Germaine | Page 4

Edmond About
�� tous les plaisirs, qu'il n'eut pas le temps de se blaser.
Tout lui parut bon, les jouissances de la table, les satisfactions de la vanit��, les ��motions du jeu, et m��me les joies aust��res de la famille. Il montrait dans sa maison l'empressement d'un jeune mari, et dans le monde la fougue d'un fils de famille ��mancip��. Sa femme ��tait la plus heureuse de France, mais elle n'��tait pas la seule dont il fit le bonheur. Il pleura de joie �� la naissance de sa fille, vers l'��t�� de 1835. Dans l'exc��s de son bonheur, il acheta une maison de campagne �� une danseuse dont il ��tait fou. Les d?ners qu'il donnait chez lui n'avaient point de rivaux, si ce n'est les soupers qu'il donnait chez sa ma?tresse. Le monde, qui est toujours indulgent pour les hommes, lui pardonna ce gaspillage de sa vie et de sa fortune. On trouva qu'il faisait galamment les choses, puisque ses plaisirs du dehors n'��veillaient pas un ��cho douloureux dans sa maison. En bonne justice, pouvait-on lui reprocher de r��pandre un peu partout le trop-plein de sa bourse et de son coeur? Aucune femme ne plaignit la duchesse; et, en effet, elle n'��tait pas �� plaindre. Il ��vitait soigneusement de se compromettre, il ne se montrait en public qu'avec sa femme, et il aurait mieux aim�� manquer une partie que de l'envoyer seule au bal.
Cette vie en partie double, et les m��nagements dont un galant homme sait envelopper ses plaisirs, eurent bient?t entam�� son capital. Rien ne co?te plus cher �� Paris que l'ombre et la discr��tion. Le duc ��tait trop grand seigneur pour compter avec personne. Il ne sut jamais rien refuser �� sa femme ni �� la femme d'autrui. Ne croyez pas qu'il ignorat les br��ches ��normes qu'il faisait �� sa fortune; mais il comptait sur le jeu pour tout r��parer. Les hommes �� qui le bien est venu en dormant s'habituent �� une confiance illimit��e dans le destin. M. de La Tour d'Embleuse ��tait heureux comme celui qui prend les cartes pour la premi��re fois. On estime que ses gains de l'ann��e 1841 doubl��rent son revenu et au del��. Mais rien ne dure en ce monde, pas m��me le bonheur au jeu: il en fit bient?t l'exp��rience. La liquidation de 1848, qui mit �� nu tant de mis��res, lui apprit qu'il ��tait ruin�� sans ressource. Il aper?ut sous ses pieds un ab?me sans fond. Un autre aurait perdu l'esprit; il ne perdit pas m��me l'esp��rance. Il alla droit �� sa femme et lui dit gaiement: ?Ma ch��re Marguerite, cette maudite r��volution nous a tout pris. Nous n'avons pas mille francs �� nous.?
La duchesse ne s'attendait pas �� semblable nouvelle. Elle songea �� sa fille, et pleura am��rement.
?Ne craignez rien, lui dit-il; c'est un orage qui passe. Comptez sur moi; je compte sur le hasard. On dit que je suis un homme l��ger; tant mieux! je reviendrai sur l'eau.?
La pauvre femme essuya ses larmes et lui dit:
?Bien, mon ami! Vous travaillerez?
--Moi! Fi donc! J'attendrai la Fortune: c'est une capricieuse; elle est trop bien avec moi pour me quitter de but en blanc sans esprit de retour.?
Le duc attendit huit ans dans un petit appartement de l'h?tel de Sangli��, au-dessus des ��curies. Ses anciens amis, d��s qu'ils eurent le temps de se reconna?tre, l'aid��rent de leur bourse et de leur cr��dit. Il emprunta sans scrupule, en homme qui avait beaucoup pr��t�� sans billet. On lui offrit plusieurs emplois, tous honorables. Une compagnie industrielle voulut l'adjoindre �� son conseil de surveillance, avec une allocation qui valait un traitement. Il refusa, de peur de d��roger. ?Je veux bien vendre mon temps, dit-il; mais je n'entends pas pr��ter mon nom.? C'est ainsi qu'il descendit un �� un tous les ��chelons de la mis��re, d��courageant ses amis, fatiguant ses cr��anciers, se fermant toutes les portes, usant son nom qu'il ne voulait pas compromettre, mais sans jamais prendre au s��rieux l'habit rap�� qu'il promenait dans les rues, et sa chemin��e sans feu, faute de deux morceaux de bois.
Le 1er janvier 1853, la duchesse portait au mont-de-pi��t�� son anneau de mariage.
Il faut ��tre bien destitu�� de tout secours humain pour engager un objet d'aussi mince valeur qu'un anneau de mariage. Mais la duchesse n'avait pas un centime �� la maison, et l'on ne vit pas sans argent, quoique la confiance soit le grand ressort du commerce de Paris. On se procure bien des choses sans les payer, lorsqu'on peut jeter sur le comptoir du marchand un beau nom et une adresse imposante. Vous pouvez meubler votre maison, remplir votre cave et monter votre garde-robe sans faire voir aux fournisseurs la couleur de vos ��cus. Mais il y a mille d��penses quotidiennes qui ne se font que la bourse �� la main. Un habit se prend �� cr��dit, mais le
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