Gabriel | Page 3

George Sand
le sien?...
LE PR��CEPTEUR. Quelques paroles, sans doute; quelques id��es, jamais. Il n'a vu que de loin les filles de la campagne, et il ��prouve une insurmontable r��pugnance �� leur parler.
LE PRINCE. Et vraiment vous croyez ��tre s?r qu'il ne se doute pas lui-m��me de la v��rit��?
LE PR��CEPTEUR. Son ��ducation a ��t�� si chaste, ses pens��es sont si pures, une telle ignorance a envelopp�� pour lui la v��rit�� d'un voile si imp��n��trable, qu'il ne soup?onne rien, et n'apprendra que de la bouche de votre altesse ce qu'il doit apprendre. Mais je dois vous pr��venir que ce sera un coup bien rude, une douleur bien vive, bien exalt��e peut-��tre.... De telles causes devaient amener de tels effets....
LE PRINCE. Sans doute... cela est bon. Vous le pr��parerez par un entretien, ainsi que nous en sommes convenus.
LE PR��CEPTEUR. Monseigneur, j'entends le galop d'un cheval... C'est lui. Si vous voulez le voir par cette fen��tre... il approche.
LE PRINCE, _se levant avec vivacit�� et regardant par la fen��tre en se cachant avec le rideau._ Quoi! ce jeune homme mont�� sur un cheval noir, rapide comme la temp��te?
LE PR��CEPTEUR, avec orgueil. Oui, monseigneur.
LE PRINCE. La poussi��re qu'il soul��ve me d��robe ses traits... Cette belle chevelure, cette taille ��l��gante... Oui, ce doit ��tre un joli cavalier... bien pos�� sur son cheval; de la grace, de l'adresse, de la force m��me... Eh bien! va-t-il donc sauter la barri��re, ce jeune fou?
LE PR��CEPTEUR. Toujours, monseigneur.
LE PRINCE. Bravissimo! Je n'aurais pas fait mieux �� vingt-cinq ans. L'abb��, si le reste de l'��ducation a aussi bien r��ussi, je vous en fais mon compliment et je vous en r��compenserai de mani��re �� vous satisfaire, soyez-en certain. Maintenant j'entre dans l'appartement que vous m'avez destin��. Derri��re cette cloison, j'entendrai votre entretien avec lui. J'ai besoin d'��tre pr��par�� moi-m��me �� le voir, de le conna?tre un peu avant de m'adresser �� lui. Je suis ��mu, je ne vous le cache pas, monsieur l'abb��. Ceci est une circonstance grave dans ma vie et dans celle de cet enfant. Tout va ��tre d��cid�� dans un instant. De sa premi��re impression d��pend l'honneur de toute une famille. L'honneur! mot vile et tout-puissant!...
LE PR��CEPTEUR. La victoire vous restera comme toujours, monseigneur. Son ame romanesque, dont je n'ai pu fa?onner absolument �� votre guise tous les instincts, se r��voltera peut-��tre au premier choc; mais l'horreur de l'esclavage, la soif d'ind��pendance, d'agitation et de gloire triompheront de tous les scrupules.
LE PRINCE. Puissiez-vous deviner juste! Je l'entends... son pas est d��lib��r��!... J'entre ici... Je vous donne une heure... plus ou moins, selon....
LE PR��CEPTEUR. Monseigneur, vous entendrez tout. Quand vous voudrez qu'il paraisse devant vous, laissez tomber un meuble; je comprendrai.
LE PRINCE. Soit! _(Il entre dans l'appartement voisin.)_
SC��NE III.
LE PR��CEPTEUR, GABRIEL.
(_Gabriel en habit de chasse �� la mode du temps, cheveux longs, boucl��s, en d��sordre, le fouet �� la main. Il se jette sur une chaise, essouffl��, et s'essuie le front._)
GABRIEL. Ouf! je n'en puis plus.
LE PR��CEPTEUR. Vous ��tes pale, en effet, monsieur. Auriez-vous ��prouv�� quelque accident?
GABRIEL. Non, mais mon cheval a failli me renverser. Trois fois il s'est d��rob�� au milieu de la course. C'est une chose ��trange et qui ne m'est pas encore arriv��e depuis que je le monte. Mon ��cuyer dit que c'est d'un mauvais pr��sage. A mon sens, cela pr��sage que mon cheval devient ombrageux.
LE PR��CEPTEUR. Vous semblez ��mu... Vous dites que vous avez failli ��tre renvers��?
GABRIEL. Oui, en v��rit��. J'ai failli l'��tre �� la troisi��me fois, et �� ce moment j'ai ��t�� effray��.
LE PR��CEPTEUR. Effray��? vous, si bon cavalier?
GABRIEL. Eh bien, j'ai eu peur, si vous l'aimez mieux.
LE PR��CEPTEUR. Parlez moins haut, monsieur, l'on pourrait vous entendre.
GABRIEL. Eh! que m'importe? Ai-je coutume d'observer mes paroles et de d��guiser ma pens��e? Quelle honte y a-t-il?
LE PR��CEPTEUR. Un homme ne doit jamais avoir peur.
GABRIEL Autant voudrait dire, mon cher abb��, qu'un homme ne doit jamais avoir froid, ou ne doit jamais ��tre malade. Je crois seulement qu'un homme ne doit jamais laisser voir �� son ennemi qu'il a peur.
LE PR��CEPTEUR. Il y a dans l'homme une disposition naturelle �� affronter le danger, et c'est ce qui le distingue de la femme tr��s-particuli��rement.
GABRIEL. La femme! la femme, je ne sais �� quel propos vous me parlez toujours de la femme. Quant �� moi, je ne sens pas que mon ame ait un sexe, comme vous tachez souvent de me le d��montrer. Je ne sens en moi une facult�� absolue pour quoi que ce soit: par exemple, je ne me sens pas brave d'une mani��re absolue, ni poltron non plus d'une mani��re absolue. Il y a des jours o�� sous l'ardent soleil de midi, quand mon front est en feu, quand mon cheval est enivr��, comme moi, de la course, je franchirais, seulement pour me divertir, les plus affreux pr��cipices de nos montagnes. Il est des soirs o�� le bruit d'une crois��e
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