Germaine | Page 9

Edmond About
fait des ��conomies pour sa femme, qui, de son c?t��, ��conomisait pour lui. Honorine, embellie par la toilette, par l'aisance et par l'embonpoint, cette richesse du corps, a r��gn�� dix ans sur le d��partement du Var. Les seuls ��v��nements qui aient signal�� son r��gne sont la faillite d'un fournisseur de charbon et la destitution de deux officiers payeurs. A la suite d'un proc��s scandaleux o�� son nom ne fut pas prononc��, elle jugea �� propos de se montrer sur une plus vaste sc��ne, et elle prit l'appartement qu'elle occupe encore dans la rue du Cirque. Son mari naviguait vers les bancs de Terre-Neuve tandis qu'elle roulait sur Paris. Vous avez assist�� �� ses d��buts, monsieur le duc?
--Oui, morbleu! et j'ose dire que peu de femmes ont mieux fait leur chemin. Ce n'est rien d'��tre jolie et d'avoir de l'esprit; le grand art consiste �� se poser en millionnaire, et c'est ainsi qu'on se fait offrir des millions.
--Elle est arriv��e ici avec deux ou trois cent mille francs grappill��s discr��tement dans les bureaux. Elle a fait au Bois une telle poussi��re, que vous auriez dit que la reine de Saba venait de d��barquer �� Paris. En moins d'une ann��e, elle a fait parler de ses chevaux, de ses toilettes et de son mobilier, sans qu'on p?t rien dire de positif sur sa conduite. Moi qui vous parle, je lui ai donn�� des soins pendant dix-huit mois avant d'apercevoir le bout de l'oreille. J'aurais gard�� longtemps mes illusions, si le hasard ne m'avait mis en pr��sence de son mari. Il tomba chez elle, avec sa malle, un jour que j'y ��tais en visite. C'��tait dans les premiers jours de 1850, il y a trois ans, ou peu s'en faut. Le pauvre diable arrivait de Terre-Neuve, avec un pied de hale sur la figure. Il repartait �� la fin du mois pour une station de cinq ans dans les mers de la Chine, et il trouvait naturel d'embrasser sa femme entre les deux voyages. La livr��e de ses gens lui fit cligner les yeux, et il fut ��bloui des splendeurs de son mobilier. Mais, lorsqu'il vit appara?tre sa ch��re Honorine dans une petite toilette du matin qui repr��sentait deux ou trois ann��es de sa solde, il oublia de tomber dans ses bras, vira de bord sans dire un mot, et fit porter ses bagages au chemin de fer de Lyon. C'est ainsi que M. Chermidy m'a fait entrer dans la confidence de madame. J'en ai bien appris d'autres par le comte de Villanera.
--Arrivons-nous? demanda le duc.
--Un instant de patience. Mme Chermidy avait distingu�� don Diego quelque temps avant l'arriv��e du mari. Elle ��tait sa voisine au balcon des Italiens, loge �� loge, et elle sut le regarder avec de tels yeux qu'il se fit pr��senter chez elle. Tous les hommes vous diront que son salon est un des plus agr��ables de Paris, quoiqu'on n'y rencontre jamais une autre femme que la ma?tresse de la maison. Mais elle se multiplie. Le comte se passionna pour elle, par le m��me esprit d'��mulation qui avait perdu le malheureux Chermidy. Il l'aima d'autant plus aveugl��ment qu'elle lui laissa tous les honneurs de la guerre et parut c��der �� un penchant irr��sistible qui la jetait dans ses bras. L'homme le plus spirituel se laisse prendre �� cette amorce, et il n'y a point de scepticisme qui tienne contre la com��die de l'amour vrai. Don Diego n'est pas un ��tourdi sans exp��rience. S'il avait devin�� un motif d'int��r��t, surpris un mouvement calcul��, il se mettait en garde, et tout ��tait perdu. Mais la fine mouche poussa l'habilet�� jusqu'�� l'h��ro?sme. Elle ��puisa toutes les ressources de son budget et employa son dernier sou �� faire croire au comte qu'elle l'aimait pour lui. Elle exposa m��me sa r��putation, dont elle avait pris tant de soin, et elle se serait compromise follement, s'il n'y e?t mis bon ordre. La comtesse douairi��re de Villanera, une sainte femme, belle de vieillesse et de roideur, et semblable �� un portrait de V��lasquez ��chapp�� du cadre, eut connaissance des amours de son fils, et n'y trouva rien �� redire. Elle aimait mieux le voir li�� �� une femme du monde que perdu dans les plaisirs faciles o�� l'on se ruine et l'on s'avilit.
La d��licatesse de Mme Chermidy ��tait si chatouilleuse, que don Diego ne put jamais lui donner une bagatelle. La premi��re chose qu'elle accepta de lui, apr��s un an d'intimit��, fut une inscription de quarante mille francs de rente. Elle ��tait grosse d'un fils qui naquit en novembre 1850. Maintenant, monsieur le duc, nous sommes au coeur de la question.
Mme Chermidy a fait ses couches au village de la Bret��che-Saint-Nom, derri��re Saint-Germain. J'��tais l��. Don Diego, ignorant nos lois et croyant que tout est permis aux personnes de sa condition, voulait reconna?tre l'enfant. Les a?n��s
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 87
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.