Florence historique, monumentale, artistique | Page 6

Marcel Niké
et ingrate. Dans un int��r��t mal entendu, Dante en ��tait venu �� souhaiter l'Empereur ma?tre du monde et de l'Italie. Il maintenait dans son syst��me la supr��matie spirituelle du Pape et faisait de l'Empereur l'ouaille du Pape, et de la Papaut�� la vassale de l'Empire, th��orie inapplicable et toute scolastique qu'il expose et qu'il d��veloppe dans son livre de la Monarchie.
Les ann��es 1328 et 1329 furent des plus d��sastreuses pour Florence. Les mauvaises r��coltes, la disette, les banqueroutes, jointes au fl��au des invasions et aux difficult��s int��rieures de tout ordre, la mettaient dans la situation la plus critique. De 1340 �� 1346, elle fut en proie aux m��mes calamit��s. G��nes et Pise ayant accapar�� les bl��s, la Seigneurie dut acheter au poids de l'or les grains n��cessaires �� la subsistance de la ville.
Dans l'ann��e 1347, Florence eut �� pourvoir aux besoins de plus de cent mille personnes, mais l'insuffisance et la mauvaise qualit�� du pain augment��rent la mortalit�� dans une telle proportion qu'on en vint �� ne plus sonner les cloches et �� ne plus annoncer les d��c��s. Pour comble de maux, la peste se mit de la partie et les corps ��puis��s par la famine n'��taient que trop pr��dispos��s �� la contagion. Du reste, au printemps de 1348, l'��pid��mie gagna toute l'Europe, et quelques cit��s alpestres de la Suisse, du Milanais ou du Tyrol ��chapp��rent seules au fl��au.
Les malades, �� peine atteints, ��taient couverts de bubons charbonneux accompagn��s d'h��morragies, et bient?t personne ne voulut plus les soigner. Au premier sympt?me du mal, la maison ��tait abandonn��e et il ne restait au malade d'autre ressource que de mourir dans l'isolement, bien heureux encore si, avant de le quitter, on laissait �� sa port��e de quoi calmer la soif qui le d��vorait ou, en cas de mieux, de quoi ne pas mourir de faim. Quand la mort survenait, ce n'��tait parfois qu'au bout de plusieurs jours que l'on s'en apercevait et que l'on venait enlever un cadavre souvent en pleine d��composition, ce qui ne contribuait pas m��diocrement �� entretenir l'��pid��mie. Des fortunes colossales furent acquises alors; les drapiers qui avaient en magasin des stocks de drap noir, s'enrichirent subitement; tout ce qui touchait �� la mort se payait au poids de l'or.
Aux cimeti��res, on creusait de grandes fosses o�� les cadavres ��taient couch��s par centaines et o��, selon l'expression tragico-macabre de Villani, ?on jetait sur chaque rang��e de corps une l��g��re pellet��e de terre, comme on saupoudre de fromage les vermicelles?.
Dans les campagnes, la peste ��tait encore plus redoutable que dans les villes. Boccace, dans un r��cit plein d'horreur, montre les paysans mourant dans leurs maisons ouvertes ou sur les chemins, et leurs cadavres empestant l'air, car personne ne se souciait de les ensevelir, tandis que le b��tail, errant sans berger, rentrait de lui-m��me aux ��tables, ou bien gagnait la contagion en r?dant autour du ma?tre mort. A la longue, on reconnut que le plus sage ��tait encore d'��viter les exag��rations, et les moribonds purent retrouver quelques soins.
M��me en 1352, la peste n'avait pas disparu compl��tement de l'Europe, et dix ans plus tard, on ne s'��tait pas encore remis des perturbations sociales qui en ��taient r��sult��es. La fortune publique se trouvait enti��rement d��plac��e; on voyait dans l'opulence m��decins, apothicaires, garde-malades, marchands d'herbes m��dicinales, de volailles et de patisseries, tandis que beaucoup d'anciennes familles, ruin��es par la chert�� des denr��es, se trouvaient presque dans la mis��re. Ce qu'il y eut de plus singulier au milieu de ces calamit��s publiques, ce fut la poursuite effr��n��e des plaisirs, ce fut la folle gaiet�� �� laquelle on se livrait pour ��chapper, semblait-il, au spectre mena?ant de la mort. Au moment o�� la peste noire faisait �� Florence ses plus effroyables ravages, les citoyens tremblants, d��sesp��r��s, cherchaient �� s'��tourdir dans de folles orgies, et Boccace, apr��s en avoir trac�� le lugubre tableau, commence les charmants r��cits de son D��cam��ron. C'est un ��trange contraste, quand on est encore sous l'impression de la terreur laiss��e par le d��but, de voir ces jeunes cavaliers et ces jeunes femmes, assis sur de verts gazons, se livrer �� de joyeux devis, sans jeter en arri��re aucun regard de compassion vers la ville qu'ils ont fuie et dont on entend les g��missements dans le lointain. Le pr��sent est tout pour eux, et, dans la jouissance du moment, ils veulent oublier que, le lendemain peut-��tre, ils seront atteints a leur tour.
Parmi tant d'��preuves, les dispositions des partis, les sentiments de la bourgeoisie et du peuple avaient bien chang��. Deux classes se partageaient alors la R��publique: ?le peuple gras?, o�� se recrutait l'aristocratie nouvelle sortie des banques et des comptoirs, et le ?menu peuple?, compos�� des artisans, des ouvriers, des manoeuvres de toute esp��ce, et anim�� contre le ?popolo grasso? de toute la haine de gens l��s��s dans leurs int��r��ts. Bient?t la question des
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