Face au drapeau | Page 2

Jules Verne
de m��moire, impossibilit�� d'attention, plus de conscience, plus de jugement. Ce Thomas Roch n'��tait alors qu'un ��tre d��pourvu de raison, incapable de se suffire, priv�� de cet instinct naturel qui ne fait pas d��faut m��me �� l'animal, -- celui de la conservation, -- et il fallait en prendre soin comme d'un enfant qu'on ne peut perdre de vue. Aussi, dans le pavillon 17 qu'il occupait au bas du parc de Healthful-House, son gardien avait-il pour tache de le surveiller nuit et jour.
La folie commune, lorsqu'elle n'est pas incurable, ne saurait ��tre gu��rie que par des moyens moraux. La m��decine et la th��rapeutique y sont impuissantes, et leur inefficacit�� est depuis longtemps reconnue des sp��cialistes. Ces moyens moraux ��taient-ils applicables au cas de Thomas Roch? il ��tait permis d'en douter, m��me en ce milieu tranquille et salubre de Healthful-House. En effet, l'inqui��tude, les changements d'humeur, l'irritabilit��, les bizarreries de caract��re, la tristesse, l'apathie, la r��pugnance aux occupations s��rieuses ou aux plaisirs, ces divers sympt?mes apparaissaient nettement. Aucun m��decin n'aurait pu s'y m��prendre, aucun traitement ne semblait capable de les gu��rir ni de les att��nuer.
On a justement dit que la folie est un exc��s de subjectivit��, c'est-��-dire un ��tat o�� l'ame accorde trop �� son labeur int��rieur, et pas assez aux impressions du dehors. Chez Thomas Roch, cette indiff��rence ��tait �� peu pr��s absolue. Il ne vivait qu'en dedans de lui-m��me, en proie �� une id��e fixe dont l'obsession l'avait amen�� l�� o�� il en ��tait. Se produirait-il une circonstance, un contrecoup qui ?l'ext��rioriserait?, pour employer un mot assez exact, c'��tait improbable, mais ce n'��tait pas impossible.
Il convient d'exposer maintenant dans quelles conditions ce Fran?ais a quitt�� la France, quels motifs l'ont attir�� aux ��tats- Unis, pourquoi le gouvernement f��d��ral avait jug�� prudent et n��cessaire de l'interner dans cette maison de sant��, o�� l'on noterait avec un soin minutieux tout ce qui lui ��chapperait d'inconscient au cours de ses crises.
Dix-huit mois auparavant, le ministre de la Marine �� Washington re?ut une demande d'audience au sujet d'une communication que d��sirait lui faire ledit Thomas Roch.
Rien que sur ce nom, le ministre comprit ce dont il s'agissait. Bien qu'il s?t de quelle nature serait la communication, quelles pr��tentions l'accompagneraient, il n'h��sita pas, et l'audience fut imm��diatement accord��e.
En effet, la notori��t�� de Thomas Roch ��tait telle que, soucieux des int��r��ts dont il avait charge, le ministre ne pouvait h��siter �� recevoir le solliciteur, �� prendre connaissance des propositions que celui-ci voulait personnellement lui soumettre.
Thomas Roch ��tait un inventeur, -- un inventeur de g��nie. D��j�� d'importantes d��couvertes avaient mis sa personnalit�� assez bruyante en lumi��re. Grace �� lui, des probl��mes, de pure th��orie jusqu'alors, avaient re?u une application pratique. Son nom ��tait connu dans la science. Il occupait l'une des premi��res places du monde savant. On va voir �� la suite de quels ennuis, de quels d��boires, de quelles d��ceptions, de quels outrages m��me dont l'abreuv��rent les plaisantins de la presse, il en arriva �� cette p��riode de la folie qui avait n��cessit�� son internement �� Healthful-House.
Sa derni��re invention concernant les engins de guerre portait le nom de Fulgurateur Roch. Cet appareil poss��dait, �� l'en croire, une telle sup��riorit�� sur tous autres, que l'��tat qui s'en rendrait acqu��reur serait le ma?tre absolu des continents et des mers.
On sait trop �� quelles difficult��s d��plorables se heurtent les inventeurs, quand il s'agit de leurs inventions, et surtout lorsqu'ils tentent de les faire adopter par les commissions minist��rielles. Nombre d'exemples, -- et des plus fameux, -- sont encore pr��sents �� la m��moire. Il est inutile d'insister sur ce point, car ces sortes d'affaires pr��sentent parfois des dessous difficiles �� ��claircir. Toutefois, en ce qui concerne Thomas Roch, il est juste d'avouer que, comme la plupart de ses pr��d��cesseurs, il ��mettait des pr��tentions si excessives, il cotait la valeur de son nouvel engin �� des prix si inabordables qu'il devenait �� peu pr��s impossible de traiter avec lui.
Cela tenait, -- il faut le noter aussi, -- �� ce que d��j��, �� propos d'inventions pr��c��dentes dont l'application fut f��conde en r��sultats, il s'��tait vu exploiter avec une rare audace. N'ayant pu en retirer le b��n��fice qu'il devait ��quitablement attendre, son humeur avait commenc�� �� s'aigrir. Devenu d��fiant, il pr��tendait ne se livrer qu'�� bon escient, imposer des conditions peut-��tre inacceptables, ��tre cru sur parole, et, dans tous les cas, il demandait une somme d'argent si consid��rable, m��me avant toute exp��rience, que de telles exigences parurent inadmissibles.
En premier lieu, ce Fran?ais offrit le Fulgurateur Roch �� la France. Il fit conna?tre �� la commission ayant qualit�� pour recevoir sa communication en quoi elle consistait. Il s'agissait d'une sorte d'engin autopropulsif, de fabrication toute sp��ciale, charg�� avec un explosif compos�� de substances nouvelles, et qui ne produisait son effet que sous l'action d'un d��flagrateur nouveau aussi.
Lorsque cet engin, de quelque mani��re qu'il e?t
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