oiseau, sans un bruit, sans un heurt, la fuite rapide, le continuel va-et-vient d'un fil de poids ��norme, qui pouvait enlever jusqu'�� douze mille kilogrammes, avec une vitesse de dix m��tres �� la seconde.
--Attention donc,
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