Expéditions autour de ma tente | Page 7

Ch. Des Ecores
tente, co?te que co?te.
Et moi qui voyageais si doucement! J'étais bien heureux dans ma tranquillité de sybarite! Que l'alfa de ma couche me semblait tendre!
Sauf les quelques milliers de puces qui me stimulaient, je passais de si belles nuits sans sommeil!
Les jours, se succédant, accumulaient dans mon ame une si abondante dose d'un ennui bienfaisant!
Comme la riante et boueuse rivière chantait bien, en courant gaiement, entre les roseaux de ses rives vaseuses!
Quelles luttes n'ai-je pas eu à soutenir contre les moustiques, assidus visiteurs de mes pénates!
Quel... Mais j'étais sur le point d'oublier le siroco du désert, le classique siroco du Sahara, le seul siroco qui existe.
Ingrat! j'allais oublier ses passages quotidiens.
Fidèle au rendez-vous, le siroco annon?ait chaque soir son arrivée par un je ne sais quoi qui nous faisait immédiatement entrer sous la tente et fermer tout.
Et les scorpions! familiers du voisinage, ils habitaient les sacs, les couvertures, les habits et exigeaient une hospitalité soutenue qu'ils payaient d'un coup de dard!
Le majestueux cafard, grave, inoffensif et ne demandant que la vie sauve, venait aussi rouler sa boule dans notre camp!
Et les araignées! Et les tarentules! Et les mouches! Et les coléoptères de tous grades et de toutes espèces, camarades, à effets gradués d'embêtement, dont la présence savait si bien charmer mon réduit! Hélas! je vous quitte tous, et demain je pars!
J'implore votre sensibilité, cher lecteur, car c'est ici, je vous le dis en vérité, l'endroit où vous devez la faire entrer en scène.
Versez donc deux pleurs au moins, et ma musette vous en sera reconnaissante.
Ma musette est voisine de mon képi. Elle infléchit vers le nord-est.
Son ventre regorge d'un monde que je mettrai à découvert plus tard.
Je l'ai un peu négligée dans ce chapitre, mais j'ai des retours touchants, et je saurai bien me faire pardonner cet oubli apparent.
Je ne sais d'où vient la musette. Dès les temps les plus reculés, la musette existait. On l'appelait besace ou de tout autre nom.
La musette remplace avantageusement, chez l'humble militaire, l'élégante sacoche de nos officiers.
Les billets de banque et quelques luxueux articles de toilette encombrent la sacoche. Un morceau de pain, plus souvent un biscuit, accompagné de quelques grains de riz et de café, composent toute la cargaison d'une musette ordinaire.
On y ajoute cependant, dans certaines circonstances rares, du lard, des oignons, de l'ail; mais c'est du dernier luxe.
Quelques troupiers, très-belliqueux, arrangent leur musette en un étui long et effilé, dans lequel ils faufilent leurs cartouches.
La proximité de l'ennemi recommande cette mesure. Cependant, j'en suis encore à m'en demander l'urgence en face de Bou-Amema, qui ne nous a pas gatés de son voisinage.
La musette se porte en bandoulière au moyen d'une banderole d'épaule. Trente centimètres de long sur vingt de hauteur sont les calculs de ses dimensions les plus en vogue.
La partie intérieure dépasse la partie extérieure d'une certaine longueur, qui se rabat et s'attache à deux boutons.
La toile est l'étoffe de sa confection. Voilà la musette.
La mienne n'entre pas dans la catégorie des musettes ordinaires, et je cache dans ses replis une longue liste d'objets, que je tacherai de déchiffrer plus tard.
Il me faut, pour cela, un peu de recueillement. Là-dessus, croyez-m'en, passons au havre-sac.

VII
LE HAVRE-SAC
Ce meuble occupe le nord de ma tente.
A propos, je vous demande pardon de parcourir ainsi la rosette des vents. Cela entre dans la clarté du récit.
Ma tente est presque circulaire dans sa base, et, pour l'intelligence des événements, il me faut la boussole.
Sans elle, aucune donnée ne pourrait réussir dans ce travail.
Aussi, c'est entendu, on ne me reprochera ni les points cardinaux, ni les points intermédiaires, et cette concession accordée aux grincheux m'autorise à revenir à mon sac.
Il est au nord, c'est-à-dire vis-à-vis de la porte de ma tente.
Son utilité, en station, réside dans les services qu'il me rend pendant mon repos: il me sert d'oreiller.
J'avouerai, pour être véridique en tout, qu'il est un peu dur, mais l'habitude émousse les sensations, et ma tête se porte un peu moins bien pour cela.
En route, il prend sa revanche et se fait sentir par un attachement variant de vingt-cinq à trente kilogrammes de poids.
Une étape, d'une vingtaine de kilomètres, permet encore de dédaigner le sac, mais trente-cinq l'alourdissent, et en approchant de la cinquantaine, il devient tout à fait exigeant.
J'écris un peu d'après mon expérience personnelle. Cependant, toute abstraction faite du sentiment égo?ste, je ne crois pas mentir en affirmant que j'exprime, à peu de chose près, l'opinion générale.
Le soldat s'est moqué, se moque encore et se moquera toujours du sac, à qui il applique toutes sortes de noms dérisoires: emplatre, as de carreau, Azor, etc.
Quelquefois, un troupier bien fatigué l'interpelle pendant une halte. Mettant le pied dessus, il lui demande, d'un petit air engageant: ?Veux-tu me porter maintenant? Il y a bien assez longtemps que je le fais. A ton tour.?
Le sac, restant calme et digne,
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 68
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.