Excelsior | Page 9

Léonce de Larmandie
de comtes et des troupeaux de barons voulurent faire l'ascension des cent vingt marches. Ils restaient tous bouche b��ante devant le d��n?ment du candidat et se demandaient comment il ��tait possible que tant de valeur et de hardiesse fussent le partage d'un personnage aussi d��sh��rit�� du sort. Jacques, qui croyait ?marcher vivant dans son r��ve ��toil��?, recevait toutes les f��licitations et tous les compliments d'une fa?on �� la fois gauche et hautaine qui ��tait pleine d'une ��trange saveur. Il s'��tait empress��, naturellement, d'aller occuper son poste de r��p��titeur au coll��ge eccl��siastique de la rue de Monceau, o�� le r��v��rend P��re Coupessay l'avait accueilli comme une grande dame. Ce religieux opportuniste eut m��me l'admirable toupet de lui dire qu'il lui semblait bien l'avoir d��j�� vu quelque part. Tous les jeunes gens de famille avaient r��clam��, comme une pr��cieuse faveur, les le?ons de ce conqu��rant si remarquable �� la fois par sa mine fi��re, sa d��sinvolture et son caract��re bon enfant. Son premier ��l��ve avait ��t�� Th��odore de Vannes, le propre fr��re de la V��nus de Sainte-Radegonde, sorte de gros gar?on, jovial et brutal, ��lev�� �� la diable, notablement intelligent et dou�� par-dessus tout d'une excentricit�� voisine de l'ali��nation. Th��odore avait, d��s le premier jour, vou�� �� son ma?tre d'occasion une admiration d��sordonn��e et une sorte d'amiti�� violente et sans mesure. Jacques trouvait bien toutes les d��monstrations de l'adolescent un peu encombrantes, mais le vague espoir d'arriver �� la soeur par le fr��re le d��terminait �� supporter toutes les effusions obs��dantes du coll��gien. Il le fit causer avec un certain art et apprit une foule de choses int��ressantes, au sujet de sa chim��re. Il eut la confirmation des fian?ailles de Blanche avec le duc de Largeay. Th��odore ajouta que cette union ��tait le r��sultat d'une pure convenance de famille et que sa soeur trouvait le duc fade et ennuyeux. Il ��tait absolument du m��me avis et regrettait vivement que Blanche n'��pousat pas un homme intelligent et digne d'elle. On la surnommait partout la quatri��me Grace et elle allait unir ses destin��es �� celles d'un boudin sans savoir et sans esprit, dont tout le m��rite consistait �� perp��tuellement rire, aux fins d'exhiber un ratelier perfectionn�� pay�� six mille francs chez Pr��terre. Du reste, ajoutait Th��odore, ce mariage n'��tait certes pas fait encore et pourrait bien ne jamais se r��aliser. On juge si ces d��clarations ��taient approuv��es et appuy��es par M��rigue, qui arrivait �� se dire int��rieurement: d��cid��ment, ce gaillard-l�� est tr��s fort! il n'a pas les pr��jug��s de ses pareils: il est utilisable. L'affection qu'il me t��moigne, jointe �� cette largeur d'id��es, peut mettre bien des atouts dans mon jeu.
Un jour, le candidat royaliste re?ut la lettre suivante:
?Monsieur,
?Je fais une collecte �� domicile pour les pauvres du quartier sp��cialement secourus par M. l'abb�� de la Gloire-Dieu. Tout le bien qu'on dit de vous me fait un devoir de compter sur votre g��n��rosit��. J'aurai le plaisir de me pr��senter moi-m��me chez vous et je ne doute pas de l'accueil que vous voudrez bien faire �� mes sollicitations en faveur des malheureux.
?Recevez, Monsieur, l'assurance de mes sentiments tr��s distingu��s.
?Comtesse de Vannes, ?H?tel Soubise, 85, rue Saint-Dominique.?
Pardieu! s'��cria Jacques, je crois bien, que je t'en donnerais, si j'en avais, mais o�� diable trouver assez de monacos pour te faire une aum?ne digne... de la fille!
Il r��fl��chit quelques instants et s'��lan?a tout �� coup chez le vicaire de Saint-Barth��l��my. Il lui exposa la situation et le pria de lui avancer cinq louis.
--Mais, voyons, mon cher enfant, lui dit l'abb�� dont la sagacit�� devinait toutes les pens��es du jeune homme, voyons, pourquoi voulez-vous jeter une somme pareille par la fen��tre? Croyez-vous qu'on vous en saura gr��. On vous remerciera sans doute, mais on se dira que vous avez voulu poser, lancer de la poudre aux yeux, vous faire passer pour ce que vous n'��tes pas, enfin... je vois que vous persistez... qu'il soit fait selon vos d��sirs, pauvre enfant!... pauvre enfant!
Le pr��tre pronon?a ces derni��res paroles avec une tristesse qui fit trembler sa voix. Jacques n'y prit point garde, re?ut les cinq louis, remercia chaleureusement l'eccl��siastique et courut sans d��semparer �� l'h?tel de Soubise pour apporter son offrande.
--Mme la comtesse ne re?oit pas aujourd'hui, lui dit assez insolemment un concierge habill�� en suisse de cath��drale.
--Voulez-vous lui dire que c'est M. de M��rigue.
--Ni M��rigue, ni personne, r��pliqua avec s��cheresse le pipelet resplendissant.
Jacques se demanda s'il n'allait pas batonner ce dr?le. Il comprit bien vite l'inanit�� d'une pareille ex��cution, tendit au cerb��re l'enveloppe qui contenait sa carte et son billet de cent francs, en le foudroyant de ses yeux irrit��s. ?Bien?, r��pondit le valet et il referma brusquement la porte au nez fr��missant du donateur.

IX
LA FAMILLE JOYEUSE
--Papa! maman, Marianne, Mathilde, s'��criait Jacqueline toute haletante d'��motion et de bonheur, ��coutez! ��coutez! une lettre de mon cher petit fr��re. Ah! si vous

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