Georges | Page 4

Alexandre Dumas, père
recouvre le m��me tombeau: c'est Paul et Virginie, ces deux alcyons des tropiques, dont la mer semble, en g��missant sur les r��cifs qui environnent la c?te, pleurer sans cesse la mort, comme une tigresse pleure ��ternellement ses enfants d��chir��s par elle m��me dans un transport de rage ou dans un moment de jalousie.
Et maintenant, soit que vous parcouriez l'?le de la passe de Descorne, au sud-ouest, ou de Mahebourg au petit Malabar, soit que vous suiviez les c?tes ou que vous enfonciez dans l'int��rieur, soit que vous descendiez les rivi��res ou que vous gravissiez les montagnes, soit que le disque ��clatant du soleil embrase la plaine de rayons de flamme, soit que le croissant de la lune argente les mornes de sa m��lancolique lumi��re, vous pouvez, si vos pieds se lassent, si votre t��te s'appesantit, si vos yeux se ferment, si, enivr�� par les ��manations embaum��es du rosier de la Chine, du jasmin de l'Espagne ou du frangipanier, vous sentez vos sens se dissoudre mollement comme dans une ivresse d'opium, vous pouvez, O mon compagnon, c��der sans crainte et sans r��sistance �� l'intime et profonde volupt�� du sommeil indien. Couchez-vous donc sur l'herbe ��paisse, dormez tranquille et r��veillez-vous sans peur, car ce l��ger bruit qui fait en s'approchant frissonner le feuillage, ces deux yeux noirs et scintillants qui se fixent sur vous, ce ne sont ni le fr?lement empoisonn�� du bouqueira de la Jama?que, ni les yeux du tigre de Bengale. Dormez tranquille et r��veillez-vous sans peur; jamais l'��cho de l'?le n'a r��p��t�� le sifflement aigu d'un reptile, ni le hurlement nocturne d'une b��te de carnage. Non, c'est une jeune n��gresse qui ��carte deux branches de bambou pour y passer sa jolie t��te et regarder avec curiosit�� l'Europ��en nouvellement arriv��. Faites un signe, sans m��me bouger de votre place, et elle cueillera pour vous la banane savoureuse, la mangue parfum��e ou la gousse du tamarin; dites un mot, et elle vous r��pondra de sa voix gutturale et m��lancolique: ?Mo sellave mo faire ?a que vous vi��.? Trop heureuse si un regard bienveillant ou une parole de satisfaction vient la payer de ses services, alors elle offrira de vous servir de guide vers l'habitation de son ma?tre. Suivez-la, n'importe o�� elle vous m��ne; et, quand vous apercevrez une jolie maison avec une avenue d'arbres, avec une ceinture de fleurs, vous serez arriv��; ce sera la demeure du planteur, tyran ou patriarche, selon qu'il est bon ou m��chant; mais, qu'il soit l'un ou l'autre, cela ne vous regarde pas et vous importe peu. Entrez hardiment, allez vous asseoir �� la table de la famille; dites: ?Je suis votre h?te.? et alors la plus riche assiette de Chine, charg��e de la plus belle main de bananes, le gobelet argent�� au fond de cristal, et dans lequel moussera la meilleure bi��re de l'?le, seront pos��s devant vous; et, tant que vous voudrez, vous chasserez avec son fusil dans ses savanes, vous p��cherez dans sa rivi��re avec ses filets; et, chaque fois que vous viendrez vous-m��me ou que vous lui adresserez un ami, on tuera le veau gras; car ici l'arriv��e d'un h?te est une f��te, comme le retour de l'enfant prodigue ��tait un bonheur.
Aussi les Anglais, ces ��ternels jalouseurs de la France, avaient-ils depuis longtemps les yeux fix��s sur sa fille ch��rie, tournant sans cesse autour d'elle, essayant tant?t de la s��duire par de l'or, tant?t de l'intimider par les menaces: mais �� toutes ces propositions la belle cr��ole r��pondait par un supr��me d��dain, si bien qu'il fut bient?t visible que ses amants, ne pouvant l'obtenir par s��duction, voulaient l'enlever par violence, et qu'il fallut la garder �� vue comme une monja espagnole. Pendant quelque temps elle en fut quitte pour des tentatives sans importance, et par cons��quent sans r��sultat; mais enfin l'Angleterre, n'y pouvant plus tenir, se jeta sur elle �� corps perdu, et, comme l'?le de France apprit un matin que sa soeur Bourbon venait d��j�� d'��tre enlev��e, elle invita ses d��fenseurs �� faire sur elle meilleure garde encore que par le pass��, et l'on commen?a tout de bon �� aiguiser les couteaux et �� faire rougir les boulets, car de moment en moment on attendait l'ennemi.
Le 23 ao?t 1810, une effroyable canonnade qui retentit par toute l'?le annon?a que l'ennemi ��tait arriv��.

Chapitre II--Lions et l��opards
C'��tait �� cinq heures du soir, et vers la fin d'une de ces magnifiques journ��es d'��t�� inconnues dans notre Europe. La moiti�� des habitants de l'?le de France, dispos��s en amphith��atre sur les montagnes qui dominent Grand-Port, regardaient haletants la lutte qui se livrait �� leurs pieds, comme autrefois les Romains, du haut du cirque, se penchaient sur une chasse de gladiateurs ou sur un combat de martyrs.
Seulement, cette fois, l'ar��ne ��tait un vaste port tout environn�� d'��cueils, o�� les combattants s'��taient fait ��chouer pour ne pas
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