mal, cher duc, il est très bien.
--Ah! quel bon goût, ma chère, enfin, laissez-moi vous finir mon
histoire.
--Faites, mais faites vite.
--Je l'ai rencontré tout à l'heure.
--Je regrette de ne pas avoir eu la même chance.
--Vous êtes aimable... je sais son nom.
--Vous êtes bien heureux.
--Jacques de Mérigue.
--Tiens, un joli nom.
--Vous trouvez?
--C'est tout ce que vous aviez à m'apprendre?
--Ah! mais non... un peu de patience.
--Vous voyez que je n'en manque pas.
--Ce Mérigue est l'étonnant candidat qui a signé les affiches
extraordinaires dont tout le monde parle.
Blanche, à ces mots, prêta une attention plus soutenue aux paroles de
son fiancé.
--Vous dites? interrogea-t-elle.
--Ce Mérigue, votre insolent admirateur, n'est autre chose que ce
candidat qui fait tant de bruit.
--Tiens, tiens; mais il devient tout à fait intéressant, ce jeune homme.
--Quoi! ce malotru qui a osé...
--Ta, ta, ta, pas de gros mots; pourquoi lui en voudrais-je de me trouver
bien? Est-ce que vous ne dites pas comme lui, par hasard?
--Ma chère, si je ne croyais de manquer au respect que je vous dois...
--Ne craignez rien, allez, j'ai bon dos.
--Je vous dirais...
--Pas de conditionnel.
--Que vos réflexions frisent l'impertinence.
--C'est un point de vue.
--Et je ne comprends guère qu'à un mois de notre mariage...
--Un mois!... qui vous a dit cela?
--Mais je croyais... pardon!
--Vous êtes bien pressé.
--Quel changement soudain.
--Vous enterrez bien vos vies de garçon, vous autres...
--Mais, chère amie, je ne suppose pas que vous ayez à faire une
opération du même genre...
--Chi lo sa?
--Je ne comprends pas l'hébreu, ma chère.
--S'il n'y avait que l'hébreu!...
VII
LE COMITÉ
Monsieur le Président, Vidame du Merlerault.--Messieurs, vous
devinez tous l'objet de notre réunion. Il vient de se produire un fait
bizarre, absolument inouï, dans les annales du parti. Nous avions
décidé sagement et prudemment que nous ne décrions pas notre
drapeau à l'élection partielle qui va avoir lieu, le temps et les fonds
nous manquant absolument. Et voici qu'à la stupéfaction générale, un
jeune inconnu s'empare de cet étendard fleurdelysé qui a été confié à
notre garde, et va-t-en guerre sans demander notre avis, sans prendre
notre signal.
Le vicomte d'Escal.--Il eût attendu longtemps.
Le Président.--Sans doute. Nous n'avons pas habitude de confier à des
gens sortis on ne sait d'où la représentation de nos intérêts et de nos
opinions.
Le vicomte d'Escal--Parbleu, vous ne les confiez à personne.
Le Président.--Mieux vaut une abstention digne qu'une action
irréfléchie.
Le vicomte d'Escal.--Il y a cinquante ans que vous vous abstenez
dignement.
Le Président.--Mon cher vicomte, vous m'interrompez avec une
opiniâtreté inconcevable. Je vous cède la parole.
Le vicomte d'Escal.--Merci, je l'accepte. Messieurs, voici en deux mots
mon sentiment. Certainement, M. de Mérigue est blâmable d'avoir agi
sans nous consulter, mais, outre qu'il ignorait probablement notre
existence...
Le Président.--Un royaliste ne peut pas ignorer...
Le vicomte d'Escal.--Pardon! voilà que c'est vous qui m'interrompez,
maintenant... je continue: nous nous trouvons en présence d'un fait
accompli.
Monsieur de Prunières.--Hélas! oui, malheureusement.
Le vicomte d'Escal.--Comment, hélas? et d'un fait crânement accompli.
Le chevalier de Sainte-Gauburge.--Qu'importe la crânerie?
Le vicomte d'Escal.--Je la préfère à l'abstention digne. Je poursuis...
d'un fait crânement accompli par un homme jeune et vaillant.
Monsieur de Saint-Benest.--C'est précisément là qu'est le mal!
Monsieur de Prunières.--Il vaudrait mieux qu'il fût vieux et prudent.
Monsieur de Saint-Benest.--Le candidat nous a manqué de respect.
Le vicomte d'Escal.--Il ne vous connaît pas.
Le chevalier de Sainte-Gauburge.--C'est une circonstance aggravante.
Monsieur de Saint-Benest.--Et puis, enfin, qui est-il? Qu'est cela,
Mérigue? Sommes-nous certains qu'il soit né, seulement?
Le vicomte d'Escal.--Aussi vrai que vous êtes morts, vous autres.
Le Président.--Ne faisons pas d'esprit, cher vicomte, ce n'est pas dans
les habitudes de nos réunions.
Le vicomte d'Escal.--Veuillez m'excuser, Monsieur le Président, une
fois n'est pas coutume.
Le Président.--Je constate, Messieurs, qu'à l'exception de l'honorable
vicomte préopinant, nous sommes tous unanimes à déplorer cette
malencontreuse candidature, mais enfin, coûte que coûte, il faut
prendre une décision.
Monsieur de Saint-Benest.--Une décision, y pensez-vous? déjà!
Le Président.--Hélas! oui, malheureusement.
Monsieur de Prunières.--Quelle fâcheuse aventure!
Le chevalier de Sainte-Gauburge.--Oh! que c'est grave, oh! que c'est
grave!
Le Président.--Je vous propose, en premier lieu, de voter un blâme à M.
Jacques de Mérigue, pour avoir posé sa candidature en dehors de notre
assentiment. Le vicomte d'Escal est lui-même de cet avis. Que ceux qui
sont d'un sentiment contraire veuillent bien lever la main. Personne ne
lève la main. Le comité royaliste inflige un blâme à M. Jacques de
Mérigue.
Le vicomte d'Escal.--Soutiendrez-vous, oui ou non, sa candidature?
Le Président.--La question est double. D'abord nous ne pouvons pas lui
donner un centime.
Le chevalier de Sainte-Gauburge.--Pour ça, jamais! Il ne manquerait
plus que ça.
Monsieur de Prunières.--D'abord, il n'y a que 35 francs dans la caisse.
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