Georges
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Title: Georges
Author: Alexandre Dumas
Release Date: April 27, 2006 [EBook #18271]
Language: French
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Alexandre Dumas
GEORGES
(1843)
Table des matières
Chapitre I--L'île de France. Chapitre II--Lions et léopards. Chapitre
III--Trois enfants. Chapitre IV--Quatorze ans après. Chapitre
V--L'enfant prodigue. Chapitre VI--Transfiguration. Chapitre VII--La
berloque. Chapitre VIII--La toilette du nègre marron. Chapitre IX--La
rose de la rivière noire. Chapitre X--Le bain. Chapitre XI--Le prix des
nègres. Chapitre XII--Le bal. Chapitre XIII--Le négrier. Chapitre
XIV--Philosophie négrière. Chapitre XV--La boîte de Pandore.
Chapitre XVI--La demande en mariage. Chapitre XVII--Les courses.
Chapitre XVIII--Laïza. Chapitre XIX--Le Yamsé. Chapitre XX--Le
rendez-vous. Chapitre XXI--Le refus. Chapitre XXII--La révolte.
Chapitre XXIII--Un coeur de père. Chapitre XXIV--Les grands bois.
Chapitre XXV--Juge et bourreau. Chapitre XXVI--La chasse aux
nègres. Chapitre XXVII--La répétition. Chapitre XXVIII--L'église du
Saint-Sauveur. Chapitre XXIX--Le «Leycester». Chapitre XXX--Le
combat. Bibliographie--OEuvres complètes.
Chapitre I--L'île de France
Ne vous est-il pas arrivé quelquefois, pendant une de ces longues,
tristes et froides soirées d'hiver, où, seul avec votre pensée, vous
entendiez le vent siffler dans vos corridors, et la pluie fouetter contre
vos fenêtres; ne vous est-il pas arrivé, le front appuyé contre votre
cheminée, et regardant, sans les voir, les tisons pétillants dans l'âtre; ne
vous est-il pas arrivé, dis-je, de prendre en dégoût notre climat sombre,
notre Paris humide et boueux, et de rêver quelque oasis enchantée,
tapissée de verdure et pleine de fraîcheur, où vous puissiez, en quelque
saison de l'année que ce fût, au bord d'une source d'eau vive, au pied
d'un palmier, à l'ombre des jambosiers, vous endormir peu à peu dans
une sensation de bien-être et de langueur?
Eh bien, ce paradis que vous rêviez existe; cet Eden que vous
convoitiez vous attend; ce ruisseau qui doit bercer votre somnolente
sieste tombe en cascade et rejaillit en poussière; le palmier qui doit
abriter votre sommeil abandonne à la brise de la mer ses longues
feuilles, pareilles au panache d'un géant. Les jambosiers, couverts de
leurs fruits irisés, vous offrent leur ombre odorante. Suivez-moi; venez.
Venez à Brest, cette soeur guerrière de la commerçante Marseille,
sentinelle armée qui veille sur l'Océan; et là, parmi les cent vaisseaux
qui s'abritent dans son port, choisissez un de ces bricks à la carène
étroite, à la voilure légère; aux mâts allongés comme en donne à ces
hardis pirates le rival de Walter Scott, le poétique romancier de la mer.
Justement nous sommes en septembre, dans le mois propice aux longs
voyages. Montez à bord du navire auquel nous avons confié notre
commune destinée, laissons l'été derrière nous, et voguons à la
rencontre du printemps. Adieu, Brest! Salut, Nantes! Salut, Bayonne!
Adieu, France!
Voyez-vous, à notre droite, ce géant qui s'élève à dix mille pieds de
hauteur, dont la tête de granit se perd dans les nuages, au-dessus
desquels elle semble suspendue, et dont, à travers l'eau transparente, on
distingue les racines de pierre qui vont s'enfonçant dans l'abîme? C'est
le pic de Ténériffe, l'ancienne Nivaria, c'est le rendez-vous des aigles
de l'Océan que vous voyez tourner autour de leurs aires et qui vous
paraissent à peine gros comme des colombes. Passons, ce n'est point là
le but de notre course; ceci n'est que le parterre de l'Espagne, et je vous
ai promis le jardin du monde.
Voyez-vous, à notre gauche, ce rocher nu et sans verdure que brûle
incessamment le soleil des tropiques? C'est le roc où fut enchaîné six
ans le Prométhée moderne; c'est le piédestal où l'Angleterre a élevé
elle-même la statue de sa propre honte; c'est le pendant du bûcher de
Jeanne d'Arc et de l'échafaud de Marie Stuart; c'est le Golgotha
politique, qui fut dix-huit ans le pieux rendez-vous de tous les navires;
mais ce n'est point encore là que je vous mène. Passons, nous n'avons
plus rien à y faire: la régicide Sainte Hélène est veuve des reliques de
son martyr.
Nous voilà au cap des Tempêtes. Voyez-vous cette montagne qui
s'élance au milieu des brumes? C'est ce même géant Adamastor qui
apparut à l'auteur de La Lusiade. Nous passons devant l'extrémité de la
terre; cette pointe qui s'avance vers nous, c'est la proue du monde.
Aussi, regardez comme l'Océan s'y brise furieux mais impuissant, car
ce vaisseau-là ne craint pas ses tempêtes, car il fait voile pour le port de
l'éternité, car il a Dieu même pour pilote. Passons; car, au delà de ces
montagnes verdoyantes, nous trouverons
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